Formé en 2016, le groupe britannique Sleep Token était de retour le 2 mai avec son nouvel album Even in Arcadia. Bien que les vraies identités des membres du groupe soient aujourd’hui connues, nombreux sont les mystères qui continuent de planer autour du quatuor. La carrière de ce dernier décolla réellement à la suite de la sortie de leur précédent et troisième opus Take Me Back To Eden. Cet excellent album fut suivi d’une tournée mondiale, qui me donna l’occasion d’assister à leur concert à la LDLC Arena de Lyon en novembre 2024, un show mémorable.
Bien que Sleep Token puisse être facilement classifié comme groupe de metal, la réalité est plus complexe. Le quatuor britannique nous emporte dans un univers mélangeant metal, pop, hip-hop et j’en passe. En revanche, il est vrai que les structures des morceaux peuvent paraître un peu décousues. Mais est-ce réellement le cas ?
La recette est bien connue mais diablement efficace.
Even in Arcadia reprend à merveille certains codes déjà présents dans Take Me Back To Heaven. Une intro mélodique et énigmatique, l’arrivée de la douce voix de Vessel, puis d’un beat souvent très axé hip-hop. Le morceau continue de monter en puissance jusqu’à un refrain fort en émotions et un break lourd et gras. Et ça fonctionne très bien ! On peut citer par exemple les morceaux Dangerous, Provider et Emergence (premier single sorti) qui suivent cette recette à la perfection. À la première écoute, j’ai tout d’abord reproché un manque d’originalité au groupe, mais les écoutes suivantes m’auront permis de comprendre que je faisais affaire à un album très subtile qui allait nécessiter de prendre le temps de le découvrir en profondeur.
Sleep Token fait plus que du Sleep Token.
Tout comme pour Take Me Back To Eden, certains morceaux sortent du lot dès la première écoute. L’introduction, Look To Windward, le montre tout de suite. Le morceau commence, un synthé, la voix, l’incompréhension sur la destination finale. Lorsque tout se tait, et que Vessel chuchote, on retient alors notre respiration. Le morceau décolle et avec lui l’auditeur.ice. Quelle puissance ! Ce morceau m’a fait frissonner à la première écoute et continuera pendant longtemps.
On peut également citer l’autre extrême de l’album qui se conclut avec Infinite Baths. Un pur crescendo de plus de huit minutes. La puissance émotionnelle des deux dernières minutes ne se décrit pas, elle se vit, alors pour ne spoiler personne, j’en resterai là !
Que ce soit au travers de leurs rythmiques, de leurs mélodies ou des sensations vécues lors de l’écoute, je me dois de citer également Even in Arcadia et Caramel dans la liste des morceaux sortant du lot. Les deux s’enchaînent, alors que tout les oppose. L’un fait danser, l’autre fait pleurer. Un véritable ascenseur émotionnel, j’adore.
But does it djent ?
Et bien oui ! Les amateurs du genre seront également servis avec Gethsemane. IV s’expose rapidement à la guitare avec un riff djenty comme on aime. C’est technique, ça va vite, mais c’est également très calme. On pense alors vivre une pause dans l’intensité mais Sleep Token nous rappelle que crescendo est leur maître mot. À la moitié du morceau surgit un riff superbe, prenant. C’est la surprise de ce disque, et j’adhère pleinement.
Mais de quoi ça parle ?
Il faudrait bien plus qu’un article pour présenter tout le lore de Sleep Token. Les Britanniques ont créé un univers tout entier, un culte au dieu Sleep. Les pratiques de ce culte imaginaire sont décrites dans de nombreux textes du groupe, et ont pu faire couler un peu d’encre chez leurs détracteurs. Toutefois, le groupe aborde également des thèmes beaucoup plus profonds, et le morceau Damocles en est en très bel exemple. Vessel exprime dans ce titre la difficulté de vivre avec des problèmes de santé mentale. Et il le fait avec brio.
On notera rapidement le seul faux pas.
Un seul morceau n’aura pas été mentionné dans cette chronique. Il s’agit de Past Self qui malgré les nombreuses tentatives n’arrive pas à passer. Je ne suis absolument pas touché. Mais c’est également le morceau le plus court de la galette, et il n’altérera pas mon opinion globale de l’album.
En conclusion, Sleep Token revient très fort. Je pensais être emporté dès la première écoute de Even in Arcadia mais bien que quelques morceaux exceptionnels échappent à la règle, il s’agit d’une sortie subtile qui – à l’instar d’un bon vin – se bonifie avec le temps (ou en tout cas, avec les écoutes).
Coups de cœurs : Infinite Baths, Look To Windward, Emergence, Even in Arcadia.
Axel POYET.