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NEIL YOUNG, Peace Trail

Sachons restez humble devant l’homme que voici. Neil Young, 71 ans, rocker encore vivant (une gageure en cette année faucheuse que 2016) et à la discographie longue comme un bras ! À un âge où l’on profite d’une retraite bien méritée, le Canadien bat le pavé et déterre la hache de guerre pour une noble cause avec cet énième disque. Préalable à considérer : Peace Trail est un album politique dont le fond prend nettement le pas sur la forme. Retour sur un recueil de protest songs.

Un son roots avec une touche de jeunisme
Avec cet opus, Young revient à des sonorités traditionnelles et familières accrochées à une folk quasi-originelle. Ici, la part belle est cédée aux guitares sèches. À plusieurs reprises, une électrique souvent crasseuse et distordue fait parler d’elle (Peace trail, John Oaks). Autre incontournable du genre, l’harmonica, bardé d’effets, déferle avec ses sons métalliques et rageurs (Can’t stop workin’, Show me). Avec un tel grain de saturation, on a l’impression d’écouter les premiers disques édités du genre ou de blues sur un vieux gramophone. Mais l’homme n’est pas seul. Non, il a embarqué avec lui deux musiciens chevronnés restant dans son ombre. La batterie, tenue de main de maître par Jim Kelter est minimaliste  (exception faite de Indian givers) : une simple caisse claire sur Show me, un beat tapé sur l’arceau (My pledge, Glass accident) ou avec des rimshots sur Can’t stop workin’, … Quant à Paul Bushnell, crédité pour la basse, sa contribution ne restera pas dans les annales. Seule My pledge lui offre un peu d’espace d’expression. Fidèle à son style, Neil Young n’est pas hyper démonstratif sur ces 10 titres en matière de chant. Néanmoins, en aventurier il s’amuse avec les sonorités et met à l’épreuve d’un auto-tune sa voix haut-perchée, ce qui lui confère un caractère davantage plaintif (My pledge).

Servir une noble cause
L’instrumentalisation est donc des plus dépouillées ; la marque de fabrication de Young diront les puristes. Certes, mais elle semble à plusieurs reprises très rudimentaire, voire simpliste (John Oaks, Texas Rangers pour ne citer que celles-ci). Alors pourquoi tant de facilités ? La réponse réside dans les paroles. Enregistré en seulement 4 jours, Peace trail est le porte-voix des Sioux du Dakota du Nord vivant actuellement un cataclysme, en l’occurrence la réalisation d’un oléoduc sur leurs terres ancestrales. Tout est évoqué dans ce disque aux allures de journal d’investigation : les conséquences de l’exploitation du pétrole de schiste sur la nature, pour les Amérindiens et leur culture, les heurts avec la police lors de manifestations, les démarches en justice et finalement la détresse de ne pas être pris en considération. Dans cette bande-son du drame des Indiens Lakota, Neil Young met les deux pieds dans le plat. En employant à maintes reprises le pronom relatif « we » (notamment sur Peace trail), il se range du côté des autochtones. Soyons réalistes : à 71 ans Young, n’a plus rien à perdre. Sa carrière, sa réputation sont faites depuis longtemps. Quelques soient les critiques, les reproches, il en fera fi ; son cuir est épais.

Le pot de terre contre le pot de fer
Pourvu d’un emballage sommaire, Peace trail est résolument un album de protest songs. Dans une Amérique où les cicatrices sont encore fraîches à l’issue d’une présidentielle outrancière, de nouvelles plaies voient le jour avec le saccage des terres sacrées des Sioux. Les médias US ne relayant que du bout des lèvres les heurts qui se jouent depuis des semaines dans cet Etat du Nord, Neil Young se fait le héraut des Amérindiens. C’est donc afin de rester proche des événements que le chanteur a privilégiés le fond sur la forme. Par ailleurs et au-delà de la critique, le Loner apparaît des plus pessimistes. La dernière chanson My new robot, aux accents faussement joyeux, a de quoi fait froid dans le dos. Un monde est en passe de remplacer l’autre (« Things here have changed »). Une voix synthétique masculine, puis féminine, nous donne le mode d’emploi à suivre avant de nous inciter à décliner notre identité. Nous sommes même sous surveillance (« Your media is already chosen Based on your habits »). Finalement, ne vous souciez pas des Indiens, nous avons mieux pour vous divertir.

Alors que conclure ? Que cet album n’est ni bon, ni mauvais. Il est, un point c’est tout. Et c’est son mérite que de mettre en lumière, et accessoirement en chanson, un événement terrible pour une minorité qui n’a plus droit de cité au pays du rêve américain. Chahuté par la vie (et ce n’est rien de le dire), le septuagénaire semble déterminé à engager de nombreux combats, mêmes désespérés (rappelons que le précédent disque fustigeait déjà l’industriel Monsanto). Une corde de plus à la guitare d’un artiste légendaire et éternellement jeune.

  • Benoît GILBERT

Artiste : NEIL YOUNG
AlbumPeace Trail
Label/distribution : Reprise Records
Date de sortie : 09/12/2016
Genre : folk rock
Catégorie : Album rock

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