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ITW : Patrick Schneider – 30 années de Programmation à la Laiterie

Vous l’avez peut-être croisé dans les allées de la salle strasbourgeoise, sur le côté de la scène ou de la fosse. Une silhouette fine, des cheveux cendrés et un éternel regard de passionné, il fait vivre la Laiterie depuis 30 ans de par ses programmations éclectiques et audacieuses. Patrick Schneider est l’historique programmateur stakhanoviste de la mythique salle de musiques actuelles de la capitale alsacienne. Si manger et boire la musique au quotidien est un pré-requis à ce métier aux casquettes multiples, il est de ceux qui se reconnaissent un Pantagruélisme musical assumé.

On profite d’une énième très belle soirée de cette saison 2022-2023 pour se faufiler dans la Grande Salle, encore vide pour le moment. Pendant que les équipes s’activent et que les balances se font côté club, pour se poser avec l’homme de l’ombre et maillon essentiel d’Artefact et lui poser quelques questions.

Pour rappel, chaque saison Artefact PRL organise pas moins de 150 à 200 manifestations, réunissant plus de 70 000 à 100.000 spectateurs. Soit, plus de 450 (jusqu’à 650) artistes ou formations artistiques se produisent à La Laiterie certaines années. Il s’agit d’artistes en découverte ou en développement, de talents confirmés, d’artistes de référence dans le domaine des musiques actuelles ou d’artistes très spécialisés. Il s’agit d’artistes internationaux, nationaux ou régionaux. Chaque année, l’association propose à La Laiterie de nombreuses exclusivités à l’échelle de la province ou du territoire national ; elle développe également des concepts d’événements qui font désormais référence.

Les origines du projet

Sensation Rock : Comment a débuté le projet Laiterie ?

Patrick Schneider : Je suis un des co-fondateurs, j’ai même écrit pour le projet Laiterie. A l’origine, nous avions en tête le Festival des Artefacts avec mes camarades Nathalie et Roger sur les bancs de la faculté. Nous avions postulé en catimini sans avoir vraiment idée dans quoi on mettait les pieds à l’époque. On est parti à l’époque de Belfort nous organisions organiser un concert d’IAM en 1994 et on a déposé directement dans la boîte aux lettres du centre administratif le projet que l’on avait écrit dans la nuit. C’était quelque chose comme 500 pages expliquant notre première ambition, qui était d’organiser prochainement un festival d’envergure dans la région, mais que le projet la Laiterie nous intéressait en parallèle.

Alors dès le départ, l’idée était d’accueillir vraiment le plus possible des esthétiques musicales différentes autour d’une chapelle de tout registres, Indie ou Mainstream. Tout est assumé et assumable dès lors qu’il existe un rapport humain, un engagement sur scène entre un artiste et un public.

Une liberté de programmation rare

Patrick Schneider : Comme je suis co-Gestionnaire et co-Organisateur, j’ai le champ libre pour programmer ce qui me passe par la tête. Ce qui est différent de la majorité des salles il existe une hiérarchie complémentaire, avec notamment une Direction Générale et une Direction Artistique sur un ou deux niveaux qui il faut être en en accord. Voir parfois, qui s’engagent vers des lignes artistiques de saison ou de trimestre, une histoire de “rentrer dans des clous”.

Nous sommes des associés qui se complètent, des autodidactes ayant tous appris sur le tas et nous avons chacun des rôles privilégiés que l’on occupent, même si l’on se regroupe régulièrement pour mettre en commun. Donc, depuis le premier jour, je suis responsable de la programmation de la salle. J’ai aussi le rôle de devoir protéger le projet, à travers cette programmation, mais aussi mon budget à l’année. Je dois savoir ce qu’il se passe au quotidien.

Artefact est pour le rappel, une association. Donc le budget à l’année doit être équilibré avec beaucoup de gens autour de nous mine de rien et que l’on fait vivre depuis 30 ans. Que ce soit des salariés, des prestataires, des intermittents, des saisonniers, extras, artistes… Tout ce monde représente un volume énorme et un champ d’action extrêmement vaste. C’est un parti-pris d’ouvrir le spectre et de prendre des groupes sous un axe aussi large. Comme le groupe H09909 (prononcez Horror) que j’ai signé en dernière minute. C’est un engagement, un risque. On ne va peut-être pas arriver à nos objectifs et aller peut-être au club, mais c’est assumé. C’est une véritable plus-value artistique !

Une Smac de la Banane Bleue

SensationRock : La situation idéale géographiquement pour la salle, dans le “carrefour de l’Europe” est un avantage conséquent pour attirer des groupes ?

Patrick Schneider : Tout découlait de l’Angleterre vers l’Allemagne côté festival il y a quelques décennies, c’est encore le cas aujourd’hui pour bon nombre de groupes. Les Allemands captent souvent de nombreuses dates en tournée, on a démarré cette nouvelle saison 2022/2023 avec un très grosse date mi-septembre en compagnie des désormais “réguliers” Américains de Machine Head sur une journée Off à l’occasion de leur tournée en co-headline avec Amon Amarth.

Sensation Rock : Comment se passe la proposition pour capter ce genre de groupe ? C’est l’histoire, la scène l’âme de la laiterie ? C’est aussi les bons souvenirs avec le public qui va jouer dans la balance pour capter ce genre de groupe et les faire venir dans des salles plus “petites que leur standard habituels” ? Ce sont aussi des liens avec les salles de l’outre-Rhin qui permettent de mutualiser ces passages de “Gros artistes” chez nous ?

Patrick Schneider : Pas du tout, c’est au contraire assez cloisonné ! Dans la pratique, ça cause très peu musiques, plutôt chiffres, la routine, la stratégie, les impératifs et intérêts en réalité. Machine Head pour exemple n’est typiquement pas un groupe de festival, (ils n’en font plus du tout à la demande de Robb Flynn depuis quelques années et n’en faisaient pas beaucoup non plus avant). Le co-headling avec Amon Amarth  sur la tournée européenne était étalé sur de nombreuses semaines avec des creux. Et Machine Head souhaitaient jouer.

On pourrait croire que c’est une sorte de fidélité, oui il y a un peu de ça implicitement. L’intérêt au départ, c’est un Management qui va voir en Europe et en Angleterre et qui va relayer des offres de certains pays fortes sous des conditions de timing, de trajets, d’envies du chanteur, de day-off et donc ça s’est joué à trois coups de fils jusqu’à nous. Il y a eu une certaine assurance parce qu’on était persuadé qu’après ces appels ça allait se faire parce qu’il y a des habitudes. Les shows étaient toujours réussis et il y a aussi des bons souvenirs en coulisses comme des anniversaires de membres de Machine Head. Après ce n’est pas lié pour le coup au territoire Allemand et la proximité de la frontière, on est plus sur une question d’ancienneté de la Laiterie, de la qualité du travail des équipes. On a un lieu qui est apprécié des équipes !

Une programmation en défense des musiques “extrêmes”

Patrick Schneider : Machine Head est un bon exemple, c’est voulu par la structure et moi-même d’avoir un gros vivier de groupe “Metal” et assimilé. Surtout, après la période de Covid de deux ans que nous venons de passer, ce public a été dans le doute, dans la douleur même avec de nombreux reports, comme avec Eisbrecher par exemple ou même Satriani dans un autre style.

Sensation Rock : Ou pire encore, Fu Manchu programmé initialement en 2021 à la Laiterie qui a après deux reports, a finalement switché pour une date la Maison Bleue (autre salle de concert strasbourgeoise) qui s’est finalement vue annulée elle aussi…

Patrick Schneider : Dans ce cas précis par exemple, c’est l’agent qui a changé pendant la période de pandémie du Covid et le mode de fonctionnement, le lien, le contact a donc changé… Parfois, les agents ne connaissent pas les salles et les histoires. Des concerts qui ne sont pas ou ne se font plus ne, ça arrive malheureusement. Le concert s’est fait dans des bonnes conditions ailleurs c’est l’essentiel pour le public !

Ce public-là a besoin d’être à la Laiterie, car il est nombreux. On profite aussi du fait que Fribourg n’a pas de vraies salles de musique, le Noumatrouff (salle de musiques actuelles de Mulhouse) n’a pas les mêmes capacités d’accueil que nous. Et puis l’on est dans une enclave intéressante à Strasbourg. Même si par exemple pas si loin, nous avons du côté de Pratteln (salle suisse du canton de Bâle-Campagne) un vrai “fief” Hard Rock ou encore le Garage à Saarbrucken (Allemagne) qui est une très belle salle oldschool. Eux ont compris ce besoin du public et répondent à une demande. Concernant le public allemand, il est effectivement nombreux sur certains évènements. A l’année, on peut tabler sur 10% de spectateurs traversant la frontière. Ça peut aller bien plus haut sur pour certaines dates, jusqu’à 50%, (on pense aux récentes dates de Eisbrecher, Oomph ! parmi les nombreux artistes germaniques à se produite chaque saison à Strasbourg).

Ce qu’il faut aussi retenir, c’est que La Laiterie est la salle qui programme le plus d’artistes “Metal” depuis 30 ans dans le Grand-Est !

La laiterie est une des salles plus riches en concerts à l’année de France avec le Bikini et quelques salles parisiennes !

SensationRock : On évoquait tout à l’heure le passage potentiel de Ho99o9 de la grande salle vers la salle du Club. C’est aussi l’une des particularités de cette nouvelle saison 2022-2023. Sur les 90 dates déjà annoncées, 85% sont programmées dans la Grande Salle avec donc très peu de dates pour le moment du côté du Club. C’est une nouvelle volonté que de faire jouer si possible les groupes sur une grande scène quitte à avoir un parterre clairsemé ?

Patrick Schneider : Effectivement, c’est bien vu. On vieilli, on muri et on pense au public et à l’accessibilité. Aujourd’hui en comparaison avec ce qu’il se passait à l’époque dans les années 1990’s on est sur quelque chose d’étriqué par rapport à d’autres salles plus récentes. (pour rappel, la Grande Salle de la Laiterie peut accueillir actuellement jusqu’à 900 personnes, contre 300 maximum pour la petite salle du Club). Ça fait le charme de la salle évidemment, on perd effectivement de la place aussi de par les gradins.

Il y a quelques années, on a fait quelque chose d’auto-destructeur pour les équipes et nous-mêmes en enchainant les doubles soirées. Désormais, on ne joue plus au club les soirs nous avons un remplissage fort dans la grande salle. Ça permet au public de passer par le club pour accéder à la grande salle par le côté (via la salle du club et le hall d’accès/entrée/billetterie du club).

Il y a deux portes latérales uniques aussi, ce n’est plus comme ça que l’on conçoit une salle aujourd’hui si on est un architecte “compétent”. Ce “défaut” existe, on l’accepte, mais maintenant il faut trouver un gimmick en attendant des travaux pour améliorer la fluidité et l’accessibilité de la salle. C’est une condamnation, donc ou on ne peut plus programmer deux sets en même temps. Et pourtant nous avons accueilli des choses incroyables, je me souviens d’un soir avec Air et Sébastien Tellier dans la Grande Salle et les Fleshtones dans le club, donc rien à voir avec ce qu’on fait aujourd’hui…

Le deuxième point, c’est vis à vis du volume. A cause du Covid et des périodes compliquées qui s’annoncent, les gens et donc aussi ceux notre milieu, ils sont plus prévoyants. Ça va plus vite qu’il y a trois, quatre ans, et encore bien plus qu’il y a 10 ans. Actuellement, je travaille déjà pour les dates d’Automne 2023, plus d’un an à l’avance ! Je travaille finalement presque comme une scène nationale ou comme un théâtrale municipale, ce qui est fou de mon point de vu. Mais les gens ont besoin de se projeter, on a mis par exemple déjà la date de Matmatah qui est prévu pour la prochaine saison (20 octobre 2023) dans la Grande Salle. C’est cette salle aussi qui dessine l’économie des recettes faites à la Laiterie, on se doit aussi de donner aux productions importantes cet accès à la Grande Salle.

Au-delà des têtes d’affiches, d’autres artistes

SensationRock : La moitié des groupes qui viennent jouer à la laiterie sont finalement ce qu’on peut appeler des “premières parties” ou des “guests”.  Souvent des artistes locaux ou du même label/tourneur ou des invités de l’artiste programmé initialement. Comment s’articule la responsabilité du choix de ceux-ci et le droit de regard que vous avez éventuellement sur ces groupes ?

Patrick Schneider : J’ai un vieux défaut, je suis seul et je supervise beaucoup, beaucoup de choses. Mais je suis très bien accompagné et j’ai programmé les premières partis seul dans mon coin de 1994 à 2010 ! Aujourd’hui, j’ai quelqu’un dans l’équipe qui pilote aussi ce sujet, cette personne me fait des propositions que je relaye et que j’écoute moi-même. Puis derrière cette proposition est relayée au Management voir plus rarement à l’artiste lui-même. Il faut savoir que bien souvent, on ne sait pas en réalité qui sera la première partie lorsque l’on annonce la programmation de l’artiste principal. Souvent par manque de communication, souvent aussi par manque de temps. Le contraire arrive aussi cependant.

SensationRock : Existe-t-il un droit de veto pour l’artiste, ou un simple droit de regard sur sa première partie ?

Patrick Schneider : C’est implicite, dès que tu programmes un artiste de taille nationale ou internationale, il a le droit de choisir sa première partie et c’est assez logique. Dans ma manière de travailler, je prône très souvent le contrat de “Coréalisation”. Je souhaite que tout le monde mouille le maillot. Que ce soient la Laiterie et ses équipe, les artistes et l’agent qui fait sa promotion nationale pour la tournée afin d’arriver à un objectif de minimum viable, raisonnable et de redistribution en cas de réussite. C’est un modèle assez sain je trouve.

Ndlr : Le contrat de coréalisation est un contrat conclu entre un producteur (souvent une compagnie) et un organisateur de spectacles par lequel le producteur s’engage à donner un certain nombre de représentations dans un lieu mis à disposition par l’organisateur, en contrepartie d’une quote-part de la recette réalisée par le spectacle. Le partage des recettes entre les cocontractants se fait selon un pourcentage préalablement défini au contrat est la règle.

Patrick Schneider : Mais effectivement, l’artiste a aussi un droit légitime de défendre son choix aussi à travers le biais de la première partie, ce qui est parfois le cas. Très souvent, l’agent ou le label font mine de rien de bonnes suggestions, donc de mon côté, je suis très ouvert aux propositions. Mais je sais aussi dire non très rarement quand ce n’est pas cohérent. A la laiterie, c’est Mathieu qui a pris le relais de Jean-Luc et qui est très au fait de la scène régionale. Je le sollicite pour me faire des suggestions. On essaie des choses et on se fait aussi parfois retoquer de notre côté par le Management, on aime faire des propositions qui ne collent pas forcément à 100% à l’univers de l’artiste principal. Quand tu envoies un ou deux liens via un URL, ça ne transparaît pas forcément… On se fait aussi confiance entre nous, il faut sentir les choses, c’est une alchimie depuis 30 ans !

Une Horloge qui tourne

Patrick Schneider : C’est parfois plus “Prise de tête” que l’on l’imagine. La première partie, c’est ce qui vient en dernier en réalité dans la programmation. L’agent vend une tournée avec son artiste principal, donc des tickets et ensuite, il veut de la promotion et de l’imagerie. Et quand il a le temps, là il s’occupe de la première partie. Ça peut être un jeune artiste cohérent avec la tête d’affiche ou une rencontre fortuite, un coup de cœur. Là, il va généralement me le soumettre et ça se fait assez vite, en trois mails, l’on confirme les règles du jeu.

C’est plus compliqué si c’est un groupe local, car on leur envoi des choix, et eux ils doivent statuer derrière. Ça nous ai arrivé d’avoir 35 relances pour avoir une réponse sur trois mois ! C’est du boulot, c’est parfois épuisant, mais on se doit aussi de défendre ces jeunes groupes. Après le choix et la validation, on parle encore du temps de jeux.  Je veux que l’artiste local puisse avoir des conditions décentes, l’accès aux techniciens, l’accès au catering et du temps de jeux. C’est un véritable travail en parallèle à activer et demande beaucoup de temps, de la pédagogie ainsi que de la politesse, car c’est ce qui intéresse le moins en règle générale.

Ndlr : Le catering est un terme professionnel qui désigne l’approvisionnement en nourriture et boissons d’un groupe de personnes dans n’importe quel lieu. Le service traiteur en fait partie, mais dans ce cas, la consommation de nourriture joue un rôle secondaire.

Concernant les horaires, ici dans la maison j’ai mis ma patte qui ne transparaît pas tant que ça désormais. Typiquement, je veux qu’on joue à l’heure et que l’on affiche en amont les horaires sur notre site et sur les réseaux sociaux. Et ça, et bien ça embête les agents qui s’en fichent. Par exemple en Allemagne dans certaines salles, tu n’as pas d’informations le jour même parfois et encore moins avant concernant la première partie qui va venir jouer ou sur le début de l’horaire de la soirée. Par moments, pour valider un horaire, ce sont des dizaines de mails avec un tour Manager, ce n’est plus forcément l’agent mais son représentant sur la route qui encadre la tournée. C’est parfois un combat que de leur expliquer de l’utilité de jouer plus tôt en semaine. Alors, 19h00 oui, c’est tôt. Mais on est un mardi soir, le public vient parfois de loin et bosse le lendemain. On fait tous le même métier, mais des fois certains semblent oublier le public dans l’histoire.

Je me remets aussi en question sur les horaires d’ouvertures, pour prendre simplement connaissance des autres groupes à l’affiche sur des dates plateaux, on sort parfois les rames. A l’inverse, le plateau de la soirée Cannibal Corpse (Dark Funeral/Ingested/Stormruler) était vite calé pour exemple. C’est l’agent qui a choisi les groupes qui allaient jouer avec. Contre-exemple avec Lordi, qui a mis plus de temps. On annonce parfois tardivement la première partie parce que nous n’avons tout simplement pas l’information.

L’artiste c’est ce qui nous fait vivre, on essaie d’arrondir les angles. C’est de bonne guerre, c’est à nous en tant que salle, d’expérimenter, de les solliciter et de dire aussi parfois stop quand il faut et ne pas tomber dans l’irrespect. Essayer de les rendre attentifs aux choses qui sont de l’ordre du bon sens, mais que certains semblent oublier. On a une équipe à la Laiterie qui est quasiment la même depuis 15 ans. D’avoir des habitudes en commun et un accord global avec la Direction, c’est une véritable chance et ça nous permets de nous améliorer. Il faut des bases, des repères dans un lieu comme ça, nous comme le public. On ne pourrait jamais espérer autant programmer de choses sans ça. On est dans un travail d’humain devant et derrière la scène.

Au-delà du simple concert

Sensation Rock : La Laiterie est Centre de Ressources Musiques Actuelles Bas-Rhin Eurométropole (CRMA), label départemental, depuis 2007. Dans ses missions principales, elle a aussi pour rôle de sensibiliser et susciter de l’intérêt pour les musiques actuelles de par sa programmation et via des dispositifs de médiations culturelles. Mais aussi d’accompagner les acteurs de musiques actuelles du territoire et assurer une transmission, de l’accompagnement auprès des acteurs et labels. Ce rôle il est aussi visible côté public.

Ce qui a marqué les études de beaucoup de jeunes dans la CUS (Communauté Urbaine de Strasbourg) et permis un accès incomparable à des concerts, mais aussi à se forger une culture musicale scénique. C’est la Carte Culture/Atout voir qui a généré des passions pour certains, voir des vocations pour d’autres dans la musique et à minima pour les autres, de pouvoir venir assister à certains concerts précis dans l’année pour 5€ seulement !

Ce dispositif, il apparaît aujourd’hui comme essentiel, mais comment sont définis les concerts qui rentrent dans cette catégorie et bénéficient de cette offre tarifaire ?

Patrick Schneider : Je respecte déjà ces cartes et le règlement qui va avec. C’est un système compliqué comme une billetterie, pour les cartes cultures nous avons des équipes comptables avec un travail spécifique. C’est un véritable pari de venir soutenir des artistes, très souvent programmés au Club et qui cherchent un public. L’intersection de tout ça, c’est d’essayer de venir donner le plus d’armes à un jeune artiste, un artiste de niche, notamment via l’accès à un public. On dispose d’un arsenal, d’une boîte à outils et je pioche dedans selon l’opportunité avec mon équipe pour faire quelque chose de “Made In Laiterie”.

On défendra toujours ses cartes, même si parfois, on doit entamer des discussions compliquées, car les agents n’ont pas envie de ça. De 20€ qui est le prix générique, on va nous répondre que cette Carte Culture va faire baisser la recette. Quel est donc l’intérêt pour l’artiste ? Ça nécessite du travail, des explications, ce qui est encore plus complexe puisque l’on est bien souvent, comme évoqué tout à l’heure en contrat de coréalisation. Si j’étais dans la facilité de certaines salles, qui programment moins de concerts, et qui font de la résidence, du studio, et c’est un choix ! On ferait différemment. Ceux-là peuvent se permettre d’acheter un artiste “Flat-Fee”. En mode, Banco ! Je donne cette somme à l’artiste et on achète son choix en définissant le tarif d’entrée, je pourrais faire 300 entrées à 2€ si je le souhaite. Le Flat-Fee couvre l’artiste, on couvre un risque différent en cas de coréalisation, notamment sur le bénéfice attendu. Dans ce cas, il se protège. Parfois l’artiste peut-être en mode roue libre. Il pourrait avoir l’impression d’être surpayé et de se dire que si la salle et le public attendu connaissent bien l’artiste.

La Laiterie, c’est de l’artisanat, un travail acharné pour chaque personne que l’on peut ramener en plus à un artiste. On fait autant de promotions pour 40 personnes dans le club, que pour la grande salle. C’est beaucoup de travail et d’argent, mais c’est de la conviction.

Je cite un groupe qui me tient à cœur. Paradise Lost, de passage chez nous prochainement et mériteraient enfin d’avoir une salle complète après plusieurs passages. Même s’ils plafonnent depuis quelques années, je me défoncerai pour qu’ils fassent un bon score. Mais c’est difficile, c’est un lundi soir, certains viennent de loin, d’autres vont prendre libre au boulot, prendre un hôtel peut-être. Pour moi, l’artiste et toutes les personnes autour c’est un métier, mais pour le public, c’est un prix à payer. Le ticket, la route, l’hébergement… C’est un tout qui prend aussi de plus en plus de place pour certains.

L’avant et l’après

SensationRock : Concernant ce public, vous avez justement déjà essayé de mener des études socio-culturelles sur celui-ci ou d’en apprendre justement plus sur vos habitués ou par rapport aux “consommations” spectateurs sur certains genres de niches ?

Patrick Schneider : On a tenté de le faire il y a quelques années, mais on s’est vite rendu compte qu’on ennuyait le public. On lui marche un peu sur les pieds. Quand il vient à un concert à la Laiterie, il vient comme il est, comme il veut, à l’heure qu’il souhaite, il emmène qui il veut, c’est une liberté. On ne va pas faire un questionnaire à l’entrée après une fouille qui est prenante mais normalisée évidemment aujourd’hui. Il vient pour oublier, le boulot, sa famille, les problèmes, le moral ou juste pour apprécier. L’artiste est souvent un enjeu pour ces gens, on ne va pas lui gâcher le moment et venir percer une bulle qui s’installe parfois déjà des jours avant ou dans la voiture avant de venir à la Laiterie. Je suis juste favorable à ce que les gens restent après le concert. Que perdure des échanges soit au merchandising, au bar ou avec d’autres gens du public et qu’ils prennent date qu’ils ont vécu quelque chose. On ne va pas chasser les gens alors qu’ils descendent tout juste de leur concert. Idem lors de son entrée, c’est pareil. C’est aussi créée des habitudes et des bons souvenirs !

Un grand merci à Patrick et aux équipes de la laiterie pour leur accueil et leur boulot tout le long de l’année

 

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