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Pomme / consolation

Vainqueure d’une Victoire de la Musique, on avait laissé Claire Pommet sur un opus exceptionnel, Les Failles. Dès lors, il paraissait compliqué de faire aussi bien, voire mieux. consolation prolonge le travail introspectif de l’artiste, avec toutefois une part bien plus lumineuse que ses précédents efforts. Pomme s’éloigne doucement de ce qui a fait son succès, à savoir des arrangements simples, en guitare ou piano voix. consolation est plus emprunt de sonorités électros, plus travaillé et plus produit aussi.

Sa collaboration avec Flavien Berger, Petit Prince de l’électro, n’y est sans doute pas pour rien, même si l’on se doute bien que toutes ces influences étaient déjà bien ancrées en elle.

22 :51 : dialogue avec l’auditeur, ouverture de l’album, et ce qui pourrait ressembler à un orgue de verre. Pour le moins incongru.

jardin : l’enfance, les rires et les peurs primales, la nostalgie voire la mélancolie. On s’y replonge sans cesse, car malgré la douleur, les sensations qu’on y éprouve sont familières. « Goût de rance », parfum d’errance et d’insouciance, « les rêves qui jouent avec la mort » pour mieux se sentir vivant. La question posée est donc ; que cherchons-nous dans notre passé ? Et pourquoi cela fait-il si mal d’y sombrer ? Les voix enfantines tentent d’y répondre, mais n’y parviendront jamais.

La réalité, c’est que l’enfant intérieur que nous avons tous en nous doit être, une bonne fois pour toutes, consolé et pardonné. Faire la paix avec la vie autant qu’avec la mort, et apprendre à mourir.

dans mes rêves : Pomme, bien que jeune femme, est capable d’une analyse et d’un recul sur soi d’une maturité impressionnante. Elle raconte dans ce titre toute la sensibilité qui l’envahissait, et l’envahit sans doute encore aujourd’hui. Difficile de ne pas faire le lien entre cette hypersensibilité et ce que je ressens comme un trait de sa personnalité, un truc malheureusement « à la mode », mais dont on souffre si l’on ne sait pas s’en accommoder, le haut potentiel intellectuel. HPI, donc, doublé évidemment d’une violence émotionnelle folle. Sa maîtrise des mots comme de la musique, ses facilités en langues, et une volonté maintes fois affirmée de contrôle, tout cela semble indiquer que la demoiselle est singulière. Pas seule, mais tellement différente et totalement attachante et désarmante. Et cela n’est bien sûr qu’un avis non autorisé.

la rivière : ce titre reste pour moi associé à Stephan Eicher. Pourtant, Claire nous entraîne vers ce cours d’eau en piano voix. Une empathie non feinte, une aide bienveillante et gratuite, voilà ce que Pomme nous offre. Le chœur qui l’accompagne achève de nous convaincre ; nous y serons, tôt ou tard, sur les bords de la rivière. Bien que la ritournelle semble adressée à l’une de ses intimes (sa sœur?), elle nous parle, à chacun de nous.
Sororité ou lien familial, antienne adressée à elle-même, difficile d’être précis quant au sens caché de cette sublime chanson. C’est d’autant plus émouvant de ne pas savoir… Une voix emprunte d’un souffle, un murmure rassurant, un baume à l’âme, c’est tout cela que l’on retrouve près de la rivière.

Nelly : chanson hommage à Nelly Arcan, intellectuelle et autrice québécoise, dont le sujet de prédilection était le regard de l’homme sur la femme, mais aussi l’auto-injonction qui repose sur la gente féminine à se conformer aux stéréotypes attendus par la masculinité. La voix de la disparue vient nous happer à la figure en toute fin de morceau, et c’est très troublant. Nelly est une thoune on ne peut plus engagée, féministe mais pas moralisatrice.

septembre : là encore, la bienveillance affichée à l’endroit de l’absente est totale. Je ne peux que penser à Safia Nolin et aux chansons que Pomme et elle n’ont pas encore chantées…

bleu : une piscine, l’océan, des effets somptueux, des voix de sirènes. C’est une atmosphère toute aquatique en apparence, mais qui cache peut-être une autre évocation, plus sexuelle celle-là. Une mandoline, légère, sur de l’électro, des basses profondes mais pas agressives, est une forme de transe émane. Un titre à plusieurs lectures, donc.

when I c u : si le texte (en anglais) n’est pas le plus ciselé que Pomme ait écrit, la mélodie et surtout la seconde voix toute en finesse et en nuances méritent qu’on y prête une oreille attentive.

puppy : intermède assez étrange, où plusieurs Pomme chantent, a priori en français et en anglais, et s’entremêlent au point qu’il est impossible de distinguer l’une de l’autre. Quant au sens de la chanson, et bien … je passe !

tombeau : dans les arrangements des guitares, dans le chant, dans les harmonies et les chœurs, cette chanson est somptueuse. Cependant, le thème abordé nous incline à penser que Claire n’en a pas tout à fait fini avec le macabre. Note d’espoir avec ces chérubins enchanteurs en fin de morceau.

allô : se trouver sans se blesser, une orchestration oscillant entre guitare /voix et effets électros, c’est enveloppant comme un plaid en angora, et réconfortant comme une étreinte.

B. : hommage à la Longue Dame Brune, c’est-à-dire Barbara. La voix de Pomme est méconnaissable, rendue totalement synthétique par un Vocodeur. Une trouvaille, tant l’univers de Monique Serf est différent et pourtant dans la droite ascendance d’une Pomme. Si ces dames n’ont pas le même langage, elles parlent définitivement la même langue : celle de la beauté, de la poésie et de la consolation.

Alors non, consolation n’est pas aussi marquant que l’était Les Failles. Il faut dire que le défi était de taille. La fraîcheur initiale a laissé place à une face plus apaisée de Claire Pommet, et l’on ne s’en plaindra pas, parce que l’on ne souhaite que son bien.

Pomme sera en concert en février 2023 dans notre cité bisontine, et comme tout bon fan, j’y serai !

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