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IMPETUS FESTIVAL : LAIBACH, samedi 9 avril 2016, Le Moloco, Audincourt (25)

C’est avec une insatiable curiosité et beaucoup de suspens que nous nous sommes rendus ce samedi 9 avril au Moloco. Après avoir été subjugués par Le Butcherettes et At The Drive In le soir précédent, c’est un autre groupe légendaire que nous avons hâte de voir, tant leurs concerts en France ont été rares et leur identité entourée de mythes. Les slovènes Laibach sont en effet actifs depuis plus de trente ans et cernés d’une aura subversive, liée à leur exploitation des codes totalitaires. 

La salle est déjà plongée dans l’obscurité lorsque nous arrivons à 20h30 mais il faudra encore attendre avant que les cinq membres de Laibach n’entrent en scène. Ce sont tout d’abord les deux claviéristes qui se mettent en place de chaque côtés, gardiens de l’ordre armés par Nordlead. La batterie s’incarne à son tour puis ce sont enfin Mina Špiler (qui n’est pas sans faire penser à la fiancée de Frankenstein, Elsa Lanchester) et Milan Fras, dont la présence seule suffit déjà à impressionner. Ils sont impassibles.

Le premier acte de ce cérémonial -de ce concert- apparaît comme une prière lente et viciée, d’une sérénité ombrageuse. La voix de Milan est incroyablement caverneuse tandis que celle de Mina, cristalline, verra ses prouesse vocales se métamorphoser sous les coups d’une déformation par vocodeur. Les lumières ne crépitent pas mais se font expressionnistes, venant donner un relief tortueux aux visages.

On retrouve rapidement leur ambiguïté symptomatique, jouant du décalage entre ce que l’on entend -rythmique martiale imprimant son autorité- et ce que l’on voit -une colombe.

Messe noire, danse macabre, marche de guerre, scène de torture ? Chaque élément qui s’ajoute se prête à de multiples interprétations, que ce soit les coups de cymbale pouvant annoncer à la fois les combats ou le lancement d’un freak show. Le public retient sa respiration dans une sorte de religiosité et d’admiration. Il n’y a pas d’instruments à corde chez Laibach mais le batteur lacère ses cymbales d’un archet. Il est 22h lorsque les premiers vrais applaudissements retentissent. Bienvenu à la grand’messe. Ce sont maintenant les claviers qui dominent dans un duo d’angoisse, avant que Now You Will Pay n’impose son hégémonie. Ce sera sur Eurovision, un titre aux préoccupations particulièrement résonnantes, que le groupe s’absentera pour un intermède de 10 minutes, chronomètre au décompte affiché.

Il faut quelques minutes avant de se réadapter au monde “réel” et sortir de la paralysie dans laquelle Laibach nous a plongé.

La seconde partie prend des atours beaucoup plus électroniques et saisissants, projections à l’appui se répercutant jusqu’au plafond de la salle. On entend My Favourite Things, moment étrange, projections de dessins animés et de poneys, non sans rappeler l’une des autres problématiques auxquelles Laibach se confronte, celle du consumérisme, des excès capitalistes liés à la société du divertissement. “Trust is good but Control is good too”…

C’est ensuite l’heure de faire sonner les succès les plus populaires, dont le premier est bien sûr Whistleblower. A 23h15 le groupe sort de scène avant de revenir pour un long rappel, dont la ré-appropriation de Life Is Life.

 

Alors qu’on aurait pu s’attendre à des vagues de mouvements dans le public, c’est l’austérité, l’impassibilité et l’absence d’émotions qui se sont transférés entre les artistes et leur auditeurs. Une voix synthétique pré-enregistrée nous remercie de notre présence. Il fallait l’audace de ces examinateurs de conscience pour tenir cette performance grave et gelée. Laibach est définitivement un objet de fascination.

-Clémence Mesnier

Crédits photo : Christian Ballard

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