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AT THE DRIVE-IN, In.ter.a.li.a

Voici l’objet. Inter alia ? in.ter a.li.a ?? interalia ??? Peu importe ton nom après tant d’attente, de frustration et même de renoncement, on pardonnera tes génies-teurs de t’avoir affublé d’un titre à l’orthographe absconse. Les enceintes sont prêtes à faire retentir tes dissonances et tes sonorités puissantes, made in At The Drive-in. Car cette formation d’El Paso est une créature hybride à la courte et hargneuse discographie, conjuguant la brutalité des punks originels de ’76 et ce que cette génération a tant vomi, c’est-à-dire le rock aventurier de leurs aînés progressifs. Avec ce quatrième opus, le hiatus de 2001 est désormais de l’histoire ancienne ; faisons place nette.

 

Le retour des fils prodig(u)es du rock …

Les expériences multiples qui ont suivi le split d’ATDI alors sur le toit du rock indie avec son chef d’œuvre Relationship of command, ont pour le moins refroidi, voire laissé dubitatif. Trop d’expérimentations, de changements de caps et de recompositions (The Mars, Volta, Sparta, Antemasque ou encore Bosnian Rainbows pour n’en citer qu’une poignée) avaient perdu nombre de fans en rase campagne. Et moi avec. Pendant cette période de folles créations, Cedric Bixler-Zavala ou Omar Rodriguez-Lopez n’ont eu qu’à claquer des doigts pour fédérer nombre d’artistes autour de projets parfois éphémères, à l’instar de Flea, de John Frusciante, ou du nouveau batteur des QOSTA, Jon Theodore. Et puis vinrent 2012 et ses ballons d’essai qu’étaient les concerts de reformation. L’annonce du retour de ce groupe culte n’était donc plus qu’une question de temps… et de renouvellement de guitariste. Exit le fondateur Jim Ward, bienvenue au Spartiate Keeley David.

Après avoir fait patienter la fan base avec trois singles depuis décembre 2016 (Governed by contagions, puis Incurably innocent et enfin Hostage stamps) le quintet se présente début mai avec cet album attendu comme le retour du fils prodigue.

 

… venus retourner la table dressée pour l’occasion.

L’enragée No wolf like the present commence par un rembobinage, suivi d’une ambiance anxiogène, comme si At The Drive-in remontait le temps de façon à placer cette bruyante galette dans la foulée de Relationship of command. À l’issue de cette première piste, le soulagement est là : la puissance de feu des quadras est intacte. ATDI aime toujours autant surprendre, créer des structures complexes, des spirales afin d’éprouver l’auditeur, quitte à donner l’impression d’un disque rayé, comme lors du refrain ultra répétitif de Tilting at the univendor.

Le costume laissé par J. Ward est taillé sur mesure pour K. David. Aux côtés d’Omar Rodriguez-Lopez, il forme un tandem de bretteurs imparables et pugnaces. Les déchirants motifs punk s’entrelacent avec des arpèges saturés et boostés d’effets flanger, chorus notamment sur Pendulum in a peasant dress. La basse ronde et nerveuse de Paul Hinojos participe également à ces assauts ravageurs (Continuum, Torrentially cutshaw) avant d’être muselée sur Ghost-tape No.9, titre qui tranche avec le reste du disque et qui renvoie singulièrement à Invalid litter dept..

In.ter a.li.a est réellement une pure décharge d’énergie et de brutalité, mêlant ruptures, cavalcades à tombeau ouvert et refrains couperets (Governed by contagions). Mention spéciale à Tony Hajjar qui semble s’amuser à frapper fort et en pleine liberté (Call broken arrow). Il est loin le batteur effacé de Gone is Gone, encore un autre side-project issu de cette satanée séparation…

Enfin, finissons avec le morceau de choix, le chant. Remarquable parmi tant d’autres, à travers ses saccades (Governed by contagions, Hostage stamps) ses hurlements hardcore, ses susurrements, Cedric Bixler-Zavala n’a rien perdu de sa superbe et continue à distiller des paroles énigmatiques. Toutefois, lorsqu’elles se font plus limpides, elles mettent en avant des faits terribles comme les abus sexuels (Incurably innocent ou Holtzclaw, titre renvoyant au nom d’un policier condamné pour viol). La voix du frontman devient alors furieuse et difficilement contrôlable.

 

Avec un nouveau guitariste qui a su d’emblée se fondre dans le moule, At the Drive-in offre un album inespéré et percutant. Fidèle au sillon qu’elle avait laissé en friches il y a presque deux décennies, la bande de Cedric Bixler-Zavala ne s’est pas reconvertie dans un pop rock aseptisé. Ses brûlots aux titres à coucher dehors conservent leur structure complexe, leurs paroles obscures et un son résolument sale. Ne manque plus qu’une bonne tournée pour relancer l’engouement suscité devant ce jeu scénique démentiel, quasi-stoogien capable de faire suer toute une salle, avec Entre autres 17 printemps de plus au compteur !

  • Benoît GILBERT

Artiste : AT THE DRIVE-IN
Album : In.ter a.li.a
Label/distribution : Rise Records
Date de sortie : 05/05/2017
Genre : punk progressif / post hardcore
Catégorie : Album rock

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