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SKINNY PUPPY + HORSKH, mercredi 7 juin 2017, Les Docks, Lausanne (CH)

« Le masque […] peut transformer le corps en image en le dissimulant pour exposer quelque chose qu’il ne saurait montrer lui-même (1)».
Si l’adjectif “industriel” sert aujourd’hui à désigner des genres musicaux éloignés (rock-indus, electro-indus, et autres déclinaisons), c’est un retour à la définition originaire qu’opérait cette soirée “carnassière” : l’exposition hyperbolique d’un cauchemar placé sous les thématiques de la chair et de l’acier, le tout anonymé sous des masques.

De masque, il n’en est d’abord pas question lors de la première partie assurée par Horskh, du label historique Audiotrauma. Le public a eu un peu de mal à s’immerger dans cet univers de bruit fusionnant electro abrupte et riffs acérés sur le premier morceau, et il faudra attendre la fin du deuxième, lumière vert d’eau marécageuse imprégnant la salle, pour que les applaudissements retentissent.

L’énergie fulminante une fois transmise, mélange proportionné de fureur et de maîtrise, et c’est parti pour une setlist qui fera une belle place aux premiers titres du projet (Damaged Ropes, Dawn et son hurlement qui rappelera à certains l’Antichrist d’Heaven on the Brain par Manson). L’évolution musicale du duo sur scène se tourne vers des sons plus hard-electro, plus percutants.

Parmi les nouveaux morceaux, Engaged and Confused, Victim ou Against restent en tête par leur violence cadencée. Trigger commence sur des beats sortis des machines, avant que celles-ci ne soit conjurées par une batterie qui prend le relai ; la part laissée à la section rythmique est d’ailleurs mise en valeur lors d’un final technique et dégénéré.

L’assemblage créé entre machines et instruments fait le lien entre Horskh et Skinny Puppy, ainsi que cette ambiance fantomatique appuyée par les jeux de lumière qui annoncent la mise en scène plus explicitement post-humaine de Skinny Puppy et ses micros amphibiens façon H.R. Giger.

Skinny Puppy convie son public à une séance d’exorcisme qui commence sur une entrée  en scène progressive. Matthew Serzec, le guitariste, est d’abord caché sous un masque surmonté d’une sorte d’antenne/néon vert avant de dévoiler sa présence impressionnante, visage émacié, mimiques reptiliennes. cEvin Key arrive ensuite sur le pôle des machines, suivi du batteur Justin Bennett. C’est ensuite au tour de Nivek Ogre d’être trainé sur scène par son bourreau. Asile, prison, couloir de la mort ,célébration païenne ou vaisseau d’Alien, l’espace scènique se transforme en un mélange de tous ces univers. Tout le long, le bourreau en tenue de faune post-apocalyptique viendra percer sa camisole par des seringues et l’ensanglanter.

La setlist s’appuie en particulier sur l’album The Process (1996, dernier album sur lequel Dwayne Goettel apposa sa signature), avec Death et son mot d’ordre retentissant : “How do you sleep when it’s still alive / Never too deep take a look inside” ou Hardset Head et son “silent noise” qui marque le début d’une seconde phase dans le concert, plus mouvementée, avec la division electronique davantage exposée. Un écran en forme triangulaire est dressé, forme aux connotations symboliques qui peuvent rappeler la thématique transversale de cet album, à sa voir l’Eglise dite du “Process” (“The Process Church of The Final Judgment”).

Tin Omen fait résonner ses rictus corrompus. On entend bien sûr les grands classiques comme The Choke, Assimilate (tous deux issus du coup d’éclat Bites, en 1985) ou Worlock : moins incisif, plus spectral, ce dernier donnera quelques frissons au passage. On retrouve de façon parcimonieuse ces morceaux où les sons salis côtoient la clarté des choeurs et des cordes qu’une scanssion dépréciogène vient toujours entacher. Le grand-guignol des poches de sang explosant côtoie la projection de liquides argentés et fluorescent pour un déluge d’hémoglobine qui clôturera le show.

Skinny Puppy reviendra lors un rappel au son de Vx Gas Attack avec un Nivek Ogre délesté de quelques kilos de tissus et des litres de substances liquide, la voix toujours mixée en avant, entre l’agonie et le soulèvement.

 

Crédits photo : Eric

(1) BELTING, Hans, Bild-Anthropologie : Entwürfe für eine Bildwissenschaft, Müchen, Wilhelm Fink Verlag, 2001. Traduit de l’allemand par Jean Torrent, Pour une anthropologie des images, Paris, Gallimard, coll. Le Temps des images, 2004, p. 129.

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