À l’occasion de la sortie de leur album live, Mass Hysteria referme le chapitre Tenace. Entre salles pleines, communion avec le public et exigence du live, Sara les a rencontrés pour une discussion à cœur ouvert.
Sara – Vous venez de clore le cycle Tenace, deux albums sortis en 2023 et une tournée monumentale. Comment résumeriez-vous cette période, humainement et artistiquement ?
Jamie – Pour moi, c’était seulement ma deuxième vraie tournée avec Mass Hysteria. J’ai intégré le groupe en 2017, sur les vingt dernières dates de la tournée Matière Noire. Ensuite, il y a eu Maniac, qui s’est super bien passé, mais Tenace… c’est encore d’un autre calibre.
On a senti quelque chose de vraiment différent : des salles pleines, oui, mais surtout un public qui est là pour nous. C’est ça la nuance : pas juste des salles remplies, mais des gens vraiment excités, investis, qui connaissent tout, anciens comme nouveaux morceaux.
Et puis cette nouvelle génération : des gamins de 14–15 ans devant, qui connaissent les paroles du premier comme du dernier album. Pour un groupe qui a trente ans de carrière, c’est fou.
Fred – Le travail sur Tenace, c’est toujours un processus sur trois ans pour nous. Mais cette fois, il s’est passé quelque chose : on s’est retrouvés avec vingt morceaux finalisés.
C’était trop. Trop intense, trop massif.
On s’est dit : OK, si nous on sature, comment vont faire les auditeurs ?
D’où l’idée d’une sortie en deux parties, comme des saisons de série.
Dès le premier concert à Aix-en-Provence — 1 500 personnes — on a senti une énergie différente.
Et pourtant, on n’a ni radio, ni télé, ni gros médias. On fait juste ce qu’on a toujours fait. Pourquoi ça a explosé ? Aucune idée. Mais ça a explosé.
Sara – Le titre Va et Soli (« malheur à celui qui est seul ») semble faire écho à la communion entre vous et le public. Est-ce une sorte d’hommage ?
Fred – Pour en parler vraiment, il faudrait Mouss. C’est sa punchline. Mais oui, ça renvoie à la dimension collective qu’on vit avec le public depuis des années.
C’est pour ça que l’album live du Hellfest s’appelle Va et Soli, même si le morceau n’y est pas. Au Hellfest, on n’avait que 55 minutes, il fallait faire des choix.
Sara – Vous avez joué sur la Mainstage du Hellfest, juste avant Metallica. Pour un groupe français, ça représente quoi ?
Fred – Jouer au Hellfest, c’est énorme. Jouer à 21 h, encore autre chose.
Jouer avant Metallica, c’est irréel. Metallica, c’est mes 13 ans, mes cassettes, mon adolescence.
Jamie – Techniquement, c’était fou aussi : le proscenium arrondi, le snake pit, leur scénographie millimétrée.
Au début, on pensait ne pas avoir le droit d’utiliser leur snake pit. Finalement, ils nous ont laissé le remplir avec nos fans. Incroyable cadeau.
Fred – Et leur équipe a été adorable. Une vraie bienveillance, ce qui est rare à ce niveau.
Sara – Le live est intense mais le son reste très clair. Comment avez-vous travaillé ça ?
Fred – Mixer un live, c’est peut-être le truc le plus difficile du métier.
L’énergie ressentie dans une salle ne sera jamais la même sur une barre de son ou un casque.
En live, il n’y a pas de deuxième prise. On ne triche pas : pas de playback (sauf les machines électroniques).
Jamie – J’ai vu Fred y passer des heures. Le résultat parle de lui-même.
Sara – Comment avez-vous choisi la setlist ?
Jamie – Une setlist, ce n’est pas juste des coups de cœur. Il faut penser :
– à l’impact
– aux enchaînements
– aux respirations
– aux accordages (on en a cinq)
– aux changements de guitare
– à la vidéo
– à la scénographie
C’est un boulot colossal.
Fred – Et chacun vit le live différemment : le batteur est isolé, la basse et la guitare n’entendent pas pareil, le frontman vit autre chose. D’où les divergences.
Sara – Jouer devant 60 000 personnes, ça donne encore le trac ?
Fred – Un peu de trac, c’est bien. Mais on sait le gérer. Raphaël stresse beaucoup, Jamie un peu, moi presque pas.
La vraie difficulté est physique : le souffle, l’intensité, rester musical, s’accorder, boire au bon moment… C’est plein d’automatismes.
Sara – Avez-vous des rituels avant un show ?
Jamie – Mouss se brosse les dents avant de monter sur scène. Toujours.
Rapha doit s’isoler et s’échauffer. Moi, rien de spécial.
Fred – Moi, c’est les vêtements et surtout le laçage des chaussures. Il doit être parfait, sinon tu peux ruiner un concert.
Sara – Une anecdote insolite ?
Fred – Une fois, un fan a coincé ses cheveux dans les mécaniques de ma guitare. On était littéralement attachés.
Jamie – Une femme m’a mis une main au cul… puis m’a appelé Nico, l’ancien guitariste. Moi je suis le bassiste. Malaise absolu (rires).
Sara – Si vous pouviez inviter un artiste, vivant ou mort ?
Jamie – Freddie Mercury, Dimebag Darrell, Kurt Cobain.
Fred – On rêvait de collaborations avec le rap français (NTM…). Un jour, JoeyStarr devait monter sur scène avec nous, mais un orage a tout annulé.
Sara – Merci pour cet échange généreux et sans filtre. On vous souhaite le meilleur pour la suite, et surtout beaucoup de bruit sur les routes.
