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PETER KERNEL + ROUGE SAGAN, vendredi 1 juin, L’Antonnoir, Besançon (25)

C’est une affiche particulièrement qualitative et pleine de promesses qui était proposée à L’Antonnoir ce premier jour du mois de juin. L’annonce de la venue du groupe helvète Peter Kernel avait été faite au début du mois dernier, comblant ainsi de joie les fans de leur punk rock arty diaboliquement efficace. En guise d’introduction, c’est la formation locale Rouge Sagan qui a assurée la première partie. Une soirée marquée par des rythmiques caverneuses et des mélodies ensorcelantes.     

 

En cette fin de semaine printanière, nombreuses sont les personnes à avoir remarqué les affiches placardées un peu partout dans la ville et annonçant la venue d’un groupe méconnu du grand public mais bénéficiant néanmoins d’une certaine réputation dans le milieu du rock indé. Le rock indé, le vrai. Ce groupe, qui a frappé fort il y a dix ans avec le très recommandable How to Perform a Funeral, c’est Peter Kernel. Une formation qui nous vient tout droit de Suisse s’articulant autour du noyau canado-helvète composé d’Aris Bassetti et de Barbara Lehnoff. Une douceur brute et noise offerte par L’Antonnoir un vendredi soir.

 

Pour débuter la soirée, c’est le duo bisontin masculin et féminin Rouge Sagan qui prend les commandes. La foule encore légère, se remplit progressivement. Il est 21h30 lorsque les deux musiciens, vêtus de longs manteaux, montent sur scène. Le dispositif musical est on ne peut plus simple : un clavier, une guitare, une boîte à rythmes, des micros, des samples et de bonnes idées. C’est ainsi que pendant près de 50 minutes, le tandem distille une musique sombre et mélodieuse où le post-punk des Cure de Pornography rencontre le one-man band parisien de Jessica93. Inspirée de la new wave musicale mais aussi de la Nouvelle Vague cinématographique, le groupe parsème ses compositions lentes (Jack Kerouac against stock exchange en tête) de samples soigneusement choisis. À l’aide d’un combo voix/synthé envoûtant et d’une guitare menaçante, Rouge Sagan aura, le temps d’un instant, « réchauffé » la froideur glaciale propre à la cold wave. Et ça tombe bien, puisque c’est là toute l’ambition du groupe.

 

C’est face à un public bien garni que Peter Kernel démarre son set sur les coups de 23h. Les deux compères, accompagnés d’un batteur, donne le ton avec Men of the Women, un des morceaux phares de leur dernier album The Size of the Night sorti en mars dernier. Assis sur une section rythmique alternant les moments « heurtés » comme les moments « entrainants », la basse bourdonnante de Barbara et la guitare aiguisée d’Aris se complètent parfaitement. La production de leurs compositions n’est d’ailleurs pas sans rappeler les travaux d’un certain Steve Albini. Concernant la section vocale, le chant perçant de la bassiste va droit au but et ne ménage personne. Les choeurs ensorcellent la foule, ajoutant une épaisseur chamanique au spectacle.

 

La plupart des quatre albums de la formation sont abordés pour le plus grand plaisir des connaisseurs et des curieux venus en nombre. D’ailleurs, quand retentissent les premières notes de I’ll Die Rich at your Funeral tiré du très bon White Death & Black Heart, la foule ne s’y trompe pas, elle a bien en face d’elle un « orchestre » développant avec talent des titres mélodieux aux aspects mélancoliques et sauvages. Une démarche qui n’est d’ailleurs pas étrangère à celle proposée par des formations telles que BRNS ou encore Ropoporose. Là où certains retrouveront des relents de PJ Harvey, d’autres reconnaîtront d’évidentes influences du Sonic Youth de Kim Gordon et de Thurston Moore. Une influence, pourtant, que le groupe réfute plus ou moins.

Le concert se termine avec le populaire High Fever, un morceau percutant et furieux mêlant post-punk et art-rock, la marque de fabrique complexe du groupe.

La communication est totale, les deux leaders n’hésitant pas à échanger avec le public pendant un set (beaucoup trop court) d’une heure. Pour preuve, le rappel de deux titres enclenché par le récent There’s Nothing Like You. Sur ce dernier, après avoir distribuer quelques percussions dans la foule, le groupe invite trois personnes du public à venir partager la scène avec lui. L’alchimie opère et Peter Kernel démontre que même derrière une musique d’apparence sombre se dissimule toujours une once de lumière. Illustration parfaite du caractère ambivalent de leurs compositions.          

 

Texte et photos Hugo COUILLARD

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