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INTERVIEW : MY LADY’S HOUSE

Suite à la sortie de leur dernier album le 14 janvier 2017, les bisontins de My Lady’s House ont eu la gentillesse  de répondre aux questions de SensationRock. Inspiré de l’histoire et de la culture du pays de l’Oncle Sam , Far East nous replonge morceau après morceau dans les États-Unis de la fin du XIXème siècle. Épuré, sincère et intime, on peut dire que ce nouvel opus ( dont la chronique est consultable ici ) gagne son pari haut la main. Allez, il est temps d’en savoir plus à son sujet !

 

SensationRock : L’album Far East puise manifestement son univers dans l’imaginaire culturel américain. Quelles sont les références cinématographiques et musicales qui composent cet univers ?

Guillaume ( voix, guitares ) : Une fois l’album terminé, beaucoup de gens nous ont fait cette même remarque, à savoir que l’album avait un côté très cinématographique. Effectivement, et même si les morceaux n’ont pas été composés avec cette idée en tête, les musiques de
Far East seraient tout à fait susceptibles de faire partie de BO ; l’une de celles-ci a d’ailleurs illustré le dernier Rendez-vous en Terre inconnue avec Christiana Reali.
S’il fallait une référence cinématographique, dans l’esprit, l’ensemble du disque pourrait être apparenté au film Dead Man de Jim Jarmusch ( 1995 ) – dont la BO avait été signée Neil Young – en particulier les morceaux très ambiants joués à la Jazzmaster et son vibrato légendaire !
Ces derniers temps, musicalement, j’ai tout particulièrement apprécié le duo folk américain The Milk Carton Kids, un petit bijou aussi fin et brillant sur scène que sur album. On peut les entendre sur la BO – décidément – du film Inside Llewyn Davis des frères Cohen.

Simon ( voix, guitare ) : Les classiques Bob Dylan, Johnny Cash, Neil Young, Elliott Smith, Nick Drake, Simon & Garfunkel, Richmond Fontaine…sont toujours les références. Les B.O. de film, c’est un truc que j’adore depuis gamin. Je repense aux vinyles de Morricone que j’écoutais à cette époque…Ça fait plaisir quand on nous dit que nos morceaux sonnent cinématographique. Tout l’univers autour de Nick Cave ( scénarios, musiques, films… ) me plait beaucoup. Dans un autre style, celui de Wes Anderson. Pendant la composition et l’enregistrement de Far East, j’ai été marqué par le disque instrumental réalisé par Willy Vlautin et Paul Brainard de Richmond Fontaine ( c’est en fait la bande-son du second roman de Vlautin, ”Northline’ ‘), le deuxième album de l’Australienne Tiny Ruins, un folk feutré avec des sonorités presque jazz, The Bunkhouse Vol. 1 : Anchor Black Tattoo de Fionn Regan, un Irlandais habitué du home recording.

SensationRock : Votre précédent album Northern Lights racontait l’histoire du personnage fictif Anna-Lee. Pouvez-vous nous expliquer le concept de ce nouvel l’album ?

Guillaume  : Ce nouvel album a pour trame de fond les Etats-Unis de la fin du XIXe, à l’époque de la Guerre de Sécession. Les morceaux racontent des moments de vie d’hommes ou de femmes touchés de près ou de loin par ce conflit. On retrouve ainsi un indien Creek perdu sur un champ de bataille ( Tomahawk ), d’anciens soldats devenus chasseurs de bisons ( Sharpshooters ), un autre envoyé en prison une fois la guerre terminée ( Caged in at the Castle ), un couple séparé par les événements ( Join the Army ), etc.

Simon : Un titre comme Take It or Leave It fait quant à lui référence au couple que forment Anna-Lee et l’homme qu’elle rencontre à la fin de Northern Lights.

SensationRock : On compte plusieurs titres instrumentaux dans Far East. Quel rôle attribuez-vous à ce type de composition dans l’album ?

Guillaume  : Concernant les instrumentaux, l’idée ici a été de laisser l’album respirer tout en préservant et si possible en approfondissant l’atmosphère générale que l’on voulait lui donner. In the Electric Mist par exemple ( morceau qui ouvre l’album ), propulse celui ou celle qui écoute le disque directement sur les lieux et au moment où se déroule l’action… Richmond Fontaine, groupe américain que nous apprécions tout particulièrement, est coutumier du fait. L’efficacité est indéniable et apporte, selon moi, une sincérité, une cohérence à un album, autre qu’un simple enchaînement de morceaux. Cela faisait déjà quelques temps que l’idée de travailler sur des musiques seules, qui se suffiraient à elles-mêmes nous titillait, c’est chose faite désormais !

Simon : Je trouve que l’instrumental en lui-même permet à chaque auditeur de s’imaginer un lieu, une ambiance, etc. C’était vraiment bien de travailler là-dessus, d’offrir plusieurs possibilités d’interprétation.

SensationRock : Hormis dans The Cut et Caged In At The Castle, les percussions sont absentes dans Far East. Comment expliquez-vous ce choix ?

Guillaume  : Les percussions sont en effet très peu présentes dans Far East. Hormis les deux morceaux que tu as cités où le travail de Christophe apporte beaucoup, je voulais donner un côté très acoustique et très simple à l’album comme une sorte de retour aux sources, vers un folk épuré, le plus sincère possible et dénué de tout artifice.

SensationRock : Dans You, on a Picture, à la fin du titre, on peut entendre la voix d’une petite fille disant « Ok, ok I’m gonna stay for a while », à qui appartient-elle ?

Guillaume  : La petite voix féminine à la fin est celle de ma fille Apolline à qui la chanson est dédiée…

SensationRock : Vous avez un travail en parallèle de votre carrière musicale. Quel impact cela a-t-il sur votre musique ?


Guillaume  : Mon « autre » travail me permet d’évoluer dans un autre univers que celui de la musique, de rencontrer et côtoyer des personnes étrangères à celui de la musique. L’exclusivité d’une activité – aussi enrichissante soit-elle – m’a toujours semblé quelque peu sclérosante…

Simon : Je baigne continuellement dans la musique puisque je suis disquaire. Ca me permet déjà de découvrir pas mal d’artistes, qui peuvent éventuellement m’inspirer. C’est comme ça que j’ai découvert Milk Carton Kids, d’ailleurs. Ce travail me donne aussi quelque part une vision d’ensemble du truc, ce qui permet de relativiser pour pas mal de choses…

SensationRock : Vous qualifiez vous-même votre production musicale d’ « artisanale ». Vous avez d’ailleurs enregistré Far East en home studio. Quelles sont les avantages et les inconvénients de ce système ?

Guillaume  : Après avoir enregistré plusieurs albums en studio, l’envie d’en concocter un à la maison se faisait de plus en plus pressante. Cet album n’aurait pas pu se faire ailleurs… L’atmosphère du disque a d’ailleurs en grande partie été déterminée par la façon dont les morceaux ont été mis en boîte. Habituellement, je travaillais une démo. Nous la jouions avec le groupe ( en répétition ou en concert ) puis nous partions enregistrer en studio. Cheminement classique. Or, avec quelques années de recul maintenant, je peux dire que – pour notre musique tout au moins – j’ai bien souvent trouvé davantage de charme à la démo qu’à la version définitive enregistrée en studio et ce malgré toutes les imperfections techniques de celle-ci… Cette fois, j’ai donc voulu livrer les morceaux « bruts », dans leur gangue originelle, quand l’émotion prime encore sur le reste.

Simon : Cette façon de travailler nous a également permis d’être réactifs sur les idées d’arrangements ou d’instruments. On pouvait tester une idée très rapidement. On a donc eu une certaine liberté par rapport au studio où tu as parfois tendance à regarder le compteur tourner et à essayer d’être efficace tout de suite.

SensationRock : Dans cet album, l’enregistrement, tout comme le mixage, donne une sensation indéniable de proximité lorsqu’on écoute vos titres. Et cela se ressent dès le premier morceau In the Electric Mist, où l’on perçoit très nettement les slides sur le manche de la guitare tout au long du morceau. On aurait presque l’impression d’être au coin du feu avec vous. D’où vient cette volonté de donner à l’album cette ambiance si intimiste ?

Guillaume  : La proximité avec l’auditeur est en effet immédiate puisque les imperfections, celles du jeu, un plancher qui craque, les pas d’un enfant ou nos propres respirations, sont conservées. L’idée est de préserver tout ce qui sert l’émotion. J’avais par exemple enregistré le morceau Pale Harvest sur une vieille Gibson, un soir, très tard – techniquement mal enregistré… Quelques jours plus tard, j’ai essayé de reprendre les erreurs techniques : la guitare avait bougé, je ne retrouvais plus le son des jours précédents ni l’acoustique de la pièce, ni le feeling… Techniquement cette nouvelle version était meilleure mais l’émotion n’y était plus. Nous avons finalement laissé tomber cette dernière et conservé l’enregistrement originel tel quel (avec un petit décrassage tout de même réalisé au moment du mixage par François du Wild Horse studio). C’est la première version qui véhiculait le plus d’émotion donc qui était la bonne pour le disque.

Enregistrer à la maison te permet de prendre le temps, de choisir le moment où tu « sens » le morceau… L’inconvénient est que le travail de mixage peut parfois être plus compliqué à gérer…

SensationRock : Lorsqu’on a vu la première saison de la série True Detective avec Matthew McConaughey, il est difficile de s’empêcher de faire le rapprochement entre votre titre Tomahawk, et le générique composé par The Handsome Family. Rêvez-vous d’avoir un jour la possibilité de mettre votre musique au service d’un générique, voire d’une B.O. entière d’un film ou d’une série ?

Simon : Merci pour la comparaison, on la prend comme un compliment ! En effet, cette série est excellente – le scénario, les acteurs – et la B.O. est géniale. Bob Dylan, Alexandra Savior, Father John Misty, Lera Lynn…Oui, c’est un rêve de réaliser un jour une B.O. Certains de nos titres font déjà un peu ce job dans les bandes-son de RDV en Terre Inconnue ou pour d’autres émissions de télé, l’ambiance pesante en moins. Mais travailler sur des images, c’est un vrai challenge et un truc cool à faire, je crois !

Guillaume  : J’ai beaucoup aimé cette série. L’excellent générique sonne plutôt mexicain, non ? Mais effectivement, ces atmosphères particulières aux sonorités western ou proches de la frontière font partie de notre univers musical. Si Nic Pizzolatto et Cary Fukunaga avaient la bonne idée d’écouter Far East – on peut rêver – les morceaux seraient à leur entière disposition ! Et pour être sincère, même si j’aime toujours beaucoup jouer notre musique en concert, le travail d’écriture et de composition est celui que je préfère par-dessus tout, celui où le temps s’arrête…

SensationRock : Comment va se dérouler l’année 2017 pour My Lady’s House ?

Simon : Quelques concerts prévus, à Besançon notamment. On recherche également des gens susceptibles de nous accueillir dans leur salon pour un concert. Avis aux amateurs, donc !

Retrouvez My Lady’s House sur leur Bandcamp, Facebook et Instagram !

 

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