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PALÉO FESTIVAL, le mercredi 18 juillet 2018, Plaine de l’Asse, Nyon (Suisse)

Résolu à ne pas passer un temps, même infime, à écouter le festival depuis mon poste radio, j’arrive à 15h20, soit dix minutes avant l’ouverture des portes. Mon premier concert a lieu à 17h. Patience est mère de toutes les vertus. En attendant, je rédige les notes de la veille. Je relève le nez, 16h55. En fait le temps file. Direction le Club Tent.

 

Cette seconde journée démarre avec les locaux de Magic & Naked. Annoncés comme les Beach Boys helvétiques (!), j’assiste à un show propret et qui effectivement fait la part belle à une pop délicate, cristalline, aquatique et finalement titillant la musique atmosphérique. Le chapiteau est plutôt rempli, mais rapidement il perd de son audience car Eddy de Pretto, le premier véritable événement de ce mercredi est imminent. Tout le monde (francophone) souhaite le voir et l’entendre, ça tombe bien l’artiste avec le vent en poupe aligne les dates de festival et cet aprèm, il se produit sur la scène des Arches.

 

En scène avec son portable, son batteur et son pan de mur lumineux, même créneau horaire, entamant avec Rue de Moscou, Jimmy… le spectacle est gémellaire à celui des Eurockéennes (chronique ci-jointe). En deux temps trois mouvements, le chanteur de Créteil a mis Nyon dans sa poche et quand vient l’heure de Fête de trop, les paroles sont largement reprises par la foule réunie sur la place. Une nouvelle fois, de Pretto a marqué les esprits.

 

C’est sous un soleil infernal que je traverse le grill de l’Asse. Arrivé au chapiteau excentré du Dôme pour découvrir Imam Baildi, loin de moi désormais l’idée de quitter ce lieu ombragé et presque idyllique. Les Athéniens sont également éprouvés par la chaleur accablante, but show must go on. Comme la veille, les chantres du rebetiko enquillent donc des titres mêlant nostalgie au travers de mélodies anciennes, des instruments traditionnels (le baglama grec) et sonorités électroniques plus modernes. Portés par ce blues méditerranéen et de rares mais précieux courants d’air, les festivaliers repartent de plus belle en sautant sur place.

 

Alors que la foule déjà présente se focalise sur la Grande scène pour Vianney, j’opte pour le Détour. A 18h45, c’est l’heure de Warhaus, immanquable. La formation embarquée par Maarten Delvodere est plus nombreuse que lors de son passage au festival Génériq (chronique  ci-jointe) : le trio s’est érigé au rang de quintette et chacun est susceptible de changer instru durant l’heure; une performance. (…) Sur le second disque (l’éponyme Warhaus, 2017) la place occupée par les percussions et autres cuivres est cardinale. Sur scène, elle s’est aussi imposée à des titres plus anciens, leur conférant une couleur exotique  – voire gainsbourgienne  –  alors qu’ils étaient déjà gagnés par la moiteur et la lascivité (The good lie, Bruxelles, …).

Maarten échange avec son public afin d’introduire Against the rich et évoque également une anecdote : même avec l’épaule douloureuse – cassée selon lui – , son batteur était résolu à participer à ce bel événement qu’est le Paléo festival. Anecdote qui récolte les vivats d’un public débordant du chapiteau et prudemment massé dans son ombre portée… Le concert se referme avec une version étendue de Mad world. Un mot : excellent !

 

Retour sous le soleil puissant et vaguement déclinant (?). Aux Arches c’est BRMC qui reprend le flambeau et comme de bien entendu, le groupe la joue avec blousons de cuir… Ils doivent avoir des pains de glace à l’intérieur ou des climatisation de poche ! Trêve de balivernes, c’est un show ardent que le trio propose, toute disto dehors au rythme de Leah Shapiro et de son style martial. Les morceaux du dernier album, Wrong creatures, ouvrent le bal (Little thing gone wild, King of bones) et jalonneront ce concert (Question of faith, Circus bazooko).

Un choix qui donne une touche plus tribale au set que les autres titres acoustico-saturés gonflés à l’harmonica (Ain’t no easy way). La puissance délivrée par le groupe semble égratigner le système sonore de la scène qui grésille à maintes reprises (notamment sur Berlin). La performance se termine avec le cantique et des cantiques, Whatever happened to my rock’n’roll (Punk song) et c’est une foule, certes clairsemée – Jain investit la Grande Scène dans quelques instants – qui gigote, en très grande sueur.

 

MGMT ou bienvenue dans un magasin de jardinage rehaussé de colonnes grecques en papier-carton et sa boule à facettes géantes. Voilà pour le décor. Côté public, la place est tout bonnement bondée et on ne saurait en dire autant plus tard pour The Killers sur la scène principale (n’est pas Depeche Mode qui veut). Revenons à nos moutons. La sensation psyché pop du soir déroule un set propret en son début, se mettant dans la poche le public nyonnais en plaçant en seconde position le tubesque Time to pretend. On balance les bras de droite de gauche au son de cette ritournelle electro.

La ferveur monte encore d’un cran avec Little dark age. Le décor est à nouveau enrichi d’un immense personnage jaunâtre se tenant le visage et au regard déroutant (extrait de la pochette de l’album paru il y a peu). Une pointe de Floyd dans la mise en scène ? Allons donc, ce n’est pas comme s’ils jouaient aussi une musique atmosphérique ? Psyché ? De plus en plus à l’aise, le groupe se lance dans des extensions musicales (Kids) parcourues par des sonorités étranges de clavier, des airs arabisants, et caetera. A ce petit jeu, MGMT livre une excellente copie. A n’en point douter le meilleur des spectacles proposés ce soir sur les scènes d’envergure.

 

Au même moment, les Catalans de La Pegatina mettent le souk là-haut sur la colline. C’est une macédoine sonore imbibée de ska et de saveurs résolument sud-américaines qui fait vibrer une foule fidèle. Fermant les yeux, on croirait assister à une grand’messe de Manu Chao.

 

Enfin – créneau ultra encombré à cette heure-ci – les Suisses de Sombre Sabre tente un coup de poker sous le Club Tent. Quatre larrons se chargent de monter une musique expérimentale. Ne cherchez pas la guitare, ce soir Jonathan Nido (Coilguns, HEX, …) a endossé la basse et fait face à son batteur de Closet Disco Queen. En marge de ce binôme, deux hommes derrière les machines. Synthèse des beats glaciaux, nihilistes et des chaudes saturations collées aux embardées rythmiques du pourfendeur de baguettes, le tout sous le feu de lumières hypnotiques… Au Paléo on ose tout musicalement parlant.

 

The Killers, une montagne accouchant d’une souris. Sur le papier, l’idée d’assister enfin au concert des Las Vegans était séduisante. Mais une fois débarquée sur scène, la troupe de Brandon Flowers s’est montrée peu éblouissante. Oui il y a eu des canonnades de confettis (deux fois même, d’où l’absence de photographes dans le pit), un bel habit de lumière pour le leader, des choristes remarquables et tout le toutim. Mais la grosse berline rutilante m’a semblé brouter. The man parut faiblarde, moins dansante que sur le disque (un comble pour le titre ouvrant le concert-tête d’affiche). Comme prévu – les 6/7 premiers titres de la setlist sont invariablement les mêmes au cours de cette tournée estivale à savoir  1-The Man 2-Somebody told me 3-Spaceman 4-The way is was 5-Shot at the night 6-Run for cover – le groupe pouvait se relancer dans la foulée avec son tube de 2004. Son interprétation fut fade, mollassonne pour tout dire. Et puis Lysistrata devant jouer aux antipodes du festival m’est apparu comme une évidence. Non désireux de tirer à boulet rouge sur The Killers, je quitte la Grande scène, comme dit plus haut bien loin d’être comble. Peut être une autre fois.

Paléo – The Killers

 

Lysistrata au Détour pendant le set de The Killers, question pronostic : David contre Goliath… Et bien grossière erreur! Les trois Saintais ont encore une fois retourné la table! Vus quelques jours auparavant au Festival Décibulles, ces jeunes gens sont des impulsifs, transcendés au premier pas foulant la scène. Ce soir, ils ont l’heure et déborderont quelques instants au-delà du temps imparti, mais qu’importe c’est trop bon !

Placé à l’avant-centre de la scène, le trio évolue à nouveau en formation serrée. Les frêles arpèges introductifs des titres laissent rapidement la place à une furie sonore comme aux grandes heures d’At The Drive-in. Comme un prolongement naturel des instruments, les corps des musiciens semblent parcourus par la musique générée : rampements, sauts, tournoiements, … une folie qui renvoie à des images captées dans les années 90, avec entre autres Nirvana offrant un jeu scénique totalement désinhibé physiquement parlant. Si les guitariste et bassiste ne tiennent pas en place, Ben n’est pas en reste. A plusieurs reprises, il se lève de son tabouret de batteur, souvent pour s’abreuver, mais toujours tel un fauve en cage fin prêt à bondir sur sa proie.

Le summum du plaisir réside sans hésiter dans Sugar & anxiety. L’alignement parfait des planètes Calme – Nervosité – Retenue – Explosivité – Elégance – Chaos, … du très grand art. Le show se termine dans une cacophonie surpuissante : Max est alors dans le pit en train de râper sa 4-cordes contre la scène, Théo chaloupe à en tomber par terre, recherchant sa guitare qui avait volé quelques instants plus tôt alors que Ben frappe une dernière fois fûts et cymbales avec pugnacité. Ceux qui se sont enferrés sur la Grande Scène ont loupé les vrais Tueurs, Lysistrata.

 

Nina Kraviz c’est un joli minois mais qui à la dernière minute ne se photographie pas. Dommage pour la liste des accrédités qui font le pied de grue à l’entrée du pit… Patience est mère … oui mais encore un peu plus et l’on raterait le début des IDLES. Et puis avec un créneau prévu dépassant celui des Britanniques, j’ai encore une petite chance de profiter de la fin de son show electro. Sur ce, ciao la Sibérienne !

 

Autres spécialistes du chambardement, IDLES ! IDLES c’est une flopée de stridulations bagarreuses, comme lorsque deux groupes de supporteurs se donnent rendez-vous à l’issue d’un match de foot. On c’est que ça va chauffer et qu’il n’y aura ni compromis, ni retenue. C’est avec la rage aux lèvres que Joe Talbot, le chanteur,  évolue pendant toute l’heure, avec peut être un regain de brutalité lorsqu’il chante Mother. Sa horde de frapadingues lui donne le change. Le chaos sonore prime sur la mélodie mais les titres sont loin d’être insipides ou dépourvus de motifs accrocheurs : le riff aigu de 1049 Gotho, c’est le pied.

Mark Bowen le guitariste aux bacchantes nous rejoue la scène de la Poudrière (voir ici) en plongeant littéralement dans le public, afin de le parcourir en long, en large et en travers. Une idée reprise au terme du spectacle par son homologue gratteux, totalement habité ce soir et à la gestuelle déglinguée. Le public répond par des pogos de circonstance ; ça sue sous le chapiteau ! Le final est un déluge distordu durant lequel Bowen s’essaie à la corde à sauter avec sa guitare. Un succès sur toute la ligne ! (…) En quittant le lieu, il n’est pas étonnant de distinguer les Lysistrata, à leur tour spectateurs conquis aux abords de la crash barrière…

 

Nina Kraviz, acte 2, scène 2 : C’est bien à la DJ que l’on a confié les clés du festival ce mercredi et c’est avec un set sur fond de beats ultra répétitifs qu’elle séduit un public plus enclin aux déhanchés lascifs qu’au tumulte punk. Il est 02h30 lorsque le son se tait. Résumé du jour: l’éclectisme, ça paie!

-Benoît GILBERT

Crédit photo : Benoît GILBERT

 

Merci à toute l’équipe du Paléo Festival pour l’accueil et l’organisation! 

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