Rubyworks/2014
Après deux EP, Hozier sort un album éponyme, fervent mélange de blues, jazz, rhythm and blues hululant non sans nous balayer au passage. Voici la bande originale idéale de la prochaine saison de True Detective (on peut toujours rêver). Autodidacte, pianiste, guitariste, Irlandais passé par le Trinity College (l’équivalent d’Oxford ou Cambridge qui a vu passer Oscar Wilde, sachant que la filiation entre les deux est patente), Hozier sort ce joyau de raffinement. Voix basse et vibrante en bandoulière, il envoie une musique vespérale, coup de tonnerre déchirant. Un titre comme Jackie And Wilson gronde d’un air crâne, To Be Alone envoie une batterie munie d’une saturation en souffre, des modulations vocales douloureuses qui laisseront des stigmates cuisants, de ceux dont on se relève marqué au fer rouge. From Eden qui s’ensuit sert à blanchir la lourdeur obscure de To Be Alone grâce a des aspirations plus mélodiques, penchant explicitement vers la ballade et des airs presque tziganes à mi-parcours. Work Song fait planer une atmosphère feutrée. It Will Come Back a un goût de western, mais un western sur des terres tourmentées, exposées aux quatre vents, balayées par l’écume d’un océan Atlantique saumâtre. Une musique qui frappe l’imagination. On citait Wilde, parlons-en. Take Me To Church, sur son fond de gospel caverneux, est un des plus beaux défis d’ironie que l’on puisse trouver “I was born sick / But I love it / Command me to be well / Amen. Amen. Amen. Amen”. Le mieux étant encore de voir le clip et de se souvenir qu’un des plus illustres auteurs irlandais, Oscar Wilde, fut enfermé pour des raisons analogues aux problèmes soulevés. Il créa alors De Profundis, lettre adressé à son amant. Avec son album, Hozier réitère un geste dans le sillage de Wilde, montrant que l’art sert aussi à revendiquer et se défendre, tout en conservant la beauté du geste.
-Clémence Mesnier
