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Never Let Me Go / Placebo

Les fans de Placebo, oui, il y en a, auront dû patienter 9 longues années pour découvrir le successeur de Loud Like Love. En 9 ans, le groupe a t-il évolué ? Pas vraiment. Depuis le départ de Steve Hewitt et son remplacement en 2007/2008 par l’autre Steve, Forrest, le groupe se perd plus qu’il ne se cherche. La preuve : rien ne ressemble plus à du Placebo qu’un titre de Placebo.

Bien sûr, le groupe reste depuis plus de 20 ans un faiseur de quelques succès. Bitter End en est le meilleur témoignage, un vrai tube radiophonique. Mais depuis longtemps, Placebo cumule les errements ; le départ de Hewitt donc, qui était un maillon indispensable, le peu de place faite aux sidemen lors des concerts, alors même que le power trio n’est pas une option possible pour ce combo, et la voix singulière et pour un petit nombre irritante de Brian Molko. Parce qu’on ne dure pas 25 ans sans raisons, quelles sont les forces du groupe ? Et bien, et c’est là tout le paradoxe, la voix singulière de Molko arrive en tête des explications. Puis on s’interroge : l’excentricité de Stefan Olsdal ? L’univers glam rock ? Les sempiternels et éculés thèmes chers aux adolescents ? Difficile à dire. Sans doute le groupe occupe t-il, un peu par hasard, la place laissée vacante par Queen et Bowie, dont il se revendique régulièrement. Mais musicalement, on est vraiment à des années lumière de Bowie…

Et puis le public (dont je fais bien évidemment partie) a vieilli avec le collectif, s’accrochant à sa jeunesse comme un pitbull d’abord, puis, le temps faisant son œuvre, comme un bâtard édenté. Placebo, c’est donc de la nostalgie mal placée, des regrets, et parfois aussi, de beaux souvenirs.

Parce que oui, il fallait être à Bercy pour la captation de Soulmates Never Die et ce magistral Where Is My Mind avec Frank Black en 2003 (n’est-ce pas Florent ?!), et parce oui, il fallait être sous l’orage de Rock Oz’Arènes à Avenches cette même année pour comprendre que le beau et le grandiose peut surgir quand on s’y attend le moins.

Alors que vaut ce nouvel opus tant escompté ? 13 titres prêts depuis 2020, mais peaufinés pour, une fois la pandémie sous contrôle, paraître plus travaillés que jamais.

Forever Chemicals : sonorités indus, et la voix de Brian s’impose, comme à son habitude. Les claviers sont étranges, flottants et flous pour étayer le propos, à savoir la prise de médicaments, ici plutôt de drogues. With friends like you, who needs enemies ? Plutôt une réussite, donc !

Beautiful James : l’un des premiers singles dévoilés par le groupe, et franchement, celui-ci est dans la veine des grands titres de Placebo. Le riff est accrocheur, le refrain aussi. C’est le Placebo que l’on aime, celui qui fait de l’effet. Lyrique et baroque à souhait, que l’on retient dès la première écoute. De quoi nous donner envie de découvrir qui est James. Don’t wanna wake you, de la tendresse pour l’être qui dort paisiblement à nos côtés.

Hugz : le hug, c’est le câlin, l’étreinte. Et l’étreinte, d’après Brian, n’est qu’une manière de ne pas faire voir son vrai visage. Et une blague n’est qu’un autre moyen de dire la vérité. C’est tout à la fois cynique et proche de nos réalités. Nous portons tous des masques sociaux, nous sommes plusieurs selon les circonstances. Même si le propos est intéressant, la scansion de Brian sur ce titre n’est pas du meilleur effet.

Happy Birthday In The Sky : autre single dévoilé, qui reprend les codes et thèmes classiques du groupe, avec cette ligne de piano qu’on affectionne. You were blown away, I don’t know why. L’absence, donc. Et son traitement par la prise de différentes molécules, ce voile chimique que l’on jette sur la douleur et le chagrin. Là oui, c’est le Placebo que l’on connaît, que l’on espère et qui ne déçoit pas.

The Prodigal : l’intro est assez prenante et surprenante, une envolée de cordes, qui seront présentes sur tout le morceau. Les cicatrices, l’enfermement et la libération, l’émancipation en quelque sorte, mais il manque à ce titre une nervosité accrocheuse. Et puis, pour qui aura une oreille attentive, on reconnaît un peu trop la mélodie d’Under Pressure autour des 2’30’’ (si si, le thème au violon, et le dernier couplet… ‘Cause love’s such an old fashioned word and love dares you to care for the people on the edge of the night and love (people on streets) dares you to change our way of caring about ourselves this is our last dance). Une citation à peine voilée, puisque le groupe a toujours été inspiré par le quatuor mythique.

Surrounded By Spies : retour à l’indus, au malaise, avec cette impression d’être une cible traquée par un arsenal électronique, harcelée de toutes parts. Rien que pour cela, le titre réussit haut la main l’alliance du thème évoqué et de sa mise en abyme par la musique. Un bon titre de Placebo, donc.

Try Better Next Time : ellipse spatio-temporelle, nous revoici aux débuts du groupe, à l’époque au plus tard de Black Market Music, là où les guitares prenaient toute leur place. On souscrit sans objection, c’est succinct et entêtant.

Sad White Reggae : ambiance Depeche Mode, pour le coup, c’est un peu suranné. Et puis Dave Gahan le fait mieux. Clairement pas le meilleur titre de l’album.

Twin Demons : impression très mitigée pour ce titre, qui n’est pas mauvais, mais pas bon non plus. Peut-être est-ce lié aux sonorités moins affirmées des guitares, à une production assez chargée d’effets électroniques en tous genres.

Chemtrails : à titre personnel, je n’ai pas compris le lien entre la musique, les paroles et le titre de ce morceau. Peut-être une partie de Kamoulox qui aurait mal tourné…non vraiment, vous pouvez passer à autre chose sans scrupule.

This Is What You Wanted : hey, hey, hey…. On ne sait si Molko évoque un avortement ou la dispersion de poudre dans les toilettes, mais c’est glauque, presque nauséeux et exsangue que l’on sort de l’écoute de cette piste. La voix de Molko, un peu plus grave qu’à son habitude, nous incite à ne pas paniquer. Il y a pourtant des raisons…

Went Missing : là encore, Molko se fait plus grave, presque spoken words d’un mantra glaçant, d’un monde à la dérive, à moins que ce ne soit lui. Le malaise est palpable jusque dans l’accordage dissonant des instruments. Mais au final, une impression de déjà vu autant que de flottement.

Fix Yourself : à l’écoute, et on reste circonspect. On a immédiatement dans l’oreille un morceau de Radiohead, How To Disappear Completely. Et franchement, on ne sait pas si c’est une citation, un emprunt, ou pire.

Que dire de cet opus ? S’il ne laisse pas insensible par certains titres (Forever Chemicals ou Surrounded By Spies), il n’a pas non plus l’originalité qui sied aux grands. Les fans s’en satisferont peut-être, les autres passeront leur chemin.

Le groupe, souvent décevant en live, est en passe de l’être également sur ses enregistrements, et ça, c’est bien plus ennuyeux, parce que s’ils ne se renouvellent pas urgemment, on leur prédit une fin de carrière assez délicate…

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  1. Merci pour cet article. Fan de Placebo également, je suis plutôt agréablement surpris par le nombre de “bonnes chansons”, ceci étant subjectif, mais pour écouter pas mal de musique (made in sensation rock of course), je trouve que rares sont les albums actuels avec autant de chansons valables : Beautiful James, Happy birthday…, The Prodigal (très efficace), Try better next time (excellent), Sad White reggae (j’aime bien) et Twin demons valent le coup d’oreille, et ce n’est déjà pas si mal pour un vieillard de 25 ans d’âge. Les dernières chansons sont certes anecdotiques, mais je suis bien content que cet album existe…
    Après, je suis d’accord : rien ne ressemble plus à du Placebo qu’un titre de Placebo 🙂

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