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LIVE-REPORT : EUROCKÉENNES, Vendredi 3 juillet 2015, lac de Malsaucy, Belfort (90)

Habituellement, le départ aux Eurocks nécessite une check-list particulièrement élaborée, digne des meilleures expéditions en nature sauvage :

vêtements adaptés aux amplitudes thermiques extrêmes (du bikini à la plus épaisse polaire de votre garde-robe), chaussures rompues aux activités les plus spectaculaires (et surtout que vous n’avez pas l’intention de remettre au mariage de votre cousin la semaine prochaine…), vêtements de pluie quel qu’il soit (du ciré breton au sac poubelle, du moment qu’il protège de plusieurs litres d’eau à la fois), lampe de poche, réserve de boisson et de nourriture, boussole et j’en passe et des meilleurs…

Cette année, la confection du sac des Eurocks a été beaucoup plus simple à faire : le moins de vêtement possible, chapeau, lunettes de soleil et bouteille d’eau ! A dire vrai, exactement le genre de valise que l’on prépare pour des vacances en bord de mer. Les Eurockéennes de Belfort comme résidence de villégiature estivale ? Et pourquoi pas ? Après tout, ces 3 jours de festival s’installent au beau milieu de la station balnéaire du lac de Malsaucy. D’ailleurs, en ce jour de départ en grandes vacances, tout avait pris un air vaguement méridional, à commencer pas le thermomètre!

Sur mon vélo, sous l’ombre épaisse des frondaisons, j’ai une pensée émue pour les vacanc…pardon, festivaliers qui se sont installés au camping alors que l’on frôle les 40°C à l’ombre (quand il y en a !). Pour moi et les autres cyclistes, le trajet se fait paisiblement au milieu des effluves de tilleul et de jasmin, rafraîchis par le bruit des clapotis de la Savoureuse : un peu de paradis avant les flammes de l’enfer !

Vélo attaché, pass récupéré, c’est sans attendre (heureusement car sinon je cuis !) que je me rends sur la grande scène, où St. Paul & The Broken Bones ont déjà commencé à jouer. La soul puriste du groupe originaire de L’Alabama passe toute seule, et se savoure comme un apéritif (avec des glaçons SVP !). Les performances vocales de Paul Janeway nous transportent directement du côté de la Nouvelle Orléans. Bien que dépenaillé et dégoulinant, le chanteur (presque un performer dans de telles conditions) ne s’en exprime pas moins avec chaleur et passion, dans un répertoire classique mais réjouissant. Il est entouré d’un orchestre tiré aux 4 épingles mais sans chichi, tout aussi bien d’un point de vue vestimentaire que sonore. Les envolées rocailleuses et lyriques emportent un parterre qui montre des retours enthousiastes et chaleureux (comme si ce n’était déjà pas suffisant !). Alors que Paul Janeway se retrouve régulièrement à ramper sur scène sans qu’on sache exactement où commence le jeu et quand s’arrête la liquéfaction de l’homme.

Contrairement à d’habitude, difficile de courir d’une scène à l’autre. A 19h, la chaleur reste écrasante. Les points d’eau sont au moins autant pris d’assaut que les points d’ombre qui restent malheureusement trop peu nombreux. La pause s’impose. L’occasion de passer à proximité des brumisateurs de fortunes (un ventilateur + un jet d’eau) installés ça et là et au pied desquels se constitue peu à peu une mare de boue (Et oui ! Des Eurocks sans un peu de boue ne sont pas de vraies Eurocks !).

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Bref, il est déjà temps de retourner sur la grande scène pour aller voir les anglais de Royal Blood. Dans une veine plus grave et avec une noirceur presque gothique, l’énergie du duo guitare-basse/batterie respectivement formé par Mike Kerr et Ben Thatcher me renvoie malgré tout aux White Stripes, dans un style très différent, et surtout à leurs compatriotes des Black Keys (notamment dans la gestion un peu old school des intermèdes). Bien qu’un peu inégal à mon goût, le set me laisse néanmoins la sensation d’avoir eu les oreilles bien remuées ! A noter l’attention délicate du batteur qui n’hésite pas à faire le déplacement du côté de la plate-forme des PMR pour y laisser ses baguettes : sympa !).

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C’est en tous cas toujours dans un état de semi-léthargie que je finis mon sandwich en attendant l’arrivé de Ben Harper & The Innocent Criminals. Léthargique est d’ailleurs le terme qui qualifie assez bien l’état du public venu en masse. Le set blues est bien mené mais il me laisse un sentiment de frustration. Ben Harper fait le boulot mais semble étrangement distant même lorsqu’il s’exprime aux festivaliers. Aurait-il lui aussi été atteint du syndrome caniculaire ? Du coup, le public se dissipe assez vite : ça circule, ça boit, ça s’arrose, ça converse, on dirait une bande d’écoliers juste avant la sonnerie ! En revanche, The Innocent Criminals semblent plus investis, avec une mention particulière pour un percussionniste largement plébiscité au cours du concert et doté d’un incroyable donc d’ubiquité sur scène. Les 90 minutes passent assez vite au demeurant et se concluent sur une formidable version de Amen Omen, un des rares standards repris dans le set.

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Si le moment passé avec Ben a permis à la température ambiante de redescendre quelque peu, le concert de Skip The Use & Friends, toujours sur la grande scène, va faire exploser le mercure. Ce n’est pas la 1ère du groupe aux Eurocks et, appréciés ou pas, leur passage n’était pas passé inaperçu. Mat Bastard, déjanté sur scène, fait décoller le parterre dès le début. De l’endroit où je suis, les effets de foule créent des mouvements de marée sublimes et irrépressibles. Les festivaliers puisent dans leurs ressources déjà bien entamées pour suivre les interactions dynamiques bien rodées auxquels ils répondent instantanément. Le son est à la hauteur des talents de GO du leader et des cinq anciens membres du groupe de punk Carving. L’électro-rock est rageuse, se teintant aux influences des différents invités : acoustique avec HF Thiéfaine et sa fille du coupeur de joint que le parterre chante à tue-tête, explosif avec Hollysiz (vous parlerais-je de Cécile Cassel et de son mini short en lamé argenté ?) qui font à chaque fois une apparition minutée mais ovationnée. Le tout au milieu de messages de fraternité scandés sous la bannière de cette jeunesse réunie dans une joie partagée, qui soulève les esprits et les cœurs. Bon, ce n’est pas le monde des Bisounours non plus ! On sort de là ensuqués comme ce n’est pas permis. Si l’air était un peu plus froid, on fumerait tous comme des cheminées !

Forcément, après la prestation démente à laquelle je viens d’assister, le concert de The Do pêche un peu par sa linéarité. Pourtant, je me dois d’admettre objectivement qu’ils ont offert une belle prestation. Olivia Merilahti me fait penser au Petit Chaperon Rouge dans le look qu’elle a adopté : cheveux noirs d’ébène coupé dans un style années 20, bouche rouge carmin tout comme la capeline sur ses épaules et une combinaison argentée parfont la tenue. Conjugaison d’une certaine innocence et de femme fatale ; à l’image de l’univers musical, on devine une personnalité complexe. En dépit des efforts scéniques et chorégraphiques, je dois bien avouer que je reste un peu de glace (ce qui n’est pas du luxe !) devant ce set millimétré et parfaitement interprété en 2 parties, l’une plus électronique sur fond de synthétiseur et l’autre plus électrique qui garde ma préférence.

Il est 2h du matin. La fraîcheur nocturne tombe enfin. Le temps d’aller prolonger la rêverie musicale dans un sommeil mérité de quelques heures.

-Caroline Dreux

 

Crédits photo : Eric

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