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Ondara / Spanish Villager n°3

Il est un musicien discret à la ville, mais d’une présence folle sur les planches. J.S. Ondara, né au Kenya, s’est exilé vers son rêve américain empli des chansons de Robert Zimmerman et autre Nirvana. Car oui, Ondara est un (très) jeune homme. Sa discrétion est telle qu’on ne trouve aucune biographie officielle de l’artiste.

Pour le connaître, une seule solution : l’écouter attentivement.

Ce petit lutin américano-kenyan possède un solide jeu de guitare, qu’il avait déjà laissé paraître sur son premier album, Tales Of America, mais son atout majeur, c’est sa voix, ou plutôt ses voix, tant la sienne est capable d’acrobaties.

En l’entendant pour la première fois avec son titre Isolation Boredom Syndrom datant de 2019, diffusé sur une radio folk U.S. qui meublait mes nuits sans sommeil, mon cœur s’est tu, et le cycle morphéen s’est remis en route, peu à peu.

Depuis, Ondara a fait du chemin, puisque son premier opus est entré en pleine lumière à la faveur d’une nomination aux Grammy Awards de 2020. Amplement méritée.

Allait-il pouvoir encore surprendre et ne pas lasser ? La réponse est évidente pour qui ouvrira ses conduits auditifs de manière attentive : OUI !

Spanish Villager n°3 n’en a pas l’air, mais ne vous y trompez pas, il s’agit d’un album plus qu’engagé, et d’une lucidité blafarde sur l’Amérique et nos démocraties vacillantes. A Prophet of Doom, qu’on pourrait traduire par Un prophète de la ruine, ne vise personne d’autre qu’un ancien Président ayant encouragé la prise du Capitole. Un main de fer dans un gant de velours, donc.

Ondara nous soumet sa vision du monde, sans nous l’imposer. Pour preuve, tous les titres de l’album débutent par un très neutre et indéfini « A » (ou « An » selon les règles de grammaire anglaise). Libre à nous d’adhérer ou pas à la proposition de l’artiste. Le concept de cet opus, un peu comme le précédent, est de parcourir le monde par le prisme d’une auberge espagnole. Tout s’y retrouve, s’y confond, et se fait écho.

An Alien In Minneapolis ouvre le bal. La première minute est grisante, matinée de voix et de sonorités venues d’Afrique. Ensuite, on plonge dans un univers à la Paul Simon façon Graceland, basse et guitare puissantes et sauteuses à souhait. Sur un rythme pourtant enlevé, Ondara évoque la désillusion et la violence d’être d’ailleurs. An Alien In America. Just anyone, no one.

Vient ensuite A Blackout In Paris, dont le sujet est particulièrement complexe à cerner, puisqu’on y rencontre un amant, des dragons, un ciel jaune, des fléaux et des populations fuyant la ville. On pourrait s’avancer sur une interprétation, mais honnêtement, ce serait faire injure au mystère de la chanson. On vous laisse bien évidemment nous dire ce que vous en pensez !

A Seminar In Tokyo a des accents dylaniens, un harmonica au bord des lèvres. Toutefois, un malaise semble présent, principalement en fin de morceau, puisqu’Ondara évoque le monstre dans sa tête, et appelle son poison de ses vœux.

Un peu de lumière avec A Shakedown In Berlin, ville éternelle dans laquelle le jeune homme a pris son courage à deux mains pour aborder une jeune femme.

A Drowning In Mexico City démarre par de l’électro, ce qui paraît incongru. Ce titre offre deux lectures. La première serait une romance un peu bluette. La seconde, bien plus glauque, évoquerait le court répit provoqué par quelque substance prohibée. Parce que la musique et les artistes ont toujours eu à faire face à ces tourments, vous devinez aisément vers laquelle je penche.

S’en suit l’un des meilleurs morceaux de cet album : A Prophet Of Doom. Tout débute par un a capella poignant à plusieurs voix. Un pamphlet et un brûlot, un jeu de dupes où chacun choisit un camp quitte à en crever, voilà ce qu’est ce titre. Musicalement, l’une des pistes les plus intéressantes, avec slide guitar et solo de saxophone.

A Seasonal Amnesia nous renvoie du côté de Billy Joel, tandis qu’A Nocturnal Heresy pourrait être revendiqué haut et fort par un Bruce Springsteen.

A Suspicious Deliverance et A Witch And A Saint reviennent à des mélodies inspirées de Paul Simon et forgées au creuset de la culture et des chants africains. Magistral.

Enfin, A Contrarian Odyssey se paie le luxe de nous emmener vers Elton John (I’m Still Standing).

Globalement, cet album est bien plus arrangé, produit et étoffé que Tales Of America. Ondara n’a cependant rien perdu de sa plume et de son âme, ni de sa force émotionnelle.

J.S. Ondara est un artiste avec lequel il faudra compter, pour preuve cette reprise magistrale et onirique de Smells Like Teen Spirit. Alors merci Morphée de ne pas m’avoir pris dans vos bras…

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