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THE BREEDERS, All Nerve

Dix ans après Mountain Battles, All Nerve réunit la célèbre formation 93 des Breeders, celle de Last Splash et des années cinglées. Kim, Kelley, Josephine et Jim se retrouvent, apaisés, autour d’un album impeccable qui se partage l’intransigeance et la spontanéité.

C’est en 1990 que Kim Deal cofonde The Breeders avec Tanya Donnely. Les deux artistes sont alors respectivement membres des Pixies et des Throwing Muses qui se partagent le devant de la scène du rock alternatif. En marge de leurs groupes d’origine, elles publient la même année un premier album, Pod, chez 4AD.

En 1993, Tanya est remplacée par Kelley Deal, la jumelle de Kim, la bassiste Josephine Wiggs et le batteur Jim MacPherson rejoignent les sœurs Deal et c’est ensemble qu’ils vont connaître un succès fulgurant. Le quatuor signe l’album désormais culte Last Splash, une quinzaine de chansons dont la plupart sont écrites par l’hyperactive Kim Deal qui mène de front divers projets avec cette créativité qui ne lui fera jamais défaut. Le public réserve un accueil très favorable à Last Splash qui renferme de nombreux tubes (Cannonball, No Aloha, Divine Hammer…) et reste un classique de l’indie rock des années 90.

Le groupe splitte peu de temps après avoir connu la gloire, des problèmes de drogues, d’alcool et une ambiance pourrie entre les membres met fin à une ascension aussi rapide qu’éphémère. Les Breeders publieront trois albums supplémentaires mais, à part Kim Deal qui reste la locomotive de ce projet éparpillé, des collaborateurs qui vont et viennent, la formation historique semble définitivement brouillée.

C’est seulement 20 ans plus tard que les quatre musiciens arrondissent les angles et se retrouvent pour une tournée anniversaire de Last Splash, tournée pendant laquelle ils vont retrouver intact le plaisir de jouer ensemble tout comme celui de composer de nouveaux titres.

C’est comme ça que l’idée de ce cinquième album a commencé à émerger et que All Nerve a vu le jour pour le plus grand plaisir d’une fan base solide qui a suivi le groupe dans ses moindres sursauts. Car malgré une production entrecoupée de silence, la qualité des albums est restée irréprochable.

En octobre dernier, le premier single nous arrive sous la forme séduisante d’un morceau explosif : Wait In A Car. Dès les premières mesures, on retrouve l’aura turbulente des Breeders et c’est comme si on les avait quittés la veille, l’enthousiasme est complet.

Il faudra attendre le début du mois de mars pour découvrir l’intégralité d’un album somptueux qui rend à l’indie rock ses lettres de noblesse. Le groupe déroule onze titres en une demi-heure, une performance dense qui s’avère terriblement frustrante avant qu’on comprenne que cet album bref est fait pour s’écouter en boucle. La voix de Kim Deal est sans aucun doute l’une des plus addictives de sa génération, tout au long de All Nerve, elle déploie une capacité à passer de la détermination farouche à la délicatesse qui n’appartient qu’à elle.

On pourrait faire le raccourci préféré des commentateurs musicaux en parlant d’album de la maturité mais, si on constate une solide maîtrise du genre, on ne peut pas passer à côté d’un bouillonnement juvénile présent dès le premier titre Nervous Mary qui prend de l’épaisseur après une intro doucereuse. On retrouve cette impétuosité dans Archangel’s Thunderbird, All Nerve, Skinhead#2 ou encore Howl At The Summit, un morceau qui trouve son équilibre entre une guitare nerveuse et une rythmique engourdie.

Une partie de la tracklist se veut plus sentimentale, c’est ainsi que le très beau Spacewoman évoque l’expérience femme mise en orbite dont la solitude fait écho à celles et ceux qui, sur la terre ferme, éprouve un isolement inguérissable. Dans une même veine, Kim écrit un texte sur le bourdon qu’on peut ressentir à visiter des villes musées, Blues At The Acropolis raconte le naufrage des voyageurs qui ne repartent jamais. Enfin, Dawn : Making An Effort et Walking With A Killer concentrent également une mélancolie élégante, une émotion sensible, dénuée de drame, qui effleure tout en pudeur. L’album ne serait pas si réussi sans l’intervention quasi systématique des chœurs, en effet les voix de Kelley et Josephine apportent un relief indispensable et c’est le détail qui parfait chacun des titres.

Au détour d’une interview, on apprend que la chanteuse Courtney Barnett a elle aussi participé au chœur de Howl At The Summit lors d’un passage à Dayton où elle a rencontré le groupe en plein enregistrement. La bassiste Josephine Wiggs lâche les chœurs pour devenir lead singer sur le lancinant MetaGoth qui intervient au début de l’album et qui, par sa froideur, dénote avec l’ensemble mais trouve néanmoins sa place.

All Nerve est un album comme on en entend trop peu, le fruit d’une liberté totale, car c’est ce qu’on aime par dessus tout chez les Breeders, détachés des effets de mode, ils ont su rester instinctif et proposer un son qui ne ressemble à aucun autre. En attendant, pétris d’espoir, de les entendre avant les dix prochaines années pour un sixième album, ils seront présents en France sur les festivals Westrock à Cognac et This Is Not A Love Song à Nîmes !

 

  • Adeline POIDEVIN

 

Artiste : The Breeders

Album : All Nerve

Date de sortie : 2/03/2018

Label / Distribution : 4AD

Genre : Indie Rock

Catégorie : Album rock

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