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EUROCKEENNES 2017, samedi 8 juillet, Belfort (90)

3ème jour des Eurockéennes. Sous un soleil de plomb et une chaleur étouffante, malgré des visages affichant désormais des traits tirés, les festivaliers sont venus en masse avant l’ouverture des barrières, impatients d’assister à une programmation éclectique comme le festival en a le secret. D’ailleurs, pour la majorité des artistes annoncés aujourd’hui, il s’agit de leur grande première au Malsaucy. Retour sur une journée riche en émotions.

C’est d’abord de rock dont il est question sur la Loggia. De punk fougueux pour être précis avec les jeunes garçons de Johnny Mafia. Originaire de Sens – nouveau bastion du rock hexagonal –  ils se montrent aussi bien énervés que facétieux avec le public. Avec peu de temps mort, 150 secondes maxi par titre au son rappelant tantôt The Clash que les Weezer, la bande emmenée par Théo, affublé d’un maillot d’arbitre, envoie ses morceaux incandescents, urgents et accrocheurs comme Black Shoes, Bad Michel ou Secret Story. Malgré la chaleur, les musiciens se donnent à 200%. Voici donc la première grande bourrasque de la soirée (et il y en aura, passé minuit !) transportant nombre de slammers jusqu’aux bras de la sécurité. Nous aurons l’occasion de les interviewer au cours de la nuit. Autant le dire de suite : l’entrevue fut à l’image du concert, très rock’n’roll !

Au même moment et sur la Green Room, on découvre Rei, un duo japonais surprenant et détonnant. Quasiment inconnue au bataillon, la guitariste est d’un talent sans précédent ; avec un doigté digne des plus grands, elle balance des riffs blues rock qui font mouche. Son autre comparse à la batterie n’est pas en reste, se défoulant comme si sa vie en dépendait derrière ses fûts. Une bonne surprise.

19h00, embouteillage : HMLTD et Her officient sur le même créneau… Côté Plage, la représentation est donnée par des Anglais déjantés. Après la forte impression laissée l’hiver dernier à Génériq, la formation mêlant disco, glam rock, post punk et étrange est très attendue. Et là c’est le drame : dès les premières secondes la sonorisation lâche. Fébriles, nous attendons que les techniciens agissent vite et bien. Quelques minutes plus tard on n’en parle plus ; les musiciens réinvestissent la scène et reprennent le concert là où ils l’avaient laissé, avant de poursuivre avec Apple of my eye. Pendant un peu plus de 45 minutes, les échanges avec le public sont nombreux. Après ses excuses pour le contretemps, le chanteur aux cheveux bleus annonce une majorité des morceaux, dont Proxy Love et en français, SVP. De plus en plus à l’aise, le frontman aux intonations à la Bowie – lorsqu’il ne se roule pas parterre – descend de scène, sillonne le pit comme une bête en cage, avant de bondir sur le public. Démentielle, inquiétante et tellement captivante, nombre de qualificatifs pleuvent sur la prestation de ces excentriques, notamment lorsque le groupe interprète Music ! ou Stained, des moments terriblement entraînants ou lors de la dissonante Where’s Joanna qui clôt ce show très coloré.

Au même moment donc Her occupe la Grande Scène, diffusant de la soul qui nous fait fondre. Nos attentes, il faut le dire, plutôt élevées pour ce groupe, sont à la hauteur de ce que nous vivons. À savoir une musique qui pénètre les cœurs, qui détend, qui est revigorante. Parfait pour continuer la journée qui démarre sur les chapeaux de roues.

À l’heure du JT, ce sont les Rocket from the Crypt qui électrisent la Green Room. Tous vêtus de costumes flanqués de serpents, les Californiens envoient leur rock rugueux agrémenté d’une excellente section cuivre. Toutefois, Speedo, le leader de la formation, est un grand bavard. Entre chaque titre, il se perd en digressions (sur le rock’n’roll entre autres) qui finissent pas avoir raison de notre patience. Nous nous replions alors sur la Plage.

(…) Même si Booba est un artiste clivant (et ce n’est rien de le dire !), il draine le gros de la foule des Eurockéens à 21H. Ponctuel, avec sa casquette vissée sur la tête et une bouteille de bourbon en main (peut être celle des Idles ?!), il balance son flow revu et corrigé par Auto-Tune. Les puristes apprécieront. De notre côté, 5 minutes suffisent pour nous donner la furieuse envie de nous échapper de cette messe qui est d’une tristesse infinie, due à un manque cruel de musicalité et d’un interprète prétentieux. (NDLR : n’ayant pas eu la permission de photographier ledit artiste, nous ne pouvons agrémenter ce paragraphe de cliché ; merci qui ?)

Finalement, c’est Tuxedo qui tire les marrons du feu sur ce créneau horaire. Basé sur la Plage ce groupe se manifeste d’abord par son élégance vestimentaire non feinte – boutons de manchettes, nœuds papillon – mais franchement joyeuse (on dirait des costumes d’académiciens revisités et pourvus de shorts). De son côté la choriste affiche une combinaison sexy et dorée ainsi qu’une remarquable coupe afro. Le décor est posé et malgré leur jeune âge, cette formation combine le meilleur de la soul de ces dernières décennies avec des sonorités actuelles, un peu comme Breakbot mixant avec le groupe Chic, ou lorgnant par ailleurs vers le hip hop américain de la côte ouest. La bonne humeur est vite contagieuse, la spontanéité de leur musique sonne comme une évidence, et So Good ou Do It sont particulièrement appréciés par le public. Pour leur première au Malsaucy, le groupe fait une belle impression et Mayer Hawthorne a prouvé qu’il était bien un véritable musicien couteau-suisse à la grande créativité.

Meatbodies prolonge le sentiment d’assister à une prestation détonante. Sur la Loggia, initiés, novices et curieux se sont donnés rendez-vous pour ce concert de noisy rock. Les quatre Américains à la dégaine de geeks pilonnent le site avec leurs rythmiques ultra lourdes et leurs riffs boostés à la fuzz. Sur Creature feature, la proximité qui existe entre ce quatuor et Ty Segall apparaît au grand jour. Au-delà de cette comparaison, les Californiens expérimentent, notamment à travers un clavier aux sonorités 70’s, voire kitschs durant plusieurs minutes. Le show est vraiment excellent et ce ne sont pas les Johnny Mafia qui diront le contraire. Alors que nous les questionnerons dans moins d’une heure désormais, les quatre Sénonais sont au cœur des bousculades… the place to be !

Il est désormais 22h lorsque le concert d’Explosions In The Sky débute sur la Green Room. Choix audacieux dans la mesure où le post-rock est loin d’être le genre le plus représenté sur le festival. Passées les critiques évoquant un show platonique, réservé aux aficionados ou musiciens, on embarque dans un univers tantôt onirique tantôt inquiétant. Derrière de grandes nappes de fumées, se sont trois guitares nourries aux delays qui conduisent et qui sont capables, lors de bouleversants titres fleuves, de nous faire voyager vers de lointaines contrées. Le rendu flirte par endroits avec de véritables symphonies. On tient là un moment de grâce.

Un rafraîchissement mérité avant de débouler devant la Grande Scène où les Dropkick Murphys se sont installés. Depuis plus de 20 ans, le groupe américain distille un punk rock celtique, dans lequel les guitares côtoient cornemuse et flûte de pan. Face à un gang fidèle à sa réputation scénique, l’assistance est particulièrement fournie et les pogos fleurissent de toute part. Nous avons même l’impression d’assister à un gigantesque concert dans un pub anglais, où les Pogues et les Clash auraient leur réincarnation au XXIe siècle. Il ne manque plus que la pinte de Guinness à la main. À défaut, on se rabat sur une bière vendue sur le site. Nous sommes encore plus voisins du groupe au moment où retentit le fameux You’ll never walk alone toujours émouvant (avec les paroles du refrain qui s’affichent sur l’écran qui diffuse également des images vintage) ou sur Rose Tatoo. Mais un concert des Dropkick serait incomplet si l’hymne I’m shipping up to Boston n’était pas joué devant un public en délire. Ce fut le dernier titre du groupe, et à peine était-il fini que de nombreux festivaliers, parfois émus, continuaient d’entonner l’air, même après le départ du groupe. Dropkick Murphys ou un grand bol d’Eire sur les Eurocks.

À 0h30, Chinese Man prolonge la soirée. Armé de deux DJ’s et quatre platines, de beats chill out et de couleurs diverses mêlant électro, funk, dub et surtout hip hop, le collectif sudiste est venu défendre son nouvel album, Shikantaza. L’impression est assez mitigée, notamment durant la première partie du concert où le public semble quelque peu circonspect, en dépit du brio du groupe pour manier les samples. D’ailleurs, l’impression qui domine est celle d’une certaine absence côté public : la concurrence de Vitalic sur la Plage voisine semble en être la cause. Puis au cours de la seconde moitié, c’est une belle averse, accompagnée d’éclairs menaçants, qui vient à bout des festivaliers les plus fatigués, voire les moins enclins à se frotter à un orage.

Bref, quand vient enfin l’heure d’aller voir – pardon de vivre – la grand messe de Justice, le tandem électro qui clôture cette journée, le doute subsiste tant les conditions météorologiques sont critiques. Malgré un retard de presque une demi-heure, le binôme se pointe finalement sur la Grande Scène, prêts à en découdre. Derrière leurs machines, Gaspard et Xavier revisitent leurs classiques, mais aussi des titres issus de leur dernier opus en date. Le lightshow est à couper le souffle, chaque morceau détient de nouvelles originalités qui font plaisir à voir. Même sous une pluie battante, le public en redemande. Au son des infrabasses du duo français, les milliers de spectateurs restants ne font qu’un. Le live durera jusqu’à 3h30, heure à laquelle nous décidons de rentrer, l’air de D.A.N.C.E en tête.

           

-Benoît GILBERT, Julien LAGALICE, Alexandre LAMY

-Crédit photos : Eric

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