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THE LIMINANAS, Shadow People

Un an et demi après l’excellent Malamore, les Limiñanas reviennent avec un nouvel album très attendu démontrer à la face du globe que le rock français est bien vivant.

D’accord… Shadow People est sorti depuis plus de deux semaines et tout le monde en a déjà parlé sur tous les médias possibles. Seulement voilà, il est compliqué, si ce n’est impossible, de se faire un avis définitif sur ce nouvel effort du groupe de Cabestany sans de nombreuses écoutes et une lente maturation. Allons droit au but : cet album est bon, cohérent, riche… mais tout de même, il lui manque l’étincelle garage qui a foutu le feu à la scène indie rock française au moment de la parution de la compilation Down Undergound, en 2015. Explications. 

Adulés outre manche, salués par Franz Ferdinand ou Primal Scream, les Limiñanas sont remarqués par Anton Newcombe alors qu’ils font la première partie du Brian Jonestown Massacre en juin 2016. Le son du groupe a tout pour plaire au gourou du rock indie US qui leur présente un tourneur, leur ouvre des connexions auprès du magazine Mojo et leur propose une collaboration sur un tribute de l’album Something Else des Kinks. Bref, il prend le groupe sous son aile et l’invite à Berlin pour quelques sessions conduites avec Andrea Wright, l’ingénieur son du BJM qui officiera sur Shadow People. L’affaire est lancée et l’album est enregistré entre Cabestany, fief du groupe, Melbourne et donc, Berlin.

Pour mettre l’eau à la bouche de tous les freaks en manque de yéyé, un EP sort en novembre 2017. Le ton est donné : au-delà de son indéniable constance indie, ce nouvel album sera également celui des featurings. Anton Newcombe – qui par ailleurs joue de la guitare et du mellotron sur toutes les chansons – et Emmanuelle Seigner prêtent respectivement leurs voix sur Istanbul is sleepy et Shadow People quand Peter Hook (Joy Division, New Order) pose une ligne de basse pétrie de cold wave sur The Gift, chantée par Bertrand Belin. Si l’on retrouve l’habituel Pascal Comelade sur plusieurs chansons et outre les collaborations suscitées, notons la présence nouvelle de Renaud Picard, qui chante sur plusieurs chansons de l’album et accompagne désormais le groupe en live, écartant par là même la délicieuse et regrettée Nika Leeflang sur le côté de la scène.

Par son contenu, Shadow People est un flashback dans les années 80 et 90, celles de l’adolescence de Marie et Lionel. Empli de références personnelles, l’album est sombre, mélancolique : « On avait juste envie d’avoir une photographie de cette période-là. Ce n’est même pas nostalgique. Parce qu’il est aussi assez triste, plus dur et plus noir que les autres albums. C’était aussi une période d’adolescence ou de post-adolescence, une période assez glauque, où tu passes par plusieurs états » confessait récemment Lionel Limiñana.  Plusieurs chansons évoquent particulièrement ces années charnières, que chacun traverse comme il peut en avançant péniblement sur le fil mouvant du déterminisme. L’équilibre n’est trouvé que dans la capacité des funambules à faire leur trou parmi les punks, les mods, les hippies (Le Premier Jour), ainsi qu’en trainant dans les concerts de ces groupes d’adolescents un peu dégueus mais qui scellent des amitiés et fondent des destins. Ainsi, Pink Flamingos fait référence à l’un des groupes dans lequel jouaient Lionel Limiñana et Guillaume Picard, frère du Renaud susnommé. Les virées en bagnole sur les routes catalanes sont célébrées dans Motorizzati Marie, en souvenir de l’une de leurs amies de lycée qui trimbalait dans sa 2CV le gang de concerts en concerts. Une autre merveille ponctue la face A de l’album, Dimanche, ode au krautrock ayant retourné la Maroquinerie lors de la venue du groupe en décembre dernier.

Bien sûr, on regrettera la disparition déjà évoquée de Nika Leeflang des crédits de l’album, le jeu de batterie parfois répétitif de Marie Limiñana et, paradoxalement, la « production presque trop produite » d’Anton Newcombe qui, tout en ouvrant de nouvelles perspectives musicales au groupe, lui fait perdre la spontanéité garage et le vintage yéyé qu’on chérissait dans leurs albums précédents, Crystal Anis en tête. Mais entendons-nous bien, Shadow People est un disque que tous les rockers se doivent d’écouter, de chérir comme une idole, agenouillés devant l’autel olympien de la création tricolore car oui, cet album est beau, ténébreux et prouve que le rock français n’est plus une hypothèse.

-Alexandre Guillo

 

Track List

1. Ouverture

2. Le premier jour

3. Istanbul is sleepy

4. Shadow People

5. Dimanche

6. The Gift

7. Motorizzati Marie

8. Pink Flamingos

9. Trois Bancs

10. De la part des copains

 

 

Artiste : The Limiñanas

Album : Shadow People

Label / distribution : Because Music

Date de sortie : 19/01/2018

Genre : Garage / alternatif / indé

Catégorie : Album rock

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