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INTERVIEW : YODELICE

Yodélice est un nom que l’on peut croiser assez souvent en ce moment, en partie dû à la sortie récente de votre nouvel album

Je pense que tous mes albums ont un côté expérimental en quelque sorte. J’essaye de procéder différemment pour chaque enregistrement. J’ai un parcours particulier, pendant quinze ans j’ai travaillé en tant que technicien dans l’industrie de la musique pour des artistes de variété, des grandes maisons de disques. Et du coup, ce qui m’a rendu malheureux dans cet exercice là, bien que je me suis toujours senti privilégié de gagner ma vie avec ma passion, c’est que le système de la recette, de la routine, un espèce de confort, j’avais l’impression de subir une mort intellectuelle. Quand j’ai créé Yodélice, cette proposition artistique, ce clown était vraiment pour m’exprimer artistiquement. Peut-être que cet album est plus alternatif que les autres, mais je pense que le principe même de cette proposition artistique tend vers l’expérimental. J’essaye, à chaque fois, de ne pas fournir forcément quelque chose de mieux, mais de différent.

Avez-vous employé une procédure différente pour écrire cet album ?
Oui, j’ai pris mon temps surtout. Les autres ont été plus précipité : le premier était un album assez simple, organique, enregistré de façon traditionnelle. Le deuxième a été enregistré de façon un petit peu plus large, en live sur trois semaines à Los Angeles. Et le dernier, j’ai mis un an et demi à le faire, pas entièrement en studio, mais vraiment en prenant mon temps. Mais ce qui est dangereux avec ça, c’est qu’il faut savoir s’arrêter à un moment. Grace aux logiciels et aux studios auxquels on peut avoir accès maintenant, les choix sont infinis. J’aurais pu rester deux ans de plus en studio.

http://www.vacarm.net/vacarm_wp/wp-content/uploads/2013/09/yodelice-square-eyes.pngLe titre Square Eyes (“yeux carrés”) est assez original, il me fait penser à ce que mes parents me disaient quand je regardais trop la télévision. Cette expression s’adapte à votre musique ? Quelle est la symbolique derrière ?
En fait, je ne connaissais pas cette expression. J’ai passé mon adolescence en Angleterre, mais je ne l’ai apprise qu’il y a deux ans. En y pensant je visualisais des petits bonhommes aux yeux carrés. Et ca correspond tellement à notre époque puisqu’on passe d’un écran à un autre sans cesse. En voyant la chose au premier degré, j’ai tout de suite vu le côté graphique et pour moi cela correspond au message de l’album.

C’est aussi une image que l’on retrouve dans le clip pour Fade Away par exemple, accompagné du thème de l’enfance avec pleins de personnages de dessins animés. Est-ce quelque chose de récurrent aussi dans votre musique ?
Oui, d’ailleurs je suis surpris de ne pas avoir eu un procès encore ! Le thème de l’enfance est très récurent dans Yodélice. Je suis toujours fasciné par l’éduction des gens et comment cela nous conditionne pour toute une vie et comment des gens parviennent à s’émanciper de ça ! C’est toujours très difficile de pouvoir s’émanciper de son éducation.

Pour revenir un petit peu plus aux sources, vous avez passé une partie de votre adolescence à Londres pour pouvoir étudier dans une école de musique. Qu’est-ce qui vous aviez poussé à faire cela ? Il n’y avait pas d’écoles en France ?
Non, il n’y avait rien du tout, je suis né en 1979, j’ai plus de trente ans, donc quand j’avais seize ans à l’époque, en France il n’y avait rien à part le conservatoire : c’était le Tiers-Monde de la musique contemporaine. Je savais très tôt que je voulais faire de la musique, mais pas chanteur, je ne voulais que composer et jouer de la guitare. J’étais fan des gens qui étaient à la Guitar Institute de Los Angeles, mais ca allait coûter trop cher. Et quand j’ai appris qu’une école à Londres venait d’ouvrir à l’époque, j’ai sauté sur l’occasion. La ville était tellement cosmopolite de même que l’école avec ces 250 élèves des quatre coins du monde qui viennent, passionnés de musique, c’était juste hyper bien.

Cette expérience semble beaucoup vous avoir marqué, de même que la langue anglaise, puisque vous écrivez en anglais.
Après c’est toujours très étrange le rapport que j’ai avec l’anglais, je pense la maîtriser assez bien, mais je me sens handicapé. Le français, c’est ma langue maternelle, il y a toujours des moments où je bloque en anglais. Maintenant je pense que ca va au-delà d’avoir passé mon adolescence là-bas, d’avoir parlé anglais assez vite, ca vient plutôt de ma culture musicale.

J’ai déjà posé la question à d’autres artistes français, à propos de pourquoi ils écrivent en anglais. Certains disent que c’est pour avoir plus de succès, d’autres pour avoir un public plus grand, êtes vous d’accord avec cette idée ?
Je pense que c’est tout le contraire pour moi, c’est se tirer une balle dans le pied pour un français. Il y a des quotas en radio qui obligent 75% de musique d’origine française. Donc, quand je sors un disque je rentre dans les quotas internationaux et je suis face à des artistes comme U2, Madonna… Je ne pense pas que ce soit un atout commercial. Je pense que la démarche est plutôt une de sincérité face à ce que l’on fait.

Vous pensez donc avoir plus de facilités en écrivant en anglais ?
Oui, tout à fait, c’est un truc sonore que je ne peux pas expliquer, c’est tout dans le son.

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J’ai vu que vous aviez composé pour de nombreuses personnes comme Johnny Hallyday par exemple. Comment fonctionner vous dans ces cas là ? Vous imaginez-vous dans le corps et l’esprit de la personne pour laquelle vous écriviez ?
Oui, bien que la chanson que j’ai écrite pour Johnny « Jamais Seul » aurait pu trouver sa place dans un album de Yodélice. J’aime ça, je suis un amoureux des artistes, j’aime leur ultra-sensibilité, le fait qu’ils soient rêveurs, j’adore communiquer avec autre chose que des mots, il n’y a rien de plus magique. Je pense que c’est l’essence même du métier de musicien, c’est un partage avec un public, mais aussi entre musiciens et moi j’adore rencontrer des gens qui ont une autre culture et une autre manière de faire, c’est toujours très enrichissant à différents niveaux, pas forcément musicalement, parfois c’est humainement.. Mais j’aime cet exercice de changer. Après, Yodélice c’est mon truc à moi, c’est vraiment le truc que je porte. C’est toujours difficile à expliquer, parce que la musique pour moi, c’est vraiment une passion. Mais je lis parfois des articles très durs sur des gens qui se prennent vraiment trop la tête, plus du côté média d’ailleurs que du côté artiste, ou ça prend une importance folle. J’ai envi de dire à ces gens que « c’est juste de la musique, détends toi ! ». On ne peut pas parler de la musique comme on parle de la politique.

Vous commencez vraiment à avoir du succès depuis ces dernières années, non seulement en France, mais dans le monde anglophone comme l’Australie où vous êtes allé l’année dernière. Quels projets aviez vous pour dépasser cela ?
Plus je peux fédérer les gens, mieux je me porte, maintenant je suis tellement content de ce que je vis, je ne cherche pas un succès à tout prix. Je préfère profiter de l’instant et j’ai de la chance : mon disque est sorti la semaine dernière et les trois quarts des dates de la tournée sont déjà complètes. C’est déjà cool et je suis vraiment content de ça, après s’il y a plus tant mieux, mais s’il n’y a rien de spécial, ce n’est pas plus grave parce que je gagne ma vie en faisant la chose que j’aime. J’essaye de me méfier de la popularité, c’est une des raisons aussi pour lesquelles j’ai créé le personnage du clown.

Propos recueillis pars Bethany.

Photos : copyright des auteurs.

(c) 2013

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