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Will Butler, Generations

A défaut du sixième album d’Arcade fire qui se fait toujours attendre, c’est l’un des plus éminents membres du groupe canadien qui sort son album solo. Will Butler, il s’agit de lui, retente l’aventure individuelle cinq ans après le fantomatique Policy.
En cinq ans, les choses ont évolué pour Will et de façon significative. Père de trois enfants, le sémillant canadien a obtenu récemment son diplôme d’études politiques à Harvard et n’hésite pas à s’engager en faveur de nombreuses causes civiques.
Generations est un projet de longue haleine qui a nécessité un certain temps d’élaboration. La production et l’enregistrement se sont effectués dans le propre sous-sol de Will Butler à Brooklyn, tandisque le mixage s’est déroulé en deux phases : l’une à Montréal avec l’ingénieur du son d’Arcade fire Mark Lawson et l’autre avec Shiftee, DJ de Brooklyn.

Generations est placé sous le signe de l’engagement politique et aborde les thèmes les plus sensibles, qu’ils concernent les Etats-Unis ou le Canada.
Tout au long des dix morceaux de cet album, Will Butler fait part de ses angoisses et de son pessimisme face aux maux qui gangrennent autant qu’ils pervertissent la société. Close my eyes commence ainsi :
« I’m tired of waiting for a better day », compo où le canadien dit être lassé d’attendre et d’espérer ce qui, à l’évidence, n’arrivera jamais.
Close my eyes est un pamphlet contre les violences policières infligées aux minorités afro-américaines.
Dans Bethlehem, Will chante : « let me lie down & join the dead », exhortation faite à la mort de venire mettre fin sans tarder à une vie de calvaire.
La mort est encore présente avec Not gonna die dont le message est que l’on peut mourir de toutes les façons, aussi bien tué d’une balle qu’à cause d’un AVC.

Sur ce Generations, l’aspect musical est aux antipodes du climat délétère et peu amen engendré par les paroles des diverses compos.
Will Butler démontre qu’il est un multi-instrumentiste hors pair, jonglant entre le piano, la guitare et les claviers. Not gonna die au piano et l’électro Outta here (ce dernier donne le coup d’envoi de
l’album) sont totalements différents du génial et très rock Bethlehem sur lequel les guitares grondent à souhait.
Contraste encore plus saisissant entre Close my eyes interprété tout en légèreté et Surrender plus débridé, un brin tapageur au son de la guitare accompagnant des chœurs gospel qui font « oh oh oh. », lesquels répondent docilement à Will entamant son chant par « surrender. » Ce second opus solo de Will Butler offre donc, on l’aura compris, un large éventail de morceaux trépidants où le canadien s’évertue, sur le plan musical, à masquer les inquiétudes et les angoisses ressenties par le truchement de ses mots.
Aux premières notes piano de Not gonna die on se dit : « tiens voilà une ballade toute gentillette » mais il n’en est rien car le morceau se dynamise, montant petit à petit crescendo pour s’achever tambour battant.
Ce LP se termine sur Fine, morceau longue durée de pratiquement sept minutes. Sur un air jazzy où piano et saxophone se taillent la part du lion, Fine peut être interprétée comme un vibrant hommage à George Washington car le nom de cet illustre homme d’état américain, à plusieurs reprises, est prononcé par Will Butler.

A l’inverse de son prédécesseur Policy, Generations devrait rencontrer davantage d’échos, grâce aux compos passe-partout que sont Bethlehem, Surrender, Fine ou encore Close my eyes et même Not gonna die.
La diversité musicale est l’atout majeur de Generations et fait que l’on ne tournera pas en rond tels des lions en cage à son écoute. Ces dix morceaux aideront les fans d’Arcade fire à patienter jusqu’au sixième album des canadiens que l’on ne voit toujours pas venir à l’instar de la célèbre sœur Anne du conte Barbe bleue.
Generations de Will Butler : différent d’Arcade fire mais néanmoins tout aussi efficace !

Jean-Christophe Tannières

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