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INTERVIEW FEU ! CHATTERTON

 FEU ! CHATTERTON ou les enfants terribles de la chanson française, héritiers de De Musset autant que de Bashung ont accepté de répondre à nos questions pour notre plus grand plaisir. Retour sur le style si particulier qui fait leur charme.

Sensation Rock : Votre nom de scène vient d’une Pièce d’Alfred de Vigny et d’un album de Bashung, Chatterton c’est bien ça ? Qu’est-ce que ça vous a inspiré ? La figure du poète maudit peut-être ?

Feu ! Chatterton : Pour être précis, on a découvert ensuite la pièce de De Vigny et l’album de Bashung. C’était à une époque où Arthur (le chanteur) et Sébastien (à la Guitare et au Clavier) étaient allés voir une exposition sur la mélancolie au grand Palais, il y a quatre, cinq ans, je crois. Et ils sont tombés sur un tableau, qui représente la mort de Chatterton.

Ils ont été vachement émus par le tableau. Ils se sont renseignés. Après ils ont remonté la piste du poète, Chatterton, se sont attachés au personnage. Ils ont d’abord créé un groupe qui s’appelait Chatterton. Et ensuite ils ont un peu changé d’équipe. Et cette fois ils ont monté le projet Feu ! Chatterton.

Pourtant il y a quelque chose de jovial dans votre verve, comme si du poète vous n’aviez gardé que l’éloquence, le bien-dire.

Oui la figure du Poète maudit, jeune, car il y a vraiment cette idée de jeunesse. Il est mort à 17 ans, mais avoir un côté très exalté, très adolescent, qu’il y a beaucoup dans les premières chansons du groupe. Quelque chose qui nous est commun, c’est quand s’est rendu compte que ce type de sentiments ; un petit peu exaltés, un peu violent et souvent un peu plus facile, dans un premier temps, à exprimer en tout cas. On est plus à l’aise dans l’expression de ce type de sentiments. C’est par rapport à ça qu’on s’est dirigés.

Depuis Arthur a de nouveaux textes, donc ça a changé, ça évolue un peu, mais il y a beaucoup de textes d’Arthur qui ont été écrits bien avant qu’Arthur de mette à chanter dans le groupe. Donc, ce sont des choses qu’ils ont vécu avec Clément quand ils étaient  au lycée, et qu’ils ont continué à mettre dans leur musique. Donc, ce sont quand même des prolongements de choses partagées dans l’adolescence.

Comment avez-vous ménagé musique et poésie au XXIe siècle ?

À tous les coups on se bat pour réussir. Le vrai problème c’est qu’on n’aime tous à la fois la chanson à texte et le rock. Souvent soit assez violent, soit chargé ; du jazz. Des choses assez bavardes musicalement.

Dans la création les musiques arrivent par un des deux guitaristes (Clément et Sébastien) ou par Antoine le Bassiste. Et si Arthur va soit, commencer à poser un des textes qu’il a déjà ; soit va faire un espèce de charabia yaourt en anglais puis écrire un nouveau texte pour que ça aille sur ce qu’il a chanté.

Après il y a plusieurs ingrédients. Une fois que le texte est écrit, parfois on passe des heures ou même des jours – par exemple La Malinche, c’est la version 35 – on essaye de faire que la musique serve en permanence le texte, soit cohérente avec lui et n’en empêche pas la compréhension. Mais en même temps, qu’elle le rehausse.

C’est-à-dire qu’on s’attarde, phrase par phrase. Mesure par mesure et essayer de voir ce qu’on peut comprendre à ce qui se dit là, est-ce que ça va. Est-ce qu’on ne perd pas le sens. Et est ce qu’on donne assez pour soutenir le sens du texte.

Feu!

Une pop un peu rock un peu jazzy et de la chanson française, c’est un choix ce mélange ou ça s’est imposé comme tel ? Peut-on parler dans votre cas de rock poétique ?

Pour nous, ce n’est vraiment pas de l’habillage. On a par exemple beaucoup écouté Brassens. Voilà chez Brassens la musique c’est clairement un habillage pour le texte. Nous on a vraiment cette volonté de construire une musique. Qui dit en parallèle du texte autant de choses que le texte, juste que ça ne se contredise pas. Et éventuellement créer des tensions, dans ce cas-là elles sont volontaires.

Aussi un truc, c’est qu’on ne supporte pas les musiques uniformes. Dans l’arrangement on essaye de faire pour que la mélodie ne soit pas identique tout du long, au-delà du texte et qu’elle soit évolutive. Alors même qu’on a beaucoup écouté de Hip-hop et de musiques répétitives. Quand on écoute que la musique, on ne veut pas que le public s’ennuie. Mais en même temps si on en mettait trop ça paralyserait le texte. En fait on recherche l’équilibre en permanence sur chaque morceau.

Qu’est qui vous inspire toutes ces Confessions d’un enfant du siècle que vous semblez conter au public ? De De Vigny on passe à Musset, Bashung avec ces histoires de jeunes gens. Non ?

C’est souvent dans le quotidien que germe l’idée d’une chanson. Côte Concorde raconte un fait divers tragique, La Malinche une rencontre amoureuse, À l’aube un ami qui s’en va… Toutes ces histoires on les a éprouvées, on les a vécues. Ce qui ne nous empêche pas de les romancer, au contraire !

La mort dans la pinède qui raconte la première fois, La Malinche la drague mal assurée, il y a un côté roman initiatique, roman d’apprentissage. C’est voulu ?

Ce n’est pas réfléchi, mais c’est vrai que c’est là. Peut-être parce que l’adolescence a beaucoup nourri les textes de ce premier disque : c’est l’âge des sentiments neufs, et il est assez jouissif de se le rappeler, d’essayer de les faire renaître, de retrouver cette primeur. Est-ce que depuis on regoûte toujours aux mêmes fruits — affadis ? Où est-ce qu’on en goûte de nouveaux sans savoir les nommer, les reconnaître ?

Le français comme langue de prédilection ? C’est un choix, une marque de fabrique ?

Alors c’est complètement un choix. Les textes d’Arthur n’existent pas sans notre musique et notre musique n’existe pas sans les textes d’Arthur. Les deux se répondent en permanence et se modifient au fur et mesure des concerts. Notre musique elle veut raconter des choses, on racontera jamais aussi bien une histoire en anglais qu’en français.

Plus qu’un choix c’est une évidence. Et donc ce qu’on a à dire, on le dit de la seule manière dont on peut le dire : Arthur c’est par les mots, nous ce n’est pas la musique. Il est français, il parle français donc. La question de l’anglais ne s’est même pas posée, je pense. En plus on s’adresse à un public francophone. On s’est rendu compte que les gens appréciaient cela, et on ne va pas dire qu’on peut en tirer une petite fierté, mais on est content de défendre la langue française parce que, même si on n’écrit pas, on est tous gros lecteurs, on a écouté beaucoup de choses en français donc on y est attaché à cette langue aussi.

On ne vous rapproche pas si souvent de Fauve, vous avez cependant fait pendant un moment leurs premières parties. Quand on écoute A l’aube, il y a un petit côté Fauve dans  ce chanté/parlé propre au « Spoken Word » avec des airs de nuit blanche d’une jeunesse désabusée. C’est un hommage ?

Non, ce n’est pas un hommage, car A l’Aube est une très vieille chanson. Avant d’avoir Feu ! Chatterton, Clément, Sébastien et Arthur avait un groupe avec d’autres musiciens dans lequel ils faisaient du Jazz Slam. En fait Arthur il s’est mis à chanter à 23 ans. Il s’est mis à rapper à 20 ans. Avant il écrivait. Donc il est passé du Rap, Jazz, Slam. Ils allaient dans des bars de Slam à Paris poser ses textes. Donc à la base Arthur vient de l’univers du Slam et du Spokenword.

Après nous quand on a découvert Fauve, ça nous a aidés. Parce qu’on a d’autres morceaux de Spokenword, dont peut-être certains seront sur l’album. Ça nous a aidés à se dire «  bon ça on l’a fait, mais c’est pas le cœur de notre musique.

C’est même presque Rap. Par rapport au texte on peut parler de Spokenword, mais sur scène il est incroyable. L’énergie qu’il transmet… C’est impressionnant. On dirait Joey Star dans ses jeunes années quoi.

J’ai entendu dans une de vos interviews que Feu ! Chatterton ce serait un adolescent, fils de Brel et de Jimmy page. C’est toujours comme ça que vous le voyez ? Sorte d’enfant terrible à la fois du rock des années 70 et de la chanson française ?

[Rire] Haha, oui c’est moi qui avais dû répondre ça. Bien sûr que dans nos rêves les plus fous on aimerait être les enfants de Brel et de Jimmy Page. Mais on n’a absolument pas la prétention de ça. Par contre c’est vrai que ça nous inspire beaucoup et puis de toute façon il vaut toujours mieux viser haut pour atteindre quelques choses. Mais oui Brel forcément. Et puis c’est ce autour de ça qu’on se rassemble, parce que c’est vrai qu’on a tous des inspirations assez variées, qu’on se fait tous découvrir beaucoup de choses, et au fur et à mesure notre bibliothèque musicale commence à s’harmoniser un peu. Led Zeppelin tout est parti de ça, on avait tous écouté. Et bref dans la théâtralité ça nous a beaucoup plus. Mais ce n’était pas que ces deux-là, on aurait pu se dire ça avec Gilmour et Brassens. [Rire].

Paraitrait que vous avez un EP sous le coude pour nous bientôt ?

C’est assez particulier, car nous avons enregistré cet Ep, mais on se pose la question de quand et comment on va le faire sortir. On est en pleine réflexion sur la manière de le sortir. C’est un titre de 15 minutes, ça s’appelle Bic Médium. On le joue déjà sur scène. Mais ce qui est un peu compliqué c’est qu’on est aussi en train de travailler sur l’album en ce moment. Donc voilà, on réfléchit à quand et comment.

Toujours indépendants ? Comment vous gérez ça ?

Alors oui, pour l’instant on est indépendants. On a eu la chance de gagner beaucoup de concours qui nous ont permis de financer nos projets ( la réal’ l’enregistrement, le pressage des vinyles…). Mais pour l’album a priori on ne va pas rester indépendants, on n’a pas encore choisi on est en train de négocier.

Vous aimeriez parler de quoi aujourd’hui avec votre musique ?

En fait c’est a posteriori, quand on lie la musique au texte qui vient lui donner un sens qu’on sait ce qu’on voulait dire. C’est tout un processus de création, on ne part d’une idée pour créer la musique à partir d’elle. Et après c’est comme la plupart des gens qui écrivent, c’est par les choses qui nous ont touchés qu’on commence bien sûr : pas une histoire, par un souvenir, pas un lieu par une image. Mais je ne sais pas s’il y a une volonté de transmettre un message, contrairement à Fauve par exemple. Il a vraiment un message… moi je dirais politique même si ce n’est pas politique au sens où on l’entend aujourd’hui. C’est social en tout cas.

Vous êtes quoi vous, les Feu ! Chatterton.

[Rire] Alors le problème c’est qu’en ce moment on fait beaucoup de musique ensemble, et du coup. De long terme, commençons par la musique anglo-saxonne : LCD Soundsystem, Black Velvet. Des groupes assez connus en fait. Plus récent, les Greasy Bear. Le dernier Arcade Fire. Le Dernier de The Knive. Mac Demarco, lui on l’aime beaucoup avec sa simplicité sans prétention. Sinon dans les classique : Barbara, Brel, Brassens. On a tous rodé ça longtemps. On écoute aussi beaucoup d’electro, Aphex Twin on est très fan. Les deux guitaristes on beaucoup écouté Radiohead. Cet été on a beaucoup écouté les Pink floyd. En finissant le deuxième Ep. Arthur écoute aussi pas mal de Jazz vocal ou mélodique. Sébastien écoute du Jazz plus récent. Moi j’écoute vraiment toute sorte de Jazz parce que je viens de là. On a aussi beaucoup écouté de Hip hop. Et vu qu’on est cinq et qu’on vient d’univers différents, on s’est fait chacun découvrir nos univers.

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Remerciement à Agnès et Aux Feu ! Chatterton.

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