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INTERVIEW : ANIMALI

Animali, une bande de jeunes zickos qui ne se prennent pas la tête et c’est tant mieux ! Lors d’une soirée en leur honneur organisée au Passagers Du Zinc, ils nous en apprennent plus sur ce qu’ils sont – de bons musiciens assurément – mais aussi sur ce qu’ils ne sont pas. Retour sur leur prestation.

Sensation Rock : Si vous deviez brièvement nous présenter votre groupe et les individus qui le composent, en fonction de vos parcours, des spécialités et personnalités de chacun, que diriez-vous ?
Animali : On a un batteur brésilien (rires). Très important. Qui est né à Medellin (ndlr : en Colombie) qui n’est pas au Brésil (rires). Il y a un blog qui a dit, on ne sait pas trop pourquoi que notre batteur était brésilien et que notre bassiste était déguisé en panda. Non, pour être plus sérieux, nous sommes juste des zickos lyonnais. Nous nous sommes tous rencontrés à Lyon parce qu’on est tous zikos. Ben et moi, on se connait depuis très longtemps. On était à l’école ensemble. On a monté notre premier groupe ensemble, à faire des reprises quand on était ados. On s’est tous rencontré dans le milieu de la musique à Lyon, on était tous très potes et on a décidé de monter un groupe ensemble. On a monté un studio ensemble et on y enregistre tout ce qu’on fait.

Vous sortiez votre premier EP le 3 mars dernier, et le succès semble déjà être à votre porte. Comment vivez-vous cette ascension éclair ?
(rires) Je ne sais pas si on peut parler de succès. En tout cas, avec succès, on a changé une roue sur l’autoroute tout à l’heure, de notre charrette qui avait éclaté (rires). C’est vrai que notre EP a été bien accueilli. On va parler d’accueil chaleureux plus que de succès. Pour un quart titre, c’est cool. Après, ce qu’il faut savoir, c’est qu’aujourd’hui on se débrouille tout seul. On a un distributeur qui est Gourmets Rec (ndlr : Gourmets Recordingz  dit « Gourmets Rec » est un label indépendant lyonnais fondé en 2005) avec qui on travaille. Mais Gourmets Rec, ce n’est qu’une seule personne, Jean-Charles Lavegie, qui est aussi notre manager. Donc, c’est vraiment la débrouille.

C’est d’autant plus valorisant ?
Oui, bien sûr, après on aimerait bien que ça démarre de plus belle. Mais c’est vrai qu’on a compté les dates, on approche les 30 depuis le mois de mars. C’est pas mal.

Cela semble quand même bien parti pour vous ?
On espère bien. Faut dire qu’il y a eu quelques personnes qui nous ont donné un bon coup de pouce. Par exemple, Nico Prat, sur le Mouv, est tombé sur notre projet par le label Wagram qui lui a fait découvrir ça, et lui a vraiment accroché. Du coup, ça a aussi pas mal aidé. Parce qu’il a parlé d’Animali dans un documentaire sur la pop, sur le renouveau de la pop en France, qui a été diffusé sur France 4. Et du coup, le Mouv nous a fait faire une live session. Il a pas mal diffusé The Alchimist et Who comme morceaux. Donc ça, c’est vrai que ça aide un petit peu, et puis après, ça fait effet boule de neige : il y a plein de petits blogs qui ont chroniqué notre album. Donc, la chance qu’on a eue, c’était aussi lui qui nous a repérés et mis en avant.

Animali, en latin, cela veut dire ce qui est animé, en vie, vif, vibrant. En somme, une créature, un être vivant qui à la patate ?
Quelque chose comme ça, oui. Je crois que c’est à Silvain qu’on doit notre nom, peut être que c’est à lui qu’il faudrait demander.
Silvain : oui, c’est bien ça,  tout est dit dans la définition en fait. Il y avait aussi cette envie de ne pas avoir un nom français ou anglais, quelque chose qui ne ressemble à aucune langue. L’idée d’une créature, c’est pas mal. Un espère de monstre vivant.

Il faut dire que vous êtes cinq sur scène ! Une guitare sèche, une électrique, une basse, une batterie et plusieurs synthés. Comment ça marche au niveau organisation en live (espace, répartitions des rôles) ?
Ben, on s’aperçoit que finalement, on peut rentrer dans des endroits très petits. Après, pendant l’écriture des morceaux, il y avait cette volonté d’écrire pour cinq musiciens quand même. Même si dans le disque, il y a quelques petites choses en plus, il y avait quand même cette envie de ne pas en mettre de partout et se retrouver après en répèt en se disant «  Ben, tiens, on ne peut pas jouer ce qu’on a enregistré ! ».
Il y a certains titres qu’on avait travaillés avant, répétés en groupe et qu’on a enregistrés par la suite. Il n’y a donc pas trop de problèmes en général, car nos morceaux ont été écrits pour cinq musiciens.

J’ai pu lire que vous aviez l’habitude de d’abord composer la musique, puis le texte et que pour cet EP vous avez fait l’inverse. Ça vous a réussi apparemment. Qui fait quoi en termes de composition ?
Pour nos projets précédents, nous sommes à chaque fois partis de maquettes réalisées intégralement par Julien et on enregistrait ensemble chez lui. Il faisait tout, la musique, et il chantait en yaourt dessus en attendant que je fasse les textes puisque j’écris en anglais. Et ça a marché un certain temps. Et puis, ça faisait des années qu’il me tannait, me disant qu’il avait envie d’essayer l’inverse. Pour essayer de contraindre la musique.
J’ai résisté longuement par manque d’inspiration et puis on a fait un essai, et ça a été le morceau The Alchemists, donc ça a bien marché. Du coup, on a recommencé et on a fait tout l’EP comme ça. Et maintenant, on essaye de faire le plus souvent possible comme ça.
Mais c’est marrant, ça a débloqué un truc : c’est-à-dire que même si quelqu’un se pointe avec un bout de mélodie, j’ai l’impression que je peux plus facilement écrire quelque chose. On fait des allers-retours entre texte et musique.
On aime bien l’idée que des titres qui sont en chantier puissent le rester longtemps. Même par rapport aux titres de l’EP, d’autres idées nous viennent à force de les jouer en live. Se laisser le temps de les jouer avant de les enregistrer c’est cool, et c’est là où tout le monde intervient.

La presse a volontiers étiqueté votre musique, vous taxant d’indie rock et de pop psychédélique.  On peut effectivement lire dans votre bio que vous vous êtes inspirés du mouvement psychédélique des années 70.
Pour autant, vous  possédez déjà votre propre personnalité musicale, dans une époque et avec des mœurs bien différentes de celles des années 70.  J’ai lu dans une interview que toutes ces étiquettes ne vous convenaient ou ne vous correspondaient pas forcement. Qu’en est-il ?

Écrire sa bio, c’est un exercice assez affreux quand c’est toi qui doit le faire. Quand c’est quelqu’un qui le fait pour toi, c’est super. Mais quand c’est toi qui dois trouver un truc à dire sur ton groupe, c’est horrible. T’as pas vraiment envie de citer en référence, parce que t’as peur que ça soit trop proche comme référence alors tu les gardes un peu pour toi. Celle-ci a été faite par un stagiaire du label (rires). Les étiquettes, ça nous emmerde, le psychédélisme, ça nous emmerde parce que ça veut plus rien dire aujourd’hui. On s’en fiche. Ensuite, on a bien conscience que c’est comme ça que ça marche. Il faut que les gens puissent s’identifier à quelque chose.
Après, on reconnait quand même qu’il y a des groupes qui nous ont marqués. Le souci, c’est que quand tu le mets dans ta bio, t’es catalogué comme. Il serait plus juste de parler d’influences parce qu’on ne fait pas du copier/coller. L’interview qui nous a le plus plu, c’est celle où ils disaient qu’on était  « un peu branleurs sur les bords » (rires). Et on a trouvé ça génial qu’il ait pu se rendre compte de ça en écoutant l’EP alors qu’il nous connaissait pas.

The Spark  avec son intro au synthé –qui rappelle celle de Shine On You Crazy Diamond–et son sous-titre (Rick Was Right)  apparait comme un hommage sous forme de clin d’œil  au Pink Floyd. Pourquoi cette spéciale dédicace en forme de jeu de mots (Rick was Right : Rick avait raison) à Richard William Wright – dit Rick Wright – le claviériste du groupe ? Et à propos de quoi avait-il raison ?
C’est clairement les synthés qui rappellent ceux des Pink Floyd. Est-ce qu’il n’avait pas raison au fond. Et puis c’était un peu ironique, c’était pas vraiment profond. Après, il y a quand même quelque chose qui me blesse, ce que si il y en a un dans les Pink Floyd qui avait plus ou moins de goût, c’est bien lui (rires).
On imagine bien la séance studio, où ils sont tous là entre Gilmour, le batteur, à raconter leurs conneries en mode : «  ouais, faut faire ça, faut faire ça. » Et lui derrière en mode «  non, mais les gars,  j’ai une idée ! », «  non, mais ta gueule » alors que si il l’avait plus écouté lui et ben Division Bell, ça aurait certainement eu une autre gueule !
Mais c’est vrai qu’il s’est même fait viré du groupe ce type je me rappelle, il a beaucoup souffert de la guerre d’égo entre le guitariste et le bassiste. Et finalement, c’est lui qui a toujours eu le son des Pink Floyd entre les mains plutôt que l’autre taré avec sa guitare et tous ses effets (rires).

Animali concert au PDZ

Votre EP s’intitule The Spark, and Three Other Poorly-Produced Pieces of Music. C’est ironique ou pour vous, ce titre a plus d’importance à vos yeux que les autres ?
C’est aussi parce qu’on aime bien faire chier notre monde. Déjà, on a ouvert l’EP sur ce titre, alors que concrètement, si on avait écouté ce que nous disait notre manager à l’époque, ben on n’aurait pas fait comme ça. Justement, nous on s’est dit : on le fait, on l’assume. Et faut avouer que ce titre-là, c’est celui qu’on préfère. On a tout enregistré nous-mêmes. On a du bon matos, mais notre studio, c’est une cave. Ce n’est pas très conventionnel.

The Alchemists et Who, ce sont des tubes en puissance pourtant. On a pu lire  dans une de vos interviews : « Une fois l’EP terminé, nous avons laissé à notre manager le soin de choisir quel titre allait être mis en avant. Il a décidé de sortir ‘The Alchemists’, luttant contre cinq débiles qui voulaient quant à eux sortir un single de dix minutes ». Est-ce que c’est vrai ? Et êtes-vous êtes convaincus du potentiel de ce titre aujourd’hui ?
Alors, c’est vrai. Et notre manager nous dit «  mais vous êtes complètement débiles ». Bien sûr qu’il avait raison que si on avait sorti The Spark ,il n’y aurait pas eu tout cet engouement. Et du coup, on l’a laissé choisir parce que je pense que c’est impossible pour un groupe de sentir vraiment le potentiel de ses titres. Parce qu’on a la tête dedans. Et que quand on a fini de le mixer, on peut même plus le piffer. Du coup, se dire que les gens vont l’adorer alors que nous on peut plus le blairer. Ben c’est compliqué quoi.
Du coup, on préfère laisser des gens qui s’y connaissent, s’occuper de ce genre de choses. Merci d’ailleurs à notre manager. Si il n’avait pas dit « arrêtez vos conneries », on en serait pas là.

Parlons un peu d’esthétique. La pochette de votre EP a été réalisée par Étienne Lescure, qui y développe un style entre l’art brut et l’abstraction américaine avec le dessin d’une créature (Animali au sens strict) très colorée, emplie d’éléments multiples (des tentacules, une aile, des cornes, et des museaux de tout poil), le tout ponctué d’humour et apposé sur une photo de forêt en noir et blanc. C’est vous sur la pochette ?
(rires) Non. On est vachement plus moche que ça. Non, parce qu’à l’époque où il l’a fait, il ne connaissait pas tous les membres du groupe. C’est son style graphique. Ça va peut-être faire un peu prétentieux, mais moi ça me faisait penser aux dessinateurs américains comme Crumb.

J’ai lu dans une interview que vous vouliez laisser carte blanche aux artistes ?
Ben, il fallait que ça colle un petit peu quand même. On n’allait pas demander à Yann Arthus-Bertrand de faire une photo vue du ciel (rires). Fallait que ça colle un peu à la musique. Lui, on aimait bien ce qu’il faisait. Par contre, c’est vrai qu’on ne lui a pas vraiment donné de cahier des charges.
Le clip de The Alchemists est signé Jeremy Nguyen Costa et Maxime Servoise, tous deux réalisateurs chez Partisan. On a ce personnage à tête de prismes lumineux comme un clin d’œil au célèbre prisme de la pochette réalisée par Storm Thorgerson de The Dark Side of the Moon, le huitième album studio des Pink Floyd. Prisme qui est devenu l’emblème des Pink Floyd et qui représentait l’éclairage scénique du groupe. Le prisme des Floyd est plat, le vôtre est en 3 D, et il nous emmène visiter la 5è dimension. Est-ce que vous n’auriez pas trouvé là votre esthétique comme l’alchimiste, la pierre philosophale ?
Non, je ne crois pas puisque c’était un peu dans cette même optique de laisser carte blanche aux artistes. D’ailleurs, on peut voir qu’il n’y a pas spécialement de lien avec la pochette de notre album. Ça a généralement un certain coût et comme on n’a pas forcément de moyen au départ, on a préféré s’en foutre. Nous, c’est ce qu’on pensait qu’il y avait de mieux à faire, laisser carte blanche, car brimer un artiste, il n’y a rien de pire. Bien sûr qu’on pense que c’est en les laissant faire qu’ils vont donner ce qu’ils ont de mieux.
Et en fait, si on pouvait faire ça toute notre carrière, ce serait génial. Du coup, c’est bien aussi de se rendre compte que ce clip, c’est une certaine vision de notre musique par deux réalisateurs. Et on oublie un peu ces choses-là aujourd’hui dans la com, où les choses sont cohérentes, mais c’est de la merde. C’est juste pour pouvoir identifier les choses commercialement. Tu vois le clip, tu vas au Carrefour le lendemain, hop t’as ton CD. Ben là, du coup, ce n’est pas l’idée. Sachant qu’on est certainement pas à Carrefour (rires). Et j’espère qu’on pourra garder ça le plus longtemps possible.

D’autres réalisateurs avec qui vous aimeriez bosser par la suite ?
Wels Anderson. Kubrick. Terry Gilliam. Après, y a un mec qu’on aime beaucoup, c’est Woodkid. Autant on a vraiment du mal avec sa zik, autant visuellement c’est superbe.

Sur votre page Facebook, j’ai pu lire qu’après la tournée vous retourneriez enregistrer en studio ? Vous nous préparez quoi, un nouvel EP, un album ?
Il y a un titre qui va sortir bientôt. Et après, on prépare le deuxième EP pour le premier trimestre 2015.

Sinon, quand vous n’êtes pas en train de composer, vous écoutez quoi comme musique ? Un disque, un artiste qui tourne en boucle en ce moment ?
Moi, en ce moment, j’écoute Rien : Le groupe. Je veux en parler parce que c’est un groupe qui s’est autodétruit après avoir fait un système d’album compte à rebours. Sinon, on écoute beaucoup le dernier Jack White qu’on trouve sublime. Et aussi beaucoup le dernier Lana Del Rey.

Remerciement au groupe et à Maturin pour ses photos.

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