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KING KRULE, Man Alive!

Trois ans après l’acclamée mais clivant The OOZ, Archy Marshall (alias King Krule) revient titiller les soubassements de la scène underground mondiale avec un nouvel effort intitulé Man Alive!. Un recueil de quatorze titres toujours aussi lo-fi et décontenançants qui prouve que le jeune britannique de 26 ans est toujours bel et bien en vie.

 

Né en 1994, Archy Marshall fait ses premiers pas dans la musique sous le pseudonyme Zoo Kid en 2010 avec la sortie d’une poignée de titres bricolées. Un an plus tard, le Britannique opère un changement de sobriquet. Il devient King Krule. Une identité sous laquelle il se fait remarquer avec les sorties de Six Feet Beneath The Moon en 2013 et surtout de The OOZ en 2017. Avec ce dernier, la critique est divisée mais renforce encore un peu plus la hype du musicien anglo-saxon. Trois ans plus tard, King Krule est devenu père et livre un nouveau disque baptisé Man Alive!. Une oeuvre, comme à l’accoutumée, exigeante mais qui ne peut laisser de marbre.

Pour des raisons pratiques et évidentes lorsque l’on connaît les travaux de l’artiste, la chronique qui va suivre se fera en respectant l’ordre d’apparition des quatorze morceaux qui composent l’album. Un parti pris rédactionnel choisi volontairement pour mettre en évidence l’enchaînement ininterrompu et cohérent des morceaux. 

Le voyage démarre avec Cellular, un départ embrumé où l’on retrouve sans mal les différents ingrédients de la recette King Krule : des arrangements complexes et bricolés, une voix lointaine et hargneuse, une guitare dissonante presque surf rock, une basse omniprésente et une batterie électronique martelée. Supermarché se charge de la suite et maintient une atmosphère sombre et menaçante. Le phrasé post-punk d’Archy Marshall fait alors son apparition sur Stoned Again. Une composition pleine de rage au service d’une instrumentation flirtant avec le hip-hop. L’entêtant et métronomique Comet Face vient jouer avec nos accointances jazzy sur la fin avant que The Dream n’apaise quelque peu le tourbillon lo-fi engendré par le début de l’album. La balade Perfecto Miserable nous rappelle ensuite à quel point le Britannique apprécie baigner ses chansons dans une mélancolie cotonneuse et sournoise. Après, le single Alone, Omen 3 et ses sonorités très trip hop laissent entrevoir une certaine forme de lumière rapidement obscurcie par un final tendu et caverneux renforcé davantage par Slinky. Un titre déstabilisant où la colère semble prendre le dessus sur tout le reste.

On retourne le disque, on reprend nos esprits engourdis et on repart avec Airport Antenatal Airplane et sa voix féminine en fond sonore. La rythmique s’affole et apparaît plus marque que d’habitude. Un paramètre qui ne réussit malheureusement pas à nous relever du brouillard généré par la première moitié de l’album. Le premier single dévoilé au mois de janvier (Don’t Let the Dragon) Draag On fait sa lente entrée et fait montre d’une classe désarmante et dissonante. On se laisse emporter dans un flot neurasthénique sans trop pouvoir s’en échapper. Le très ambient Theme for the Cross joue ensuite la carte de l’expérimental et ne représente pas spécialement un intérêt particulier. Un moment de flottement en plein coeur d’une oeuvre relativement flottante. On pensait avoir renouer avec la batterie sur Underclass mais il n’en est rien. Après les cinq premières secondes, il faudra attendre près de deux minutes avant de retrouver une section rythmique digne de ce nom perdue dans une chanson où Marshall semble jouer au crooner. Un moment ensoleillé et romantique qui nous ferait presque remonter progressivement la pente avant que le mélancolique Energy Fleets ne vienne nous replonger la tête sous l’eau. Et ce ne sont pas ces cuivres qui nous feront grimper à la surface. Tout comme le final énigmatiquement plat Please Complete Thee. King Krule nous laisse en plan avec un ultime effort fidèle à ses ambitions musicales que l’on peut difficilement déterminer. Mais on y succombe sans mal.

 

En un peu plus de quarante minutes singulières et fascinantes, ce Man Alive! joue avec nous sans jamais nous ménager. King Krule compose une musique inclassable et intemporelle qui peut diviser mais qui ne peut certainement pas laisser indifférente. Légèrement plus accessible que The OOZ, ce nouvel album n’en reste pas moins des plus exigeants et pourra en rebuter plus d’un à la première écoute. Mais si le coeur vous en dit, laissez-vous entraîner dans les tribulations mélancoliques et brumeuses d’Archy Marshall. Un homme, plus que jamais, en vie. 

Note : 8/10

  • Hugo COUILLARD

Artiste : King Krule

Album : Man Alive!

Label : Matador Records/True Panther Sounds/XL Recordings

Date de sortie : 21/02/2020

Genre : Indie rock

Catégorie : Album rock

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