Bonjour à tous, merci de nous accorder cette interview!
Chacun de vous a grandi dans la campagne irlandaise, mais le groupe est né dans une ferme laitière de Tipperary. À votre avis, quelle est l’influence de ce lieu singulier dans votre processus créatif ?
Dans des endroits de ce genre, il règne une atmosphère difficile à décrire. C’est comme s’il y avait quelque chose dans les murs de cette ferme d’indicible. La maison appartient à la famille Eoghan, et d’aussi loin qu’ils s’en souviennent, la musique y a toujours été présente. C’est un peu comme si, juste au moment où la musique était sur le point de quitter ce lieu, nous étions arrivés, et l’avions ramenée, « restaurée », d’une certaine manière, en faisant en sorte qu’elle y reste, comme une évidence, comme si c’était notre destin.
Votre premier single, « Flower-Fire », est sorti il y a quelques jours à peine, et vous êtes déjà quadruple disque de platine pour « Killeagh ». Comment gérez-vous ce succès soudain ?
Nous nous focalisons sur la prochaine étape, sur ce qui est face à nous, sur le futur. Nous avons été très chanceux que tout cela arrive si rapidement, et nous en sommes extrêmement reconnaissants. Il y a réellement eu un changement dans la façon dont les gens nous reconnaissent et nous perçoivent aujourd’hui, mais nous avons surtout appris à compter les uns sur les autres, et nous nous concentrons au maximum sur notre musique et sur les concerts.
Vous avez affiché complet deux concerts de suite au 3Olympia de Dublin avant même la sortie de votre premier album. Comment vous sentiez-vous avant de monter sur cette scène ?
L’Olympia Theatre est un lieu mythique en Irlande, c’est LE lieu que tous les artistes visent. Donc, monter sur cette scène était un vrai moment fort pour nous, quelque chose de très intense, comme si nous acquérions enfin une légitimité dans le paysage musical irlandais.
Je dois avouer que la vue depuis cette scène est probablement celle que j’ai préférée parmi toutes celles où nous nous sommes produits.
Eddie, votre voix de baryton profond est devenue la signature du groupe. Comment avez-vous travaillé ce style vocal, et comment vos deux acolytes la soulignent-ils avec leurs instruments ?
(Amusé) Je n’y peux rien, c’est juste comme ça que je chante !
Votre musique oscille entre folk enjouée et indie pop. De quels artistes ou styles musicaux vous revendiquez-vous, et quelles influences pourraient étonner vos fans ?
Au tout début, nous étions influencés par Mumford & Sons, Dermot Kennedy et U2. Eoghan est une figure forte de la musique traditionnelle irlandaise. C’est précisément la combinaison de toutes ces influences qui a donné naissance à KingfishR. Récemment, nous écoutons beaucoup Sam Fender, mais nous gardons cette ligne directrice de la musique traditionnelle en filigrane.
Vous distillez des expériences intimes et des émotions universelles. Dans les faits, comment faites-vous pour évoquer une histoire personnelle en chanson et qu’elle atteigne le public ?
Je pense que la mélodie et l’accompagnement viennent en premier, parfois en réponse à un thème ou une émotion. Le rythme des mots vient alors naturellement compléter cette étape cruciale.
Pourquoi avoir choisi « Halcyon » comme titre de votre album, et en quoi cela reflète-t-il votre culture et votre héritage ?
Déjà, nous trouvons ce mot magnifique, et en cherchant sa signification, nous sommes tombés sur deux définitions très intéressantes. La première, c’est « étudier le passé avec tendresse ». Cela résonne avec les thèmes abordés dans nos chansons. Elles parlent de nos erreurs de jeunesse, et même si ce sont souvent les plus beaux moments de nos vies, nous les regardons avec nostalgie. La seconde définition désigne tout simplement un martin-pêcheur (en anglais, *kingfisher*), et forcément, cela nous correspond.
L’album semble être une collection de hits. Comment avez-vous fait le choix entre d’anciens titres à y inclure et vos nouvelles chansons ?
Le choix a été compliqué. J’ai l’impression que parmi nos anciennes chansons, nous avons retenu celles qui prolongent notre histoire, qui retracent et rendent hommage à nos débuts.
Parmi vos nouvelles chansons – « 21 », « Next To Me », « Someday » et « Schooldays »– lesquelles ont été les plus difficiles à écrire ?
Je crois que celle pour laquelle nous avons beaucoup travaillé est « Someday ». Elle a demandé beaucoup de temps, car il était important pour nous d’en faire quelque chose qui sonne « juste » et authentique.
« Diamonds & Roses » a été coécrite avec Jim Eliot et Billy Joel. Comment avez-vous contacté ces légendes américaines de la pop ?
Nous avons écrit cette chanson et l’avons jouée en tournée pendant un bon moment, jusqu’à ce que nous remarquions que la mélodie s’approchait involontairement de celle de « She’s Only A Woman ». Là a commencé une démarche pour obtenir l’autorisation de Billy Joel de publier notre chanson, en raison de cette similitude. Quelques mois plus tard, il nous a finalement donné son blanc-seing, et il est crédité en tant qu’auteur.
La chanson évoque la « mort du statu quo » et le « prix que nous payons pour un changement ». Comment avez-vous retranscrit ces thèmes en musique ?
Je pense que nous avons musicalement pris le contre-pied de ces sujets. Les arrangements sont brillants et scintillants, en dépit de la gravité des paroles. L’idée était en fait de juxtaposer à la noirceur du sens la lumière de la musique.
Vous composiez et écriviez « dans une petite cuisine après vos travaux à la ferme ». Est-ce toujours votre façon de travailler ou cela influence-t-il encore votre processus, même lorsque vous enregistrez dans de grands studios ?
Bien sûr ! Nous sommes amis depuis presque huit ans, et peu importe que nous soyons dans une ferme ou dans un grand studio. On écrit tous les trois, c’est ainsi que naissent les plus belles compositions. Si nous n’étions pas aussi proches, je ne pense pas que KingfishR fonctionnerait aussi bien.
David Anthony Curley a œuvré à l’enregistrement et au mixage de « Diamonds & Roses ». Quelles différences percevez-vous avec vos titres auto-produits ?
Je crois qu’il apporte une véritable dimension supplémentaire. Beaucoup de titres débutent doucement, puis prennent de l’épaisseur. Dave sait construire ces progressions sonores. Il apporte aussi de très belles atmosphères à nos titres. Nous sommes vraiment très chanceux de l’avoir avec nous.
Quand vous composez, qu’est-ce qui vous vient en premier : une mélodie, une texture de guitare, un riff de banjo ou une thématique ?
Ce qui prime avant tout, c’est une émotion. C’est elle qui crée un motif, et les paroles en découlent presque instinctivement. Le plus intéressant, c’est que l’on ne comprend réellement la profondeur de cette émotion qu’une fois le morceau terminé.
Vous vous apprêtez à commencer une tournée européenne qui s’achèvera au London’s Forum Kentish Town. Comment parvenez-vous à recréer en live la richesse de vos arrangements tout en conservant l’intimité de vos textes ?
Il y a plusieurs éléments — la scénographie, notre « mood » le jour J. Chaque soir, nous atteignons différents niveaux d’intimité, et c’est toute la beauté de la musique live. On ne sait jamais ce que cela donnera. Nous essayons d’accroître cette intimité en parlant beaucoup avec le public, en interagissant, en allant dans la foule pour jouer par exemple.
Vous avez été écoutés plus de 100 millions de fois. Ressentez-vous une certaine pression pour la sortie d’ « Halcyon », ou cela stimule-t-il votre créativité ?
Evidemment, il y a de la pression, mais on ADORE ces chansons. C’est vraiment sur ça que l’on se concentre. Si on essaie d’être différents de ce que nous sommes, on échouera. Le mieux que l’on puisse faire, c’est écrire ce qu’on aime, en espérant que le public appréciera.
Au-delà d’ « Halcyon », existe-t-il une collaboration rêvée avec un artiste, un producteur, un réalisateur, ou un artiste visuel ?
Nous avons chacun des souhaits différents en termes de collaborations. Nous nous sommes fait de nouveaux amis à Nashville et avons hâte de travailler avec eux, mais pour l’instant, le plus important, c’est de nous concentrer sur la sortie de ce premier album.
« Man On The Moon » et « I Cried, I Wept » sont des titres souvent diffusés par Sensation Rock. Est-ce que ces succès mettent la barre haute pour vous concernant l’écriture de nouvelles chansons ?
Nous écrivons et jouons ce que nous aimons, voilà tout. Dès que nous essaierons de ne plus être nous-mêmes, tout s’effondrera. Nous sommes très chanceux que le public apprécie notre travail.