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CROCODILES + EUT, le mardi 12 février 2019, La Laiterie – Le Club, Strasbourg (67)

Laiterie – Crocodiles

Arrivé à la bourre pour la première partie (que voulez-vous? Le savoir-vivre…) et pouvoir se garer face à l’entrée de la salle, qui l’EUT cru?! Je regarde ma montre à deux fois: je suis officiellement en retard mais il y a pléthore de places aux abords du Club de la Laiterie. Une chance qu’il n’y ait pas concert dans la Grande salle ce soir! Bref, entrant dans le salle je constate que l’on m’a attendu…

EUT

C’est donc dans une version intimiste – comprendre, le nombre de personnes présentes en ce début de soirée est restreint – que les Néerlandais de EUT démarrent non sans un certain délai avec le single Supplies. Une véritable aubaine en fait, car même si le début est compliqué/sale du point de vue sonore, il aurait été regrettable de rater une miette de ce concert. D’entrée de jeu, le quintet m’évoque pêle-mêle Smashing Pumpkins (si si, les pop songs comme Bad sweet pony, un tantinet teigneuses à base de guitares cristallines versatiles, avec un penchant pour l’overdrive intempestive, sont typiques des Citrouilles), Findlay, notamment pour le charisme et la sensualité de la chanteuse Megan de Klerk, voire Asteroid Galaxy Tour (Lie detector), car tout cela reste très enjoué (Tygo dex), ma quête de similitudes musicales finit par aboutir: les Cardigans!

Et il est vrai qu’il y a une certaine proximité entre les Suédois emmenés par Nina Persson et EUT. D’ailleurs, digression si l’en est une de première nécessité: écoutez Gran Turismo! 21 ans après, l’album n’a pas vieilli! Revenons à nos moutons et à cette soirée de février 2019. Les Amstellodamois proposent des titres efficaces, arrimés à des claviers ponctuels (Sour times) et pour la plupart extraits de leur premier opuscule Fool for the vibes (2018), exception faite de la crunchy Dusty old me. Tout cela semble exquis, facile, tant dans la construction des morceaux, ultra limpides (les couplets et les refrains coulissent à merveille) que sur le plan de la mélodie, une marque de fabrique du groupe. C’est une jeunesse souriante, avec ses Doc Martens rangées au pied du micro, alternant guitares Fender avec des 6-cordes cheap – contrefaçons d’hier tellement en vogue aujourd’hui notamment pour ces sonorités dites twang  – qui distille des riffs justes (Look (who has decided after all)), des choeurs calibrés, saupoudrant ici ou là d’auto tune et de claviers, et qui nous gratifie de temps forts sortant des sentiers battus, comme la version étendue de How did U know. Sur cette dernière, le bassiste délaisse ses touches noires et blanches et fait face à un public désormais conséquent. La tête de sa basse frôle celles des premiers rangs, totalement embarqués par ce morceau génial.

EUT est une formation performante, qui suscite d’emblée une forme d’attraction (in)consciente. Et ce ne sont pas les désagréments sonores du début qui pèseront sur l’ensemble (à titre de comparaison, Thé Vanille avait connu également des problèmes à l’entame de son concert au festival Détonation en septembre dernier. Cela n’avait pas empêché le trio de retourner le public qui avait outrepassé la gêne passagère). A l’issue de ces 10 titres et des trois quarts d’heure ponctués par l’exceptionnel point d’orgue que fut Tygo dex (cent fois meilleur live que sur disque et tellement cardiganesque – vous ai-je déjà dit d’écouter Gran Turismo? Sans blague, une évidence), le constat s’impose: Ok, les premiers titres furent malmenés par une sonorisation inadéquate, néanmoins la seconde partie du concert fut nettement plus relevée et excellente. L’ingénieur du son a revu sa copie, permettant au groupe d’étinceler. Les Néerlandais sont en train de se faire une petite place au soleil dans le microcosme de l’indé et c’est on ne peut plus mérité. Gloire aux première parties!

Setlist de EUT

1-Supplies

2-Crack the password

3-Sour times

4-Don’t you love me

5-Bad sweet pony

6-Dusty old me

7-Look (who has decided after all)

8-Lie detector

9-How did U know

10-Tygo dex

 

CROCODILES

21h30, les reptiles sortent de leur repère. Difficilement d’ailleurs. La faute à des incompréhensions avec la régie au sujet de la lumière… Bref, ça commence comme un vaudeville. Donc 21h34, les reptiles sortent vraiment de leur repère, disais-je, pour asséner une messe punk, dont Heart like a gun devait être la mise en bouche. Elle fut surtout l’occasion pour Brandon Welchez de casser sa corde de mi aigu dès les premières secondes… Punk le début de concert. Quelques minutes passent avant qu’une nouvelle gratte lui soit proposée. Le set prend réellement son envol à compter du second morceau, Crybaby demon, entamé par un motif de basse entêtant et dépouillé. Les Crocodiles version 2019, c’est 1/3 de Californie et 2/3 d’Alsace ce soir. Désormais, membres de l’écurie Dead Rock, avec la parution toute récente de leur septième galette sur le label strasbourgeois, la doublette Brandon Welchez-Charles Rowell se paie les services de Atef Aouadhi, aka Rachid Bowie, guitariste des locaux d’Hermetic Delight et cheville ouvrière du label October Tones, reconverti pour la soirée en bassiste dandy paré de lunettes noires.

Aujourd’hui, le gros du set est consacré au disque paru il y a quatre jours, Love is here (the end is near). Les titres sélectionnés pour l’occasion (Heart like a gunExit my head, Wait until tomorrow…) ravissent un auditoire qui semble afficher complet; le jour et la nuit dans le Club en moins d’une heure, question fréquentation. Avec les San Diegois, le punk apparaît tour à tour sous toutes ses facettes. Quasi-originel, car véhiculé par des rythmiques soutenues par trois accords voisins et fonçant à bride abattue, il est aussi revisité à la sauce post punk, avec les motifs et soli de Rowell plongé à corps perdu dans les aigus de sa lead (soit dit en passant: les vestes blazer font leur petit effet aussi, offrant une dégaine à la PIL), ou encore en mode lo-fi/shoegaze. Mais, toujours avec une constante en guise de fil conducteur: un enrobage costaud de réverb’ conférant des accents psyché (Crybaby demon). Cette esthétique musicale protéiforme est telle, qu’à un moment, l’idée de voir le gang au sein de la bande originale de Trainspotting est toute sauf incongrue. Le caractère dynamique, pour ne par dire dansant des titres (Nuclear love) et les mélodies opèrent insidieusement sur les spectateurs. Les deuxième et troisième rangs, si l’on arrive encore à distinguer une logique d’organisation dans cette cohue, ne diront pas le contraire. La voix de Welchez, aiguë et abrasive, se rapprocherait également de celle de Peter Hayes, chanteur de BRMC. Son acolyte aux lunettes teintées lui donne parfois la main, notamment pour les chœurs afin de réaliser un imparable combo (meilleur exemple, Mirrors).

L’enchaînement des titres se fait au gré des réaccordages et sur fond de larsens assurant des transitions cold wave. Le public apprécie l’ambiance enfumée et rutilante qui émane de la scène. Passée une reprise des Buzzcocks, Crocodiles poursuit avec Love is here (the end is near), titre éponyme du nouvel album, résonnant dans la salle bondée tel un hymne survitaminé. S’extrayant une seconde fois de la pénombre, le groupe revient pour un rappel comptant Mirrors (titre au refrain excellent) et I wanna kill, pour une dernière décharge de notes aiguës et dissonantes.

C’est mardi et le public strasbourgeois ne s’attarde pas. Quant aux Crocos, ils remballent. Demain, direction un autre marigot.

See you later alligator…

 

Setlist de Crocodiles

1-Heart like a gun

2-Crybaby demon

3-Teardrop guitar

4-Exit my head

5-Marquis de Sade

6-Nuclear love

7-Stoned to death

8-Wait until tomorrow

9-Sunday (psychic conversation #9)

10-She splits me up

11-Buzzcocks cover

12-Love is here (the end is near)

Rappels

13-Mirrors

14-I wanna kill

 

-Benoît GILBERT

crédit photos: Benoît GILBERT

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