Samedi 5 juillet
Une arrivée sous une forte chaleur, et les nécessaires contrôles face à une foule compacte et impatiente retardent quelque peu notre entrée sur le site – l’occasion pour nous de saluer et de remercier tous les intervenants et bénévoles sur le festival – pour le concert de Mary Middlefield à la Loggia, mais l’efficacité de Sensation Rock n’est plus à démontrer : une partie de l’équipe a pu y assister et s’entretenir avec la jeune artiste. On la croyait sage, du moins à en juger d’après ses deux albums Thank You Alexander et Peotry (for the scorned and the lonely) et son parcours en violon classique…C’était mal connaître la Suissesse qui, parée d’une robe rouge flottante, a éclaboussé de son talent et de ses accents rock la scène. Entrée en matière des plus réussies, donc, accompagnée d’un batteur, d’un guitariste, d’une violoncelliste. Un set de très haute densité et d’une ampleur incroyable. La veille, elle a joué en acoustique à l’Ehpad de Bavilliers, preuve que la demoiselle a de plus un énorme cœur. L’interview prévue peu après son set allait donc être biaisée par cette performance, puisqu’elle avait déjà gagné la partie avant même de la jouer. On la retrouve vêtue comme la jeune femme bien dans ses baskets qu’elle semble être, jean et débardeur, mais elle a conservé son maquillage, ce qui confère à ses yeux bleus encore plus de profondeur.
Vers 18h30, une des principales têtes d’affiche du jour montre sur la grande scène. Kezia Jones, référence internationale d’un rock made in world teinté de funk, soul ou de dub, offre un set impeccable, entouré de musiciens chevronnés très complices. L’occasion d’une (re)découverte, pour éviter de l’associer aux seuls Beautiful Emilie ou à l’inévitable Rythm is Love, ce dernier joué en fin de concert, assurant de fait à l’artiste une popularité maximale à l’issue d’un concert très maitrisé et impeccable.
Direction pour la loggia, pour une autre belle rencontre, les Liverpuldiens de King Annah. Tous les tests ADN le confirmeront : aucune trace d’influences des Beatles ou de The Coral dans leur musique ; ce groupe délivre un son americana, puissant et teinté de guitares très nineties. La chanteuse Hannah, vêtue entièrement en rouge, dégage un évident charisme et participe à l’atmosphère envoutante du concert. Mention spéciale à New York, Let’s do nothing et Davey Says, titres parfaits pour découvrir ce jeune groupe prometteur.
Ces mises en avant tout comme l’éclectisme de la programmation participent à l’esprit festif du festival pour les uns, tout en l’ouvrant aux critiques pour les autres. Il en est ainsi de la programmation de SDM, poids lourd du rap français, que nous avons laissé au jeune public pour aller écouter l’électro de Fcuckers sur la plage. Je me laisse emporter par leur électro hyper bien fichue et la voix singulière de Shannon Wise, avant de danser aussi mal que je le peux, tellement leur énergie est communicative. Vous avez déjà vu un ours avec un bob sur la tête remuer ? C’est très spécial, ne faites jamais cela chez vous, seuls les professionnels y sont autorisés.
Un autre moment magique a été possible grâce à la pop lumineuse et aérienne de Sylvie Kreusch. Cette artiste belge dans sa grande robe blanche côtoie l’univers de Bowie, de Florence and the Machines ou de Lana del Rey. Le charme et la beauté naturelle de Walk Walk ou Sweet Love touchent l’ensemble du public, séduit par cette prestation remarquable et qui va rester un de nos coups de cœur de la journée.
Il faut bien patienter jusqu’aux hérauts du jour ; les Last Train vont tout donner ce soir encore aux Eurocks, l’un de leurs terrains de jeu favoris. Je rencontre par hasard l’un des stagiaires croisé dans ma vie rémunératrice, et on se dit qu’on va passer un moment sous haute tension. Jean-No, Tim, Antoine et Julien mettent le feu dès leur premier morceau, le public est en ébullition, tout se déroule parfaitement et la communion est totale….Au passage, nous avons droit au dévoilement du maillot officiel du FCSM qui sied à merveille à Julien.
Tout va bien, on kiffe total jusqu’à cet incident, durant lequel trois abrutis néo-fascistes décident de faire pleuvoir les coups juste à côté de nous. On sépare les protagonistes, Last Train stoppe le concert et demande à ce que ces personnes violentes soient expulsées de là. Ils sortiront d’eux-mêmes, en menaçant les mêmes personnes déjà frappées de les attendre en sortie de festival.
Alors je n’aurai que quelques remarques. La première, c’est que le groupe a fantastiquement réagi, et je les en remercie. La seconde, c’est que le combat des idées ne connaît ni frontière ni trêve. Un festival ne peut et ne doit être pris en otage par une bande de gars bodybuildés qui ont oublié leurs neurones à l’entrée, si tant est qu’ils en eussent. Personnellement, sachez que vous me trouverez toujours sur votre chemin, peu importe les coups, peu importe la peur que vous souhaitez diffuser puisque c’est la votre seule arme.
J’ai une pensée particulière pour une dame, Jos, qui a pris un coup de coude dans la nuque de la part de ces dégénérés ; elle aurait très bien pu finir en fauteuil ou pire. Si c’est cette vision du monde que vous défendez, elle ne fait aucunement envie et en vous devriez en avoir honte.
Reprise du concert, les Last Train prennent une dimension stratosphérique. Comme à son habitude, Jean-No survole la foule au sens propre du terme, et c’est toujours aussi bon. Le set se conclue sur le chef-d’œuvre The Big Picture, qui me met les poils (et dans mon cas, je double de volume). Épique, intense, enragé, touchant ; Last Train à son meilleur, une fois encore !
Cette même foule choisit en majorité de se rendre à la grande scène où Clara Luciani est programmée pour 23h00. On ne présente plus cette artiste, devenue une valeur sûre des festivals avec sa disco-pop très seventies. Si les dernières compositions côtoient les hits, l’inévitable la Grenade ou les reprises maitrisées de Metronony ou d’ABBA, l’ensemble permet de passer un moment agréable, l’artiste n’hésitant pas à relancer régulièrement le public tout en se confiant avec ce dernier. Son large sourire suggérait un plaisir réciproque, en dépit de la forte concurrence avec le son d’Ofenbach perceptible depuis la plage (Non, Be Mine n’a pas encore été repris par Clara).
Concurrence encore et toujours juste après minuit, ou alors qu’une partie de notre équipe s’en alla voir les explosifs Dynamite Shakers, nous avons fait partie de la « team La Femme » sous la Greenroom. C’est peu dire que depuis près de 15 ans, ce groupe est devenu une référence, voir une icone de la scène indie teintée de cold wave. Réécouter les titres de Psycho Tropical Berlin ou de Mystère notamment provoque à la fois un vif plaisir, quand il n’y a pas une forme de prophétie inhérente à ces morceaux (Où va le monde). Le groupe se réinvente, joue, danse tout en soignant une scénographie exploratrice également en permanente évolution, et toujours dans l’urgence. Un autre très bon moment de la soirée.
Les festivaliers les moins fatigués et les plus résistants à la fraîcheur de la nuit tombée pouvaient encore profiter d’Acid Arab sur la plage puis de l’électro de Bicep sur la Grande Scène. La fièvre du samedi soir ne quitte pas le Malsaucy, recouvert jusqu’au parking d’une poussière marquée, attestant du réchauffement climatique, des nombreux pas de danse des festivaliers et la vitalité de la scène musicale hexagonale sous toutes ces formes.
-Julien Lagalice, Thomas Schibler.
-Crédit photos: Benoît GILBERT