La 32ème édition des Eurockéennes, la première en mode post covid, restera marquée par le terrible orage de jeudi occasionnant quelques blessés parmi les festivaliers présents, heureusement sans gravité, et d’importants dégâts matériels amenant l’annulation des deux premiers jours. Porté par le courage et l’abnégation extraordinaires des responsables, techniciens et bénévoles, le site peut enfin ouvrir au public ce samedi 2 juillet sous un soleil radieux et une folle envie de décibels.
SAMEDI
A 16 heures, c’est la foule des grands jours devant les grilles de contrôle avant de retrouver ce sol où sont immergés tant de souvenirs et d’émotions. La journée sera annoncée sold-out à l’instar du dimanche. La chaleur, l’excitation ou les déguisements atypiques sont autant de marqueurs partagés par le plus grand nombre de festivaliers particulièrement impatients, faisant oublier les petits couacs du cashless et autres menues déconvenues, nous faisant profiter de la fin du concert de Wu-Lu depuis les portes d’entrée.
En fin d’après midi, le groupe français Frustration prend possession de la Loggia. Depuis près de 20 ans, les musiciens dispensent un son oscillant entre rock, new wave et post punk nous plongeant avec délice dans l’ambiance anglaise de la toute fin des seventies. Excess joué ce soir en étant la plus belle démonstration. Très engagé politiquement, dénonçant une actualité souvent cynique et dramatique, ils jouent sans temps mort un répertoire riche le tout à un rythme très soutenu, à l’instar de l’excellent Too many questions, particulièrement taillé pour ce type de festival. Une prestation très solide de la part d’un groupe de qualité doté d’une solide réputation, permettant aux amateurs de rock de passer un moment très agréable, après avoir appris l’absence des Foals pour des raisons logistiques.
Eux étaient attendus. Comme les régionaux de l’étape d’abord, et pour leur énergie. Les Last Train n’ont pas déçu. Mieux même, ils n’en finissent pas de nous surprendre. D’abord en entonnant de nouveaux titres qui sont largement au niveau de leurs anciennes compos. Ensuite, en proposant une version toute en guitares de How Did We Get There, dont la version originale débute au piano, s’enrichit d’un philharmonique, passe par des extrêmes de douceur et de tension, et provoque une savoureuse ellipse temporelle de 20 minutes. On s’était demandés s’ils allaient la jouer devant un public conquis et chaud bouillant, ils l’ont magistralement réarrangée.
Que dire de ce quatuor qui n’a pas déjà été écrit ? Ils sont bons, très bons même. Ils sont unis, en osmose complète. Ils sont généreux, tant sur scène qu’en dehors (n’est-ce pas Émilie ?), ils sont abordables et souriants.
Nous avons, toute l’équipe de Sensation Rock présente, ressenti leur joie d’être sur la Grande Scène. Nous avons également pu ressentir combien ce concert les a marqués. Ils semblaient vidés à leur sortie de scène, après un Big Picture d’anthologie, où Jean-Noël a marché sur la foule comme il sait si bien le faire, et où Antoine a perdu son charley, mais a largement compensé cette absence à la ride. Tim n’était pas en reste, remerciant avec humilié le public. Quant à Julien, il a comme à son habitude franchi le seuil d’un monde parallèle que lui seul semble capable d’atteindre.
Rien que pour ça, merci aux Eurocks d’avoir relevé la tête suite aux avaries précédentes, merci aux bénévoles qui ont travaillé d’arrache-pied pour que cela soit possible, et merci aux Last Train d’avoir égayé notre festival qui ne demandait qu’à ressusciter.
On pourrait croire cette édition maudite et portée par la poisse, mais c’est sans compter avec la joyeuse fanfare techno allemande de Meute qui pu s’installer sur la grande scène vers 20h30. La dizaine de musiciens, impeccablement habillés et affublés de leurs percussions et cuivres, passent difficilement inaperçus en cette belle soirée estivale. Depuis 2015, le groupe reprend avec leurs arrangements des titres essentiellement house et techno, éloignant le spectateur de l’univers du DJ tout en étant particulièrement expressif et symphonique. Le résultat est remarquable : les festivaliers ont pu reconnaître le Get Lucky de Daft Punk ou bien le fameux The man with the red face de Laurent Garnier, après un détour dans l’univers musical de Faithless. Entre curiosité et audace, tout en profitant de la répartition forcée des scènes, c’est un pari plutôt réussi de la part des organisateurs.
Autre artiste néophyte dans la longue histoire des Eurockéennes, Izia s‘installe sur la scène de la Greenroom avec une énergie et une détermination particulièrement communicatives. Très proche du public, souriante, remerciant l’ensemble de l’équipe du festival pour le travail de dingue accompli au cours des dernières 48 heures, la jeune femme se délivre également à l’occasion de cette soirée. Distillant ses titres électro pop en français, comme La Vague et Sous les Pavés, elle se lance entre deux titres dans des monologues touchants sur le sens de la vie ou l’absence de son père Jacques Higelin, décédé en 2018 mais présent à la toute première édition de ce même festival. Très applaudie durant sa prestation, Izia avec son engagement total et sensuel nous rappelait en quoi cette pause forcée de trois ans avait été pour nous tous un manque terrible et répondait à un besoin urgent. Juste celui de sautiller, se s’amuser, de profiter ; le reste, Izia le chante dans son titre La Vitesse clôturant son set : « j’en ai rien à foutre ». Pas mieux.
Vers 22h45 débute l’un des concerts les plus attendus, celui des Écossais de Simple Minds. En tournée pour célébrer leurs 40 ans, le groupe s’est renforcé depuis quelques années par deux musiciennes (Bérénice Scott aux claviers et la formidable Cherisse Osei à la batterie). Les sexagénaires historiques Jim Kerr et Charlie Burchill démarrent tambour battant avec Act of Love, et des titres annoncés comme happy tel Waterfront. Jim relance fréquemment le public pour agiter les mains dans une attitude assez eighties (dixit mon voisin de concert), l’ensemble demeure très pro, clairement rock et dans une ambiance résolument cool et feel good. Des quinquagénaires heureux ont pu savourer Mandela Day ou Belfast Child, qui portent des thématiques forcément datées mais qui demeurent marquantes. C’est surtout avec les trois dernières madeleines de Proust que le plaisir va être décuplé. D’abord avec le toujours efficace See the lights, démontrant que le groupe est un véritable orfèvre de belles mélodies rock. Ensuite, l’intemporel Don’t You, chanté avec le public reprenant les fameux « lalalalala », rallongé jusqu’à l’excès pour prolonger un plaisir coupable et une sensation de bien être. L’iconique Alive and kicking referme une belle performance, ravissant toutes les générations présentes, tout en offrant de belles émotions musicales 25 ans après la première venue de ce groupe au Malsaucy.
Une deuxième soirée baptisée Eurotronik débutait après minuit, où chaque scène à l’exception du chapiteau se transforme en dancefloor grâce entre autre à Paloma Colombe, Paula Temple puis Paul Kalkbrenner. Le samedi devenu par la force des choses le premier jour du festival, la foule demeure encore très nombreuse là.
DIMANCHE
Quant à la seconde journée réelle (officieusement la 4ème, vous suivez ? Allons, ce n’est pas plus compliqué que la saga Star Wars), elle a vu Declan McKenna ouvrir pour les extrêmement attendus Muse.
Declan McKenna a dispensé une pop légère et énergique, avec en point d’orgue l’excellent Born To Be An Astronaut, titre largement diffusé dans Sensation Rock !
Muse, enfin. Une énorme machine, une énorme scénographie, immortalisée notamment par Ben et Eric. Musicalement cependant, on pourra leur reprocher un certain manque de liberté par rapport aux titres maintes fois diffusés en radio. Mais ils restent bien évidemment un groupe qu’on peut aller voir sans être déçu, rien que pour le plaisir de vivre un concert parmi d’autres personnes.
Malgré les coups du sort, les aléas météorologiques, les modifications de dernière minute et l’inquiétude liée au covid, il est bon par la musique de rappeler que le festival est après un tiers de siècle d’existence « en vie et en pleine forme ».
Rédacteurs : Julien Lagalice / Thomas Schibler /Emilie Babé
Crédits photo : Benoît Gilbert
Remerciements : Sensation Rock, les Eurockéennes