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EUROCKEENNES 2018, Dimanche 07 juillet, Belfort (90)

Et voici venir le dernier jour, dimanche 8 juillet. Il y a un air de fin de vacances sur le site du Malsaucy, où les festivaliers (un peu) fatigués se sont donnés rendez-vous pour le dernier jour de concerts, où de vieilles gloires croisent de jeunes artistes particulièrement prometteurs, le tout dans une ambiance toujours festive.

 

J’arrive sous le chapiteau Greenroom quelques secondes avant le début du premier concert de la journée. Premier constat : il y a foule pour assister à la prestation d’Eddy de Pretto. C’est en duo qu’il évolue sur cette scène de taille importante. Le batteur sur sa droite, le smart et le microphone dans les mains. Mais c’est surtout sa voix puissante et affirmée, déclamatoire comme un Jacques Brel dès les premiers morceaux que furent Rue de Moscou et Jimmy qui montre que son espace de jeu n’est finalement pas trop grand.

Toutes les paroles, les syncopes et vibratos de son album Cure sont sur les lèvres du public. Voici vraiment un artiste qui confirme que la jeune scène française hip hop mérite une attention car à bien y regarder, aussi multiforme soit-elle, Eddy de Pretto est peut être celui qui accentuera sa prochaine mue… Le show se termine avec le hit qui l’a propulsé sous le feu des projos l’an passé, Fête de trop. Pour une première aux Eurocks, le Cristolien a fait sensation. (…)

 

De mon côté, la journée débute vraiment avec le concert de Marlon Williams à la Loggia. Le néo-zélandais, déjà aperçu à la Rodia en avril dernier, livre une performance particulièrement aboutie avec ses musiciens. La présence d’un piano accompagnant sa voix sensuelle contribue à la solennité du moment, créant une ambiance intime et chaleureuse teintée parfois de soul, notamment sur Vampire Again. Il est possible que le format d’une salle de concert convienne davantage à l’artiste, mais le festival est aussi l’occasion de toucher plus de fans potentiels. A noter enfin la sublime reprise d’un standard de Jay Hawkings, Portrait of a man, délicieuse et terminant un set réussi.

 

Dans un tout autre genre, les vétérans d’Alice in Chains déboulent sur la grande scène vers 19h15. Un des ultimes représentants de cette scène grunge née à Seattle à la toute fin des années 1980, soit en même temps que le festival, est un joli coup de ce dernier puisque le groupe n’était jamais venu au Malsaucy. De gros riffs, des harmonies vocales toujours bien accomplies, ne manquent plus que les chemises à carreaux afin de remplir le « cahier des charges » idéal, avec sur scène toute la maitrise attendue.

Nutshell ou Man in the box se révèlent autant de purs morceaux de rock que de véritables cours d’histoire sur un genre musical qui a tout renversé sur son passage. A l’instar de Nine Inch Nails vendredi soir, le groupe dispose d’une fidèle base de fans en France, particulièrement heureux de voir ce groupe se produire dans notre région.

 

Les rappeurs sont devenus les nouvelles rockstars, c’est ainsi. Retards totalement assumés, voire mis en scène, pour ne pas dire orchestrés – show de fait réduit à peau de chagrin –, drainant les foules en masse, attitude outrancière, … N’en jeter plus. Pour preuve la venue in extremis de Tekashi69. 6ix9ine ? 69 ? Tekashi ? D’ailleurs, personne ne sait vraiment comment le nommer ce monsieur Hernandez. Joker de luxe (c’est le côté bling bling du hip hop…) pour faire face à la défection de Hamza, ledit Daniel Hernandez nous rejoue la scène de la veille avec IAMDDB. Un créa’ en d’autres termes avec son bon quart d’heure de retard. Pour rappel: Alice In Chains, rares en France, sont alors sur la grande scène et interprètent Nutshell, p***** ! Enfin, sa DJ débarque, installe son ordinateur et balance des titres, sautille micro en main pendant de longues minutes. Mais pas de Tekashi. Ses proches montent sur scène, déposent un stock de bouteilles d’eau, les ouvrent, checkent leurs mails, posent (peut être un selfie? C’est légitime: là il y a le ciel, le soleil et l’étang du Malsaucy…) et le public docile qui attend. Halléluia, un petit bolide démarre de derrière le rideau noir, le cheveu multicolore et mouillé, collé même. Bref poisseux au premier regard et bim direction le public. Le titre est expédié et le New Yorkais se met à tchatcher de très longues minutes avec ses potos. A posteriori, j’ai souhaité lui trouver des circonstances atténuantes. Difficile. Enfin si il en a une : fort d’une discographie comptant un album, lui-même constitué de 11 titres dont la durée moyenne avoisine les 2 minutes et 30 secondes, une heure sur la Plage ç’eût été ardu. Il fallait bien meubler. Donc l’homme meubla entre deux coups de sirène intempestive de la DJ et je finis par décaniller. La coupe était pleine, pleine de lie.

 

Quel lourd tribut que cet interlude. Et dire qu’à quelques encablures, un monstre attend son heure. Tapi sous le chapiteau, Dead Cross relève le niveau. Champion de la mise en scène, c’est paré d’une chemise hawaïenne, d’une chaude cagoule (!) et de lunettes de soleil que l’impétueux Mike Patton déboule, tel un remake de l’Homme Invisible sous les tropicaux de la Franche-Comté… Un public généreux constitué de curieux (le charme du festival, on butine à droite à gauche) et bien sûr d’adorateurs de la Voix de Faith No More sont scotchés tout de go par la brutalité des premiers titres, Seizure and desist et Idiopathic. Au-delà de cette voix versatile et magistrale, il y a aussi et surtout Dave Lombardo derrière les fûts (ex-Slayer), autant vous dire que ça dépoter sévère. Peu étonnant si les curieux finissent pas passer leur chemin à la recherche d’un autre spot ombragé…

Pugnace la nouvelle bande de Patton ? C’est pas peu dire. Les guitares saturées sont saignantes et dézinguent à tout-va. Résultat, côté foule on se croirait transporté la veille au soir, au cours du show dantesque d’At The Drive-in. Et si tu l’aimes la poussière tu vas te régaler.  D’où la cagoule peut être… qu’il fera finalement tomber à l’issue du 3brûlot, Obedience school. Pour ceux qui en doutaient encore, c’est bien lui. Liesse collective. Certains étaient déjà là lors des précédents passages du désormais quinqua (avec FNM, Fantômas ou Tomahawk), ils ont pu constater ce soir que l’homme n’a rien perdu de son charisme et de sa puissance vocale sur scène.

 

Le concert des Liminanas à la loggia donne l‘impression d’être aux Etats-Unis, tant le groupe formé par Lionel et Marie dans les Pyrénées Orientales – et qui chante essentiellement en anglais – y jouit d’une notoriété plus forte qu’en France, et leur récente collaboration avec The Brian Johnson Massacre prouve davantage encore cette « filiation ».  Les 7 musiciens se distinguent par un rock raffiné, savamment rétro avec l’usage de tambourin et d’un son volontiers vintage mais très séduisant. Istambul is sleepy est peut-être le titre qui représente mieux le groupe, joué comme les autres morceaux sans temps mort, avec une grosse énergie et une batteuse placée au premier plan, ce qui n’est pas sans rappeler un autre célèbre duo de rock américain des années 2000… De l’urgence, du rythme, de la précision : voilà une bonne définition de ce que doit être ou devrait le rock aujourd’hui.

 

Au jeu de la définition, le festival propose un sérieux client en la personne de Liam Gallagher sur la Grande Scène. La mention « rock’n’roll » inscrite devant le clavier donne le ton, suivie par une entrée sur scène so british : chant de supporters anglais puis l’introductive et grisante Fuckin’ in the bushes, avant que Liam ne débarque avec son légendaire tambourin – qu’il jette tout de suite dans le public, petit effet garanti – , sa mythique veste à capuche et ses lunettes, sans oublier son mauvais caractère (il n’hésitera pas à arrêter une chanson pour la recommencer).

La première partie permet de découvrir son dernier album, le très réussi As you were (2017), avec notamment un titre comme Chinatown, avant que la seconde partie du spectacle soit l’occasion de transformer la place en un immense karaoké rock avec l’interprétation de classiques d’Oasis : Some might Say, Whatever ou le toujours formidable Supersonic. Le public a clairement l’impression de se retrouver plongé au cœur de la britpop la plus fondamentale, la plus évidente, avec des paroles qui semblent revenir naturellement dans la bouche de chaque festivalier. Que dire enfin de Wonderwall, dont le refrain est chanté par des milliers de personnes, approuvé par Liam en personne qui s’assure ainsi un vaste succès populaire. Un show génial qui fait oublier la venue en 2011 sous l’appellation Beady Eye, à la fois boudée et peu convaincante.

 

Echaudé par l’attitude du vil arc-en-ciel capillaire de 19h30 (pardon de 19h55, …), c’est avec une très grosse réserve que je fais tout de même un crochet par la Plage pour Lomepal. Sans tomber non plus dans l’angélisme, l’instant passé ici est davantage plaisant que ce que j’imaginais ; mea culpa. Là encore, les titres du rappeur n’ont aucun secret pour la foule agglutinée sur le sable (Palpal, Danse, Club, Yeux disent, etc.). L’homme encapuchonné et partiellement masqué par des lunettes à la Las Vegas Parano arpente la scène avec une certaine nonchalance, prend des poses et échange avec son public mais sans en faire une activité prédominante. Un bon point. N’empêche, par-delà la colline Liam Gallagher assure avec ses tubes des années 90, je ne peux m’attarder plus ici.

 

(…) Autre habitué du festival, Seasick Steve a peut-être livré à 77 ans – soit l’âge de Woodstock et des Eurockéennes réunis – sa meilleure prestation dans le territoire de Belfort. Accompagné de deux musiciens, d’une casquette, d’une barbe à la ZZ Top, sa musique très rythmée et dansante, particulièrement irrésistible sur Don’t know why she love me but she do a trouvé un public de tous les âges. Il était encore question d‘amour lorsque le bluesman est allé chercher dans le public une fan qu’il a fait monter sur scène, son message d’amour ayant touché le héros du jour, ce dernier embrassant la fan et le morceau de papier conservé comme une relique précieuse pour enchainer sur un duo inédit et charmant, laissant à cette femme un souvenir impérissable. Quelques monologues glissés entre les chansons s’apparentaient à autant d’histoires ou de tranches de vie à narrer au public. Le naturel, l’improvisation, la simplicité ou l’authenticité sont aussi des valeurs fortes du festival : ce concert intense en a été la preuve absolue.

 

Un quart d’heure après le début du show Seasick Steve, c’est Zeal & Ardor qui s’installe sur la Loggia. Passée l’introductive Sacrilegium I, cette tornade sonore venue d’outre Jura souffle avec vigueur sur les festivaliers avec la tapageuse In ashes. Le tenace accord de guitare, les beats matraqueurs (euphémisme) côtoient les chœurs gospel aux accents de The Golden Gate Quartet. Un syncrétisme musical parfait servi par un jeu de lumières hypnotiques. La foule est comptée mais totalement acquise à la cause musicale de Manuel Gagneux et consorts.

Résolu à ne pas en perdre une miette cette fois-ci (au Hellfest j’ai squeezé la fin pour gagner la Warzone…), je prends mes quartiers et picore sur place : le stand réunionnais ou le pizzaiolo me tendent les bras. Servants est alors au menu… 17 titres seront finalement consommés durant cette heure précédant minuit. Le leader à plus d’un titre est apparu rageur, habité, voire possédé par son metal noir anthracite, finement chaotique (Fire of motion), et génialement enraciné dans un gospel somptueux et magique, capable de vous véhiculer au cœur d’une mangrove fantomatique du XVIIIe siècle (Devil is fine). Les quelques arbres entourant la scène participent à cette messe donnée par ce nouveau voodoo child.

 

Retour une toute dernière fois sur la Grande Scène pour l’ultime show de cette 30eédition. Sujet de débats depuis l’annonce du running order, c’est Shaka Ponk qui a cet honneur. Ou cette responsabilité. Verdict ?

Si le show des Français a démarré en trombe, saut dans la foule de Frah, puis son installation au cœur du public sur un plot avant la mise en marche d’un gigantesque circle pit (respect), poses lascives et explicites de Sam sur l’avancée de scène (on a les photos), force est de constater qu’au mitan l’ambiance s’est quelque peu étiolée. Les gens quittaient la colline par dizaines (on a aussi les photos). Certains gagnaient la Plage : un petit dernier The Blaze pour la route ! Le temps devint long.

Certes, il y avait cette cinématique léchée, impressionnante, drôle même avec un univers de singes mais cela semblait se mordre la queue. J’eus l’impression de revivre le concert du samedi 05 juillet 2014. Il fallut l’intervention de riffs nirvanesques et motörheadien pour remettre une pièce dans la machine. Un comble! Partie comme un boulet, la performance finit comme un bouzet.

N.B. : ceci n’est un tir à bouleau rouge en bonne et due forme, juste un constat. Il est vrai que passer derrière Arcade Fire (2017), ZZ Top (2016), Sting (2015), The Black Keys (2014), Blur (2013), voire Moby  – pour ceux qui en 2008 ont vu la Grande Scène se transformer littéralement en dancefloor géant – n’est pas une mince affaire.

Pour la petite anecdote, la chose était prévisible, pire annoncée. (voir le live report Metal for Kids! en date de l’Impetus Festival 2018 ci-joint). Mais bon, on n’aime pas les Cassandre. Alors, à notre tour mais a posteriori, ajoutons notre pierre à l’édifice. On refait le match et on propose une fin alternative à la Wayne’s world.

-21h30-22h45: Shaka Ponk et son bestiaire;

-00h-01h30 : Liam Gallagher, ses extraits d’As you were et son best of d’Oasis. Le point d’orgue de cet anniversaire eût été Wonderwall. Point final.

-Benoît GILBERT, Julien LAGALICE

Crédit photo : Benoît GILBERT

 

Encore un grand merci à l’équipe des Ephélides, à tous ceux qui font vivre les Eurocks et à l’année prochaine !

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