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J.C. SATÀN, Centaur desire

Mars attaque ! Et cocorico ce sont les Bordelais de J.C. Satàn qui remportent la palme ce mois-ci. Dès la première écoute on en oublierait presque que la formation est hexagonale – mes excuses franco-italienne ! – tant le rendu est chiadé, comme venu d’outre-Atlantique. Après un concert démentiel il y a quelques jours en première partie des Jessica93, il était tout naturel de se pencher sur leur cinquième livraison, Centaur desire. Est-il question du lubrique Nessos ou du sage Chiron ? A vous de juger. Une certitude : l’hybridation musicale portée par ce 11-titres est géniale.

 

Du lo-fi à la hi-fi

Quand on parle de J.C. Satàn, souvent le torchon brûle. « Ange ou démon ? Ange ou démon ? » questionnait Maurice Barthélemy avec son attitude salace. Terrible nœud gordien, dépassant même ce croustillant nom antithétique, J.C. Satàn… Font-ils de la musique outrancière, bruitiste pour certains ou de l’orfèvrerie sonore façon puzzle? Si vous vous posez la question, eux non. Ils se font d’abord plaisir.

Pour autant, ont-ils vendu leur âme au diable pour pondre cet album proche de la perfection? Quand on s’appelle ainsi l’idée semble saugrenue : c’est inné ! Depuis le précédent effort (J.C. Satàn, 2015), la formation avait changé son fusil d’épaule. Finies les productions à la maison dépourvues d’amplificateur. Désormais on fait chauffer les lampes, on pousse les watts à fond et on fait cavaler le batteur si nécessaire ! L’âme garage rock du groupe perdure sur Lies ou I won’t come back (en conservant les coups de baguettes avant de lancer le beat). Du pointillisme en somme. Avec Complex situation, les boites à rythmes, les samples ressortent du placard. Les sons sont confinés, ça sent la musique concoctée dans une chambre et l’immersion en territoire electro-punk, comme le jubilatoire A l’Ouest de Pravda (2007).

 

Mettre en conserve Wahrols, Ty Segall et Cie

Passées ces preuves nécessaires aux ayatollahs que le groupe ne renie pas son passé, la production est du reste très très léchée. Une révélation dès la première piste (I won’t come back), un furieux groove comme tout droit sorti du mythique Rancho de la Luna, une danse chamanique dans laquelle une guitare semble apparaître au milieu des fumées psychotropes avant de répandre sa fuzz sur le reste du titre. Ici, les claviers de Dorian occupent également une place cardinale tout comme les voix. Cet univers désertique se prolonge ensuite sur la chanson éponyme, véritable cocktail Molotov imbibé de stoner rock. Dissonante guitare sur Communication, batterie tout-terrain à l’œuvre sur The road, une 4-cordes charpentée à la Oliveri (Drink, dope and debauchery), … A l’instar de The enemy of the year de Desana, Centaur desire est un album qui revendique sans détours une filiation avec les QOTSA. Mais ici d’autres inspirations transpirent : The Doors, Pink Floyd, et les Dandy Warhols émanent aussi des titres précédemment cités, tant dans les mélodies que dans l’arrangement des chœurs, les claviers, etc. Quand le peyotl de Homme côtoie les buvards de Syd Barrett, on obtient Communication. Mieux, The end, un titre noctambule, erratique à la voix évanescente, tel le Lizard King. Le tout en moins de 3 minutes, du génie, rien que cela.

(J.C. Satàn, The end)

La voix, voilà l’autre l’atout du disque. Le duo formé par Arthur et Paula prend des allures de rencontre entre Ty Segall et Kim Deal (I won’t come back, No brain no shame, Lies). L’organe de la Turinoise est davantage élaboré que par le passé, moins éructé aussi. C’est dans sa langue natale, l’italien, que la déconcertante chanteuse ponctue ce vagabondage insaisissable, insaisissable comme une ligne d’horizon, vaguement maintenu à la surface par un fantomatique clavier (Libera). Une dernière fois tout se mélange à la perfection.

 

Limpide et beau, Centaur desire peut devenir la pierre angulaire de l’édifice J.C. Satàn. Adepte du patchwork musical, le groupe est arrivé ici à marier à merveille des genres distincts ; en somme le chaînon manquant entre le stoner et le psychédélisme mâtiné de popmusic. Un flirt audacieux, nourri de stupre et voué à l’anathème des fans de la première heure. Oui cet opus apparaît moins brûlant que ses prédécesseurs, car dépourvu de titres incendiaires comme le furent Crystal snake ou Satan II, mais faites confiance au quintet pour que chacun des 11 nouveaux titres, aussi subtils soient-ils, deviennent un déluge de plomb fondu sur scène.

-Benoît GILBERT

(J.C. Satàn, Centaur desire)

 

Artiste : J.C. SATÀN

Album : Centaur desire

Label/distribution : Born Bad Records

Date de sortie : 02/03/2018

Genre : garage rock / stoner rock

Catégorie : Album rock

 

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