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Boygenius, The Record

Revoici, à notre plus grande surprise, nos drôles de dames de l’Amérique profonde ! Elles sont trois, chantent divinement bien avec, de plus, une forte personnalité pour chacune. Ce trio magique se compose de Lucy Dacus, de Phoebe Bridgers et de Julien Baker et se nomme Boygenius.

L’EP enregistré en 2018 ne devait être qu’une expérience sans lendemain, un petit amusement entre bonnes copines du genre rock/folk américain et pourtant, nanties de belles carrières en solo, les trois super nanas ont décidé de remettre le couvert avec, cette fois-ci, un véritable LP intitulé The Record, lequel est paru le 31 mars dernier chez Polydor.

Cet album de 12 morceaux a été enregistré dans le cadre idyllique de Shangri-La à Malibu (Californie) où, à raison de 10 heures durant un mois, le trio s’est retiré avec la productrice Catherine Marks, notamment autrice des grands succès de The Amazons à leurs débuts.

Depuis le Boygenie EP de 2018, les trois good girls ont donc emmagasiné de l’expérience et beaucoup de choses se sont passées pour chacune, l’eau ayant coulé sous les ponts.
Record rassemble tout à la fois la fragilité de Julien, la sensualité de Phoebe et l’émotivité de Lucy, des caractéristiques individuelles qui ne concernent bien évidemment que l’aspect musical.
Un album, pour l’essentiel, constitué de bons morceaux de bravoure aux accents folk très prononcés. Certains se satisfont de duos guitare acoustique/voix quand d’autres, à l’image de “True blue” ou de “Satanist”, se veulent moins dépouillés d’orchestration et même plus rock. Parmi ces ballades folk, citons par exemples “Without You Without Them”, un morceau a cappella qui a l’honneur d’ouvrir album, le formidable “We’re In Love” ou encore le non moins magnifique et émouvant “Letter To An Old Poet” qui, quant à lui, constitue l’épilogue de The Record. Et la liste des compos soft de cet album est encore longue ! Entre “Without You Without Them” et “Letter To An Old Poet”, il serait dommage de passer sous silence les somptueux “Cool About It”, Leonard Cohen (à qui l’on est en droit de se demander si The Record ne serait pas dédié, tellement placé sous le signe de la folk traditionnelle) ou encore le tout aussi fabuleux “True blue” sur lequel les chœurs impulsés par les trois voix nous émeuvent tant et plus. Sur “True Blue”, c’est le versant plus actuel qui prend le relais avec une influence Daughter très criante, un groupe également à l’honneur en cette période.
Emotion encore et toujours avec “Not Strong Enough”, à mi-chemin entre la ballade et le rock. “Not Strong Enough” est l’un des morceaux fanions de The Record, dévoilé avant la sortie de cet album. Comment ne pas être paralysé par l’émotion, ne pas verser sa petite larme, en écoutant Phoebe, Lucy et Julien chanter à pleine voix, tantôt à tour de rôle et tantôt en chœur, à l’unisson. Emouvant vocalement, “Not Strong Enough” possède le paradoxe d’être entraînant musicalement avec un impressionnant arsenal de batteries, guitares et claviers, à l’inverse de “Letter To An Old Poet” ou de “We’re In Love”.

The Record fait aussi dans le rock. “Satanist”, pourtant interprété comme une ballade, revêt tous les critères du morceau où les guitares se plaisent à raisonner. Mais, sur ce The Record, il y a plus fort encore ! “Anticurse”, où Julien Baker impose sa voix et sa personnalité, vaut incontestablement le détour. Energique, virevoltant, “Anticurse” est le morceau le plus électrique de l’album, le trio prouvant par là même qu’il ne donne pas forcément que dans le larmoyant. On voulait du rock, Boygenius se charge de nous en gratifier avec cet excellent “Anticurse” !
Dans cette veine rock mais un peu moins fort, il y a aussi “20$”, efficace mais loin d’atteindre le niveau de virulence d’”Anticurse”.

Pour cette reformation inespérée, Boygenius nous a offert un album de 12 morceaux variés autant qu’éclectiques. “We’re In Love” cohabite à merveille avec “20$”, tandisque “Letter To An Old Poet” fait bon ménage avec “Not Strong Enough” ou “Anticurse”. Sans coup férir The Record, d’un morceau à l’autre, traverse les ambiances et les styles, refusant de tricher et de mentir à son auditoire. Grand est notre plaisir de retrouver, toutes trois réunies, nos trois amazones aux voix si charmeuses, bien que différentes l’une de l’autre.
Il est désormais à souhaiter que The Record ne soit pas qu’un feu de paille, que Phoebe, Lucy et Julien se relanceront dans une aventure commune après, on l’imagine aisément, une reprise pour chacune de leurs carrières solos.

The Record de Boygenius : un disque à écouter sans modération, jusqu’à plus soif !

Notre sélection : Anticurse, Letter To An Old Poet, True Blue, Not Strong Enough.

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