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JAWS, Simplicity

Après Londres et Manchester, c’est désormais à Birmingham d’être la matrice d’une nouvelle vague. L’ancienne cité industrielle a vu nombre de groupes surgir de ses friches: Peace, Swim Deep et même … Black Sabbath en son temps. Dernier rejeton de cette usine à talent, JAWS. Un trio tonitruant qui avait déjà marqué les esprits en 2014 avec son premier effort Be slowly. La formation revient cet automne avec Simplicity, un album composé de 11 titres dans lesquels les années 80 ont le vent en poupe. Déballage d’un disque revival plutôt réussi (oui, j’ai bien dit « plutôt »).

Hommage aux « années fric » …

Après seulement 4 années d’existence, le groupe nous propose son nouvel opus, preuve que ces artisans ne chôment pas. À la première écoute, Simplicity apparaît comme une synthèse des années 80.

Derrière les fûts, Eddy Geach offre un jeu caractéristique, reproduisant entre autres des beats proches des boîtes à rythme de l’époque (Right in front of me renvoie à l’intro de Take on me de A-Ha). Quant aux guitares, Connor Schofield et Alex Hudson réemploient les recettes de grand-mère: arpèges éthérés et cristallins bardés de réverbération, des notes étouffées et délayées ainsi que des motifs intenses et noisy (le pont de What we haven’t got yet). La new wave des Cure raisonne sur l’intro du génial Just a boy et The Edge de U2 sur la discutable On the sunshine. De même, des synthétiseurs jalonnent cet album (Interlude à titre d’exemple). En définitive, JAWS est dans la roue des formations actuelles, All Tvvins, Beach Baby, The Growlers, qui ont compris que cette décennie – longtemps honnie – apparaissait désormais comme un trésor de guerre à se partager.

… et clins d’oeil aux 90’-2000s.

À cette esthétique old school et so british que certains qualifient déjà de Madgaze (Madchester + Shoegaze, étiquette douteuse quand on est originaire de B-Town…), le trio dispense aussi un pop rock onirique et puissant grâce à des influences piochées ici et là chez les mastodontes des vingt dernières années. Côté batterie, la lourde frappe rappelle Jimmy Chamberlain durant les enregistrements de Machina/The machines of God et le caractère dynamique des premières chansons, reposant sur un jeu rapide, pourvu de roulements brefs et géniaux, à Matt Tong de Bloc Party (notamment sur What we haven’t got yet). De même, les mélodies insufflées par les guitares distordues évoquent quelques totems du rock alternatif, comme Placebo (sur Cast), Smashing Pumpkins (Interlude ou sur Just a boy qui rappelle la période Siamese dream et ses hits 1979 ou Today) ou encore Nada Surf.

Finalement, Lavoisier l’avait théorisé il y a 3 siècles : rien ne se perd, tout se transforme !

Plaidoyer pour la jeunesse

La réussite de cet album pourrait être résumée avec la première chanson, une véritable pépite musicale. Just a boy est la quintessence des propos précédents : un hymne new wave, un hit pop rock, le tout avec une voix de teenager. Jusqu’à la bien-nommée Interlude, les morceaux suivants sont d’une facture approchante et s’écoutent aisément avec un réel plaisir. What we haven’t got yet ou Right in front of me sont de solides chansons s’appuyant sur une trame efficace ; 17 et Cast sont plus pop et fonctionnent à merveille. On a l’impression d’être replongé dans l’univers noisy et romantique de Black Market Music (la bande à Molko est rarement citée de nos jours du point de vue des influences, profitons-en). D’ailleurs, c’est cet univers juvénile, tantôt insouciant, tantôt bileux, amoureux ou solitaire qui transpire sur tout ce disque. On se croirait facilement sur la bande originale d’un film pour post-ados. Le décor, un campus américain. La scène, une rupture amoureuse, l’évocation de souvenirs, etc. Proposer un rock ancré dans la jeunesse avec ses malaises et ses doutes, voilà la force du groupe (17, Right in front of me). Le tourment semble permanent à travers des sonorités grésillantes, tel un bourdon jalonnant nombre de titres de Simplicity, avec un point d’orgue instrumental, l’Interlude.

Non à la « nu new wave »

Aux deux tiers du disque, les Brummies cheminent vers la médiocrité. Les titres s’enchaînent et peinent à séduire ; le rythme est plus lent, la mélodie pauvre, le dynamisme disparu. On singe les vieilles gloires d’autant (un simulacre de riffs à la The Edge de U2 sur On the sunshine), on déverse encore plus de réverbération ; la mayonnaise ne prend plus. Sur les cinq derniers titres, trois sont dispensables, voire plus (en fonction de l’humeur). Plus sérieusement, On the sunshine, Work it out (sorti comme single …) et A brief escape from life sont des compositions poussives, datées et de facture inégale avec les perles du début. Engoncée dans sa dream pop, la formation n’est plus la même qu’aux prémices. Pire, qu’elle s’est perdue et nous avec. On est à deux doigts d’écouter autre chose. Quitte à faire, penchez-vous sur DIIV, vous comprendrez mieux.

Les dents de la (mé)mère ?

Profitant de ce billet d’humeur, évoquons aussi la voix. Certes, tous les nouveaux venus ne peuvent se targuer d’avoir un timbre vocal comme Fil Bo Riva. N’empêche, quand on est frontman, on bombe le torse et En Avant Guingamp ! Avec une voix proche de celle de Jonas Bjerre (chanteur des groupes Mew, Appartjik), ici à la fois traînarde, faiblarde (rappelant le dernier MGMT…), mielleuse sur Work it out et nettement en retrait sur tout l’album car enlisée sous une chape de réverb’, Connor Schofield apparaît comme un modeste choriste, un « backyardman ». Conclusion : trop d’effets tuent l’effet escompté.

Exploitant sans vergogne et comme nombre de lines-up actuels le filon des décennies passées, JAWS happe et dévore son auditeur tant les premiers titres revival sont de véritables réussites. L’album est donc « cool » (adjectif emprunté à la génération Top 50) ! C’est même un coup de cœur, abstraction faite des titres superficiels précédemment évoqués. Réduit à 3 depuis la défection du bassiste Jake Cooper, la formation birminghamoise avance dans le sillage des Foals, mais est encore tenue à bonne distance. Le costume est encore trop grand pour elle. La maturation des JAWS n’est pas finie, preuve en est les thèmes récurrents des lyrics, encore ancrés dans les névroses « d’adulescents ».

 

  • Benoît GILBERT

Artiste : JAWS

Album : Simplicity

Label / Distribution : JAWS

Date de sortie : 04/11/2016

Genre : rock

Catégorie : Album rock

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