À l’occasion de la sortie de leur nouvel album Where Did All The Butterflies Go (paru le 5 septembre),
Sensation Rock a rencontré Beepus, bassiste du groupe américain Beauty School Dropout, qui a accepté
de répondre à toutes nos questions. Le quatuor californien, déjà repéré sur les routes aux côtés de blink-182
et Alkaline Trio, s’impose aujourd’hui comme l’une des figures du renouveau du rock.
Véritables bêtes de scène, ils marquent les esprits avec des shows survoltés et une identité musicale qui
bouscule les codes. Pour Sensation Rock, c’est donc Beepus qui nous a accordé cette interview, juste avant
de monter sur la scène du Backstage de Mill.
Le processus de création de cet album a été très différent pour nous. La dernière fois, avec Ready to Eat,
nous l’avons terminé en tournée en Europe, et nous avons vite réalisé que jongler entre tournée et
enregistrement à ce niveau était presque impossible. Nous avons donc pris la décision consciente de
prendre un an et demi pour écrire.
Au début de 2024, on s’est dit : « Concentrons-nous juste sur l’écriture d’un album. Pas de tournée, pas
de distractions — on fait ça à l’ancienne. » La première chanson qu’on a écrite, c’est Fever, et ce
morceau est devenu l’étincelle qui a façonné le reste de l’album. On cherchait vraiment qui on était en
tant que groupe — que signifie Beauty School Dropout ? Fever a ouvert cette porte. Chacun traversait
des épreuves personnelles, et après cinq ans ensemble, on avait l’impression d’être là-dedans depuis
beaucoup plus longtemps.
Cette fois, on voulait créer de l’art pour nous plutôt que pour plaire aux autres. Pendant cette année et
demie, on a écrit environ 100 chansons. Début 2025, on a rencontré le producteur légendaire Neal Avron
(Fall Out Boy, Linkin Park, Blink-182, Twenty-One Pilots). On ne l’avait jamais rencontré ni
travaillé avec lui avant, mais il a juste dit : « J’aime ce que vous faites, travaillons ensemble. » On a
passé trois mois à finaliser l’album avec lui, et maintenant, l’album est terminé.
SR : N’est-ce pas difficile de se mettre d’accord et d’écrire un album quand on est en groupe ?
BSD : On est tous très différents, mais on s’aime profondément. Chacun gère la tournée à sa manière.
Pour ma part, je préfère mettre toute mon énergie dans le live plutôt que de m’inquiéter de finir un
album sur la route. C’est exactement pour cette raison-là, que nous avons décidé de prendre le temps.
C’était la première fois que nous n’avions pas cette pression de sortir de la musique rapidement. C’est
aussi pour cela que nous sommes si fiers de cet album — il est personnel et profondément connecté à
nous. Colie écrit la plupart des paroles, mais il a aussi canalisé ce que chacun de nous vivait
individuellement et l’a intégré aux chansons.
SR : J’ai l’impression que cet album a été conçu pour le live.
BSD : Carrément. C’était voulu. Après tant de tournées, on savait déjà ce qui fonctionnait sur scène et
ce qui ne fonctionnait pas. Chaque fois qu’on écrivait un morceau, la question était : « Est-ce que ça va
marcher sur scène ? »
SR : Et c’est votre première tournée en tête d’affiche, non ?
BSD : En Europe, oui. Je suis tellement excité. Quand on était enfants, notre rêve c’était de jouer en
Europe — ça paraissait tellement loin à l’époque. Maintenant, on voyage dans le monde entier, on joue
on joue notre musique dans des pays où on ne pensait jamais aller, et on voit de plus en plus de monde
venir à nos concerts. C’est irréel, c’est comme vivre un rêve éveillé.
SR : Comment avez-vous choisi quelles chansons allaient ouvrir l’album ?
BSD : Drôle de hasard, On Your Lips a été le dernier morceau écrit, mais il est devenu le premier single.
Fever était le premier morceau écrit et il est sorti en deuxième. Ça symbolise bien le chemin qu’on a
parcouru pour créer l’album. Les deux chansons sont très différentes, mais elles montrent les deux
facettes de l’album. On a puisé notre inspiration dans des directions différente. En fin de compte, c’est
la musique qui te dit ce qu’elle veut faire.
SR : Cet album montre une évolution et de l’expérimentation dans votre son. Avec du recul,
qu’est-ce qui a le plus changé depuis votre première sortie ?
BSD : On a enfin compris qui on est — individuellement et comme groupe. Sur cet album, on entend
des morceaux de chacun : nos inspirations personnelles et collectives. C’est pour ça que ça sonne unique.
Chaque auditeur peut reconnaître quelque chose de familier, mais dans l’ensemble, BSD ne ressemble
à personne d’autre.
SR : Quand vous écrivez une chanson, commencez-vous par le son, la mélodie, les paroles ou le
feeling ?
BSD : Colie écrit la plupart des paroles, mais musicalement c’est un effort collectif. Celui qui a la
meilleure idée du jour, on la suit. Aucun de nous n’est possessif avec son instrument — je peux prendre
la guitare, Bardo joue de la basse, d’ailleurs Colie est aussi un incroyable guitariste. Sur certaines
chansons de l’album, j’ai joué presque de tous les instruments sauf la batterie. Sur d’autres, je n’ai même
pas touché à ma basse. Tout est une question d’excitation — entendre ce que chacun apporte avec son
propre style.
SR : Si vous deviez décrire cet album en trois mots pour quelqu’un qui ne l’a pas encore
entendu, quels seraient-ils ? Et quelles sont vos chansons préférées ?
BSD : Rapide, énergique et sexy. Personnellement, mon titre préféré c’est Fever, car c’est là que tout a
commencé et j’en suis vraiment fier. En tant que groupe, on est tous d’accord sur Madonna. Oh, et
City Never Sleeps est aussi dans nos favoris.
SR : Votre énergie sur scène est explosive. Que se passe-t-il dans votre tête au moment où vous
montez sur scène et que la musique démarre ?
BSD : Honnêtement, c’est comme un blackout — je me perds complètement. Il y a beaucoup d’anxiété
avant le show, pas parce qu’on est nerveux, mais parce qu’on est tellement excités de monter sur scène.
Je crois vraiment que nous sommes nés pour ça. L’énergie, c’est comme une drogue.
Voir l’effet de notre musique sur les gens et s’alimenter de leur énergie, c’est incroyable. On adore le
mosh — le rock apporte quelque chose d’unique au live, qu’aucun autre genre ne peut donner. Ça rend
les gens vivants.
SR : Le rock a toujours été associé à la rébellion et à l’amitié. Que signifie être dans un groupe
aujourd’hui ?
BSD : Pour nous, c’est la liberté — être soi-même. Quand nous étions enfants, nous nous sentions
connectés à des groupes qui parlaient à nos émotions, qu’elles soient de colère ou de tristesse. Il y avait
toujours une chanson rock qui résonnait. Le rock, c’est la communauté et l’amitié. Beaucoup de fans
nous disent qu’ils se sont fait des amis à nos concerts. Voir des inconnus se rencontrer après un concert
puis revenir ensemble au suivant — c’est génial.
SR : Beaucoup parlent d’un “revival du rock” ces dernières années. Pourquoi, selon vous, le
rock a-t-il encore autant d’impact aujourd’hui, et comment vous situez-vous dans ce
mouvement ? Quels artistes vous inspirent — comme YUNGBLUD ou JXDN, qui n’ont pas peur
de briser les règles ?
BSD : Les genres vont et viennent, et en ce moment le rock revient fort. Des artistes comme MGK,
YUNGBLUD et JXDN ont vraiment repoussé les limites. Pour nous, les plus grandes inspirations
viennent des années 90 et début 2000 : Nirvana, The Cure, The Killers, Depeche Mode, Mötley Crüe.
Mais aussi des groupes plus lourds. Colie adore Loathe, moi j’adore Kings of Leon. On aime les
grandes chansons. Une grande chanson rock, c’est celle que tu cries avec 20 000 personnes à pleins
poumons.
SR : Comment percevez-vous la scène rock en France par rapport au reste du monde ?
BSD : Je ne connais pas encore beaucoup la scène française, mais j’adore Gojira — ils sont iconiques,
et leur performance aux Jeux Olympiques était incroyable. Mon groupe français préféré en ce moment,
c’est Landmvrks. Je les classerais dans le post-hardcore, et ils apportent quelque chose de neuf à un
genre qui peut souvent sembler répétitif. Nous sommes tous fans — obsédés, honnêtement.
SR : Votre nom, “Beauty School Dropout”, est marquant. Qu’est-ce qui vous a inspiré, et que
dit-il de votre identité ?
BSD : Colie a vu le nom au dos d’un magazine après un voyage en Australie. On aime tous Grease
depuis l’enfance, et bien sûr, c’est de là que vient l’expression. Le voir écrit ainsi l’a touché — c’est
doux mais aussi fort. On croit qu’il y a de la beauté à abandonner. C’est un nom pour les marginaux,
pour ceux qui refusent de se conformer. C’est ce que Beauty School Dropout représente. Depuis qu’on
est un groupe, c’est le seul nom qu’on a eu. Et puis, on adore notre acronyme : BSD.
SR : Vous avez beaucoup tourné, notamment avec blink-182 et Alkaline Trio. Comment le live
influence-t-il votre approche en studio ?
BSD : Pour cet album, nous avons fait un effort énorme pour capturer l’énergie du live dans les
enregistrements. Vrais amplis, batterie live — tout est plus brut. Avant, le live et les albums semblaient
différents. Maintenant, on a rapproché les deux, parce que rien ne vaut le live.
SR : Imaginez Beauty School Dropout comme une équipe de super-héros. Quels seraient les
pouvoirs de chacun ?
Moi, je prendrais l’invisibilité — pour me faufiler et être espiègle. Colton aurait une force surhumaine.
Bardo serait télépathe. Et Colie… il se transformerait en pigeon. Il adore les pigeons.
SR : Pourquoi les pigeons ?
BSD : Il dit qu’ils sont incompris.
SR : Si vous deviez échanger vos rôles sur scène pendant un concert, qui jouerait quoi ?
BSD : Je prendrais la batterie, Colie la guitare, Colton chanterait, et Bardo serait à la basse.
SR : Merci pour votre temps. Le nouvel album “Where Did All the Butterflies Go” est disponible!
Allez l’écouter !