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The Black Keys / Dropout Boogie

Un an pile poil s’est écoulé depuis la sortie de Delta Kream, album sur lequel les Black Keys reprenaient des grands standards de Robert Lee Burnside, David Kimbrough Jr ou encore John Lee Hooker. Revoilà donc déjà Dan Auerbach et Patrick Carney sous les feux de l’actualité avec Dropout Boogie, onzième effort de ce duo chevronné que l’on ne présente plus.

Dropout Boogie paraît surtout 20 ans après The Big Come Up qui fut, comme le temps passe, le premier opus du duo originaire d’Akron (Ohio). Que de chemin parcouru depuis 2002 par Dan et Patrick qui ont tellement bourlingué et roulé leur bosse.

Nashville (Tennessee), musicalement parlant, est l’unique endroit où les Black Keys se sentent chez eux, dans leur élément et ce nouvel album en atteste. L’enregistrement s’est déroulé en à peine 10 jours au studio Easy Eye Sound où Dan Auerbach et Patrick Carney ont pu évoluer en terrain conquis avec, en prime, quelques bonnes connaissances pour prêter main forte : Greg Cartwright (Reigning Sound), Angelo Petraglia qui n’est autre que le producteur des Kings Of Leon mais aussi Billy F. Gibbons, l’ami de longue date qui fut convié à accompagner le duo sur Good Love. Une collaboration qui n’est pas la première puisque Billy et les Black Keys avaient déjà joué ensemble il y a environ 10 ans sous la férule de Rick Rubin qui, à l’époque, produisait un album de l’ex leader de ZZ Top.

À l’écoute des deux singles annonçant Dropout Boogie, à savoir Wild Child et It Ain’t Over, on pensait les Black Keys devenus un groupe pop commerciale, bien que Wild Child laisse toujours rugir les guitares et s’avère un morceau des plus dansants et entêtants, ce qui n’est hélas pas le cas d’It Ain’t Over lequel, avouons-le, nous laisse un peu sur notre faim. Un morceau sympa mais qui ne revêt aucune émotion particulière. Des doutes et inquiétudes qui, cependant, allaient être vite annihilés avec la parution de l’album entier.

Selon les dires du batteur Patrick Carney, le meilleur moyen de faire du bon travail en studio est l’improvisation. « Il suffit que je trouve l’inspiration par mes beats de batterie pour que les riffs de guitare et les refrains se fassent jour ». Quand on connaît la façon de créer des Black Keys, on sait pertinemment qu’ils ne sont jamais aussi bons que dans les conditions du direct, comme lors de l’enregistrement de Delta Kream. Avec Dropout Boogie, Dan et Patrick viennent une fois de plus le prouver.

Dans ce onzième album, on retrouve un zeste de Let’s Rock, un soupçon d’El Camino et une bonne cure de Delta Kream, comme par exemple sur For The Love Of Money qui, par son rythme trépidant, ressemble trait pour trait à Poor Boy A Long Way From Home qui figurait sur cet album de reprises blues. La crainte d’avoir affaire à des morceaux pop bons pour le commerce est alors évacuée, les Black Keys nous gratifiant d’un blues à la hauteur de nos espérances.

Ce qui interpelle sur ce nouvel opus des Black Keys, c’est cette facilité qu’a le duo de l’Ohio à passer, d’un morceau à l’autre et sans vergogne, du rock au blues. Your Team Is Looking Good, d’aspect bien rock estampillé Let’s Rock, précède la complainte bluesy Good Love en featuring avec Billy F. Gibbons. Une diversité de styles qui fait de Dropout Boogie un opus attrayant et avec lequel il est rigoureusement interdit de s’ennuyer.

How Long et Happiness, deux somptueuses ballades, prennent en sandwich le percutant Burn The Damn Thing Down qui fait cracher les guitares à satiété, à l’image de Baby I’m Coming Home au tempo plus relâché. Du blues au rock, de Let’s Rock à Delta Kream, les Black Keys baignent dans l’éclectisme le plus total. Le jeu de batterie de Patrick et la voix de Dan (sans parler de ses riffs étourdissants de guitare), eux, sont toujours fidèles à eux-mêmes. Après 20 ans de carrière et 11 albums, ce bouillant duo en a encore sous le pied!

Blues encore et toujours sur Didn’t I Love You, l’épilogue de cet album, morceau dont le rythme fait penser, dès les premières notes, à Crawling Kingsnake qui ouvre Delta Kream. Tout comme avec For The Love Of Money ou Good Love, on amorce avec Didn’t I Love You une grande plongée dans l’Amérique profonde et surtout en immersion dans les hauts lieux du blues. On évoquait l’improvisation et l’enregistrement dans les conditions du direct, Didn’t I Love You nous en offre un bel échantillon: bruits des musiciens dans le studio, guitares qui s’accordent, et cetera. C’est la raison pour laquelle on peut affirmer sans détours que Delta Kream a inspiré Dropout Boogie, plus précisément pour la création de compos telles que For The Love Of Money, Good Love, Didn’t I Love You et même Happiness, ballade aux sonorités bluesy.

Avec Dropout Boogie, les Black Keys signent l’un des albums les plus polyvalents de leur discographie, Dan Auerbach et Patrick Carney refusant de s’enfermer dans un style donné. Il serait inconvenant de passer sous silence l’aide et le travail inestimables fournis par Angelo Petraglia et Greg Cartwright qui, selon leurs compétences, se sont beaucoup impliqués dans ce projet Dropout Boogie. Quoi de mieux, pour faire un bon album, que d’évoluer dans un endroit où l’on se sent chez soi et, qui plus est, avec des personnes qui connaissent comme leurs poches les rouages de la production. À propos de Cartwright et Petraglia, Dan Auerbach a d’ailleurs déclaré : « Patrick avait envie de travailler avec ces gars-là, je n’avais aucune raison d’opposer mon veto et il me paraissait juste de lui faire confiance ». L’avenir a donc donné raison à Dan : Dropout Boogie se révèle une réussite et peut décemment prétendre occuper une place prépondérante dans la discographie des Black Keys.

Dropout Boogie : pour les Black Keys, l’heure de la retraite n’a pas encore sonné!

 

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