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AIRBOURNE + SUPERSUCKERS, le jeudi 17 octobre 2019, La Laiterie – Grande Salle, Strasbourg (67)

Airbourne – Laiterie

Après un pré-chauffage de Rock’n’Roll sudiste assuré par les Supersuckers tout droit venu d’Arizona, le pit de la Laiterie commence à se densifier de plus en plus jusqu’à la quasi-suffocation. Les pulls sont désormais attachés à la ceinture, les jeans plus serrés et le vestiaire complet comme la salle, affiche un sourire grand comme la bouche de Steven Tyler. Airbourne un groupe Eco-friendly, assurément ! Puisqu’on fera fi du chauffage au fioul ce soir pour apprécier la gasoline humaine qui nous attend dans quelques minutes dans une Smac déjà bouillante alors que les gros projecteurs n’ont même pas commencé à être pointé sur nos têtes de ravis de crèche. 

Airbourne – Laiterie

 

SUPERSUCKERS

 

AIRBOURNE

Village étape obligatoire depuis la première tournée européenne, Strasbourg accueille ce soir l’unique date provinciale des australiens avant deux shows sur Paris en ce mois d’octobre rouge.

C’est simple, La Laiterie est tout simplement la salle française ou le groupe a le plus joué en France, tout simplement un incontournable passage pour le groupe qui y fait sold-out depuis ses débuts. Après une première légendaire en 2008, c’est ce jeudi soir le 5ème concert du groupe en Alsace. Un récital attendu de longue date et coché dans les agendas de tous bien en amont de la soirée.

Il aura fallu cette fois moins de 48 heures pour boucler la billetterie, un record impressionnant aussi bien pour la salle comme pour le groupe qui n’oubliera pas de mentionner ce fait d’arme et cette preuve d’amour au micro et de promettre sans aucun risque, de revenir y jouer prochainement. Nous n’en douterons pas.

Après un rapide tour d’horizon, c’est une salle malabar bi-goût qui rameute ce soir-là un grand ensemble de spectateurs venus de l’Est de la France, mais aussi de l’autre côté du Rhin. Le genre de communion binationale qui reste l’apanage des salles limitrophes avec l’Allemagne, un constat d’autant plus visible lors des concerts « Rock » au sens large à la Laiterie. D’autant plus qu’Airbourne est un des rares gros bonnets de son genre à ne pas être signé chez le géant Nuclear Blast et ne sillonne pas autant les routes germaniques que certains de leurs confrères. C’est dire que cette date strasbourgeoise était prisée malgré la redondance de passage. L’appel est limpide et la réponse fut rapide.

Depuis 15 ans que les wallabies d’apparence si bordélique nous servent un bourbon de Hard qui, à défaut de fraîcheur dans un genre qui n’a plus cherché à se ré-inventer depuis des lustres, étanche la soif de nos tympans à base d’une dopamine musclée à la TNT, aux thématiques puissantes, parfois bien viriles et terriblement fun.

Constamment à la recherche du mix parfait côté studio, d’un son qui comme l’indique le frontman du groupe, Joel O’Keefe « sonnera le plus proche possible du Live ». La vinasse dans le Graal des Australiens se savoure bien sur les planches et le public le sait parfaitement.

Si le groupe n’a jamais réussi à surpasser dans les charts son premier opus coup de poing. C’est loin des hiatus tooliens et des délais de production de Metallica (sans passage par la case Rehab ou documentaire thérapeutique) qu’Airbourne mène son solide galion en eaux troubles à la simple force de ses 8 bras. Un octopode hyperactif dont on n’oubliera pas l’arrivée dans ses rangs des tentacules d’Harri Harrison en remplacement de David Roads en 2017 à la guitare rythmique.

En effet, le quatuor conserve depuis la sortie de la machine à tube et premier album « Runnin Wild » en 2007, une cadence de métronome plutôt suisse qu’australien. Le pattern magique ? Un album avec une durée de vie maximum de 3 ans. Une belle tournée européenne pour soutenir la sortie du disque puis on embarque sur une tournée mondiale pour se reposer 6 mois et préparer en douce un nouvel album pour être dans les temps. 2019 ne déroge pas à la règle, trois ans après la sortie d’un furieux disque « Breakin’Outta Hell », c’est quelques jours avant la sortie du 5ème opus « Boneshaker » que les Australiens viennent à nouveau faire frémir nos os avec leur sustain incomparable à l’occasion de la tournée « Burnout The Nitro » qui a démarré en Europe quelques jours juste avant.

Tandis que les lumières s’éteignent et que le générique de Terminator 2 démarre sous les lights d’un rouge sanglant, la vision de ce fonds de scène de la Laiterie remplie de cabinets Marshall nous ramène au passé et à l’évolution scénique du groupe. Les odeurs, la chaleur sont autant de madeleines de Proust pour ceux ayant du vécu avec le groupe. La scénographie du groupe étant rodée depuis la fin de la dernière décennie, comme chez Slayer, on sait ce qu’on y verra.

La fumée se dissipe petit à petit pour dévoiler le quatuor et faire résonner les premiers power-chords d’une longue série, 1 h 20 pétante de pétarades montre en main nous attend.

Pas de surprise, dès le démarrage le groupe envoi le bouzin avec « Raise The Flag », hymne culte de la discographie du groupe et rampe de lancement du set depuis quelques années. Pas de pause, « Too Much Too Young Too Fast » le hit le plus streamé et repris en média du groupe se présente déjà à nous. La sécurité commence à cerner les enjeux du titre et on ramène du monde dans la crash pour préparer les salves de ragdolls humaines qui viendront jusqu’à la scène. Les bières sont déjà chaudes, les nuques endolories, les t-shirts poisseux aux armoiries du Hellfest et aux bannières d’AC/DC s’entremêlent avec les fluides des crowd-surfeurs curieux comme ceux des vétérans dès les premiers accords. La grande salle strasbourgeoise va suer des litres et le choc thermique à la sortie sera rude pour beaucoup. Ce sera baume du tigre et aspirine au menu pour le lendemain de cuisson pour de nombreux spectateurs.

« Burnout The Nitro » est jouée, une nouvelle track qui semble déjà être parfaitement intégrée dans les oreilles comme les bouches de certains, du moins le refrain. « Back In The Game » la suivra, tel  l’un des moto’ du groupe toujours sur le retour, mais jamais en dehors du coup. Tracks sur laquelle on frôlera le record du nombre de personne en crowdsurfing simultané, laissant désemparé les 3, 4 agents de sécurité qui avaient du être prévenus du devenir de leur soirée, pas assez à priori. Deux à trois shows de ce type par semaine et on pourra facilement résilier son abonnement à la salle.

A peine sortie de la crash, c’est Joel qui passe devant et monte alors sur l’un de ses roadies dont on saluera le kinésithérapeute pour terminer la fin de « Girls In Black » façon pentatonique sur l’épaule pour finir au cœur de la fosse par s’éclater (tradition oblige) une canette de bière sur le front.

Petit aparté avec « Bottom Of The Whale » et son ambiance tamisée qui fera réduire les décibels et sortir les briquets. Instant bien court, car le titre n’a rien d’une ballade ! Ce sera cependant l’occasion de se plancher sur le jeux de lumière du groupe qui s’est amélioré depuis la dernière tournée et expose parfaitement l’ambiance chaque chanson. A noter que le groupe disposera derrière lui de plusieurs bannières amovibles, chacune reprenant la pochette du disque dont le titre joué sur scène est issu. Car mine de rien, la discographie d’Airbourne commence à être sacrément fournie !

Fils prodige d’AC/DC mais aussi de Rose Tattoo et d’une ribambelle de groupes à décibels et à jeans troués de la fin des 70’s et du début des 80’s. Il serait bien cruel de réduite Airbourne à une simple boîte à bonne musique à 3 accords chapeaux ou pire, un tribute juste bien burné tant ces gars-là sont des bosseurs dans l’âme et des amoureux d’un genre aujourd’hui éloigné des schémas du Rock dit « Moderne ». Les australiens sont un musée oui, mais un musée du vivant ou la poussière n’a pas sa place et ou la sueur du front nettoie chaque moment de doute et ou l’envie et la puissance scénique balaye les appréhensions.

Si sur l’affiche promo en noir et blanc de cette tournée européenne le « père » Joel pourrait être confondu avec un autre Saint Père, le padré Hetfield avec son Explorer blanche à la main. Sur le terrain le solide frontman ne semble pas être impacté par le temps et arbore encore son gabarit de jeunesse. Un « dude » taillé pour le Rock, à qui on en fera pas offense en lui disant qu’il n’est « bon qu’à ça »,  faire du Rock. Lui même revendiquant la chose en interview.

Airbourne a réussi là dans le mimétisme de genre là ou des Greta Van Fleet se sont perdus dans la simple caricature. L’étalon valeur scénique restant la clé de voute du succès de ce genre d’opération risquée.

Aparté terminé, la vigoureuse cavalcade du bassiste et du second guitariste autour du frontman se poursuivra. Le set s’enchaînant dans un rythme tout aussi effréné, entre deux solos bien en avant dans le mix au demeurant (le genre de combo traditionnel qui d’un point de vu purement marketing impactera bien plus n’importe quels kids qu’une publicité Gibson dans un Guitar Part), on se prend le temps de la réflexion pour faire le point sur la setlist du soir tandis qu’enfin le nouveau single « Boneshaker » retenti.

Car finalement nos oreilles n’auront eu jusqu’alors peu de nouveautés à se mettre sous le tympan. Le quatuor n’ayant interprété ce soir là que deux tracks issues du prochain album à paraître, à savoir « Burnout The Nitro » en début de set et le premier single de l’album éponyme.

Alors on est en droit de se demander si après 15 ans d’activité Airbourne en vaut toujours la chandelle ?

La réponse est aisée, tant l’aura d’Airbourne plane au-dessus de la scène Hard actuelle. En mettant de côté l’ombre du vieux mastodonte AC/DC ou même des comparses plus âgés côté germanique comme Accept. Les Australiens incarnent en 2019 l’un des rares groupes actifs, stables, constants et « simples » dans sa démarche comme dans sa musique. Un de ces groupes qui dépasse le cadre de la scène Rock/Métal et qui est capable, comme le faisait Lemmy de son vivant et juste à l’évocation de son nom commun et de sa barbe, de faire venir un public pluriel. Composé aussi bien d’hardos purs et durs, de « TrVe métalleux » mais aussi d’amoureux de la guitare et de simples curieux et mélomanes. Un genre de repère commun, un produit d’appel à haute valeur ajoutée dont on est sûr de la qualité. Un frontman qui mouille le maillot, communique avec son public qui lui rend bien et qui ne demande pas encore 100 balles pour remplir des Zéniths ? Check.

Non, la seule chose qu’on pourra reprocher au groupe à l’occasion de cette tournée « Burnout The Nitro Tour » , c’est d’être finalement plus accès sur une Setlist « BestOf » qu’autre chose. Un set finalement logique mais qui vient reprendre « simplement » les gros tubes, donnant une sensation bien évidemment plaisante puisque populaire mais aussi de déjà vu. Prouvant aussi par sa setlist que « Runnin’ Wild » avec à lui seul un tiers des titres joués ce soir là, reste l’album phare du groupe. Celui qui les a fait connaître ‘trop, trop jeune, trop vite’ au monde entier. On aurait aimé plus de nouveautés mais on ne boudera pas le plaisir de l’habituel baffe en terrain connu.

Côté son, rien à redire non plus. Nous avions connu dans cette même salle strasbourgeoise des débuts à limite du Punk, des sets plus criards et beaucoup plus généreux en aigus voir presque irritants… Des volumes amplis dangereusement élevés aussi lors des premières tournées mais c’est surtout l’année ou le groupe s’était fait bloquer ses instruments à la douane Suisse qui nous vient à l’esprit et qui forgea aussi une partie du mythe Airbourne. Groupe qui assure ses shows quoi qu’il arrive. L’équipe ayant réussi à trouvé une SG pour Joel et des matos de rechange pour le groupe évitant l’annulation de la soirée. Pas Divas pour un sous, juste des showmen jusqu’au bout.

Retour sur le show et confirmation de la réussite côté sonorisation à travers les enceintes avec l’intro du méga-tube « Live It Up » dont les rotations des palmes de Spitfires font vrombir nos ventres avant de lâcher les chevaux des Gibson. Joel en profitera pour exprimer à nouveau sa gratitude auprès du public français, féliciter encore une fois de plus nos vins, nos fromages et l’accueil toujours aussi chaleureux. Il fera enfin se baisser le public pour mieux lancer les pogos. On ne se lèvera pas pour Danette ici, mais bien pour le Rock’N’Roll ! C’est sur ce titre et sur une pluie de bière dont Joel s’amuse à balancer des gobelets dans le public juste avant que les dernières notes de guitares soient jouées avant le rappel.

Tandis que les lumières s’éteignent à nouveau, l’impatiente audience entame en cœur le refrain de « Ready To Rock ». Véritable chant de sirène alcoolisée qui fera revenir les quatre hommes à bord pour jouer justement le dit titre. Suivra pour finir le set « Runnin Wild » comme un retour aux sources et un hommage à la première date du groupe en Alsace. Tout devait s’arrêter là, mais c’est sans compter le généreux public strasbourgeois qui chantonnera quelques minutes supplémentaires « Ready To Rock » pour arriver à arracher une der’ des ders’ aux Australiens qui rajouteront à la carte « Hellfire » , la dernière piste de leur tout premier album dans une ambiance toujours aussi folle et des spectateurs pas franchement pressés de reprendre leur bagnole pour mettre la climatisation. Airbourne remercie encore une dernière fois son public pendant de longues minutes et la réalité sonne à notre porte en actionnant les lumières de la salle. Le réveil est brutal et ils seront nombreux à attendre et croire un nouveau rappel, en vain. A défaut, le public ira rapidement se masser devant le stand Merch’ bien garni du groupe et ramener un souvenir de cette date, forcément importante.

 

Après la messe, le coup de masse.

Pour les plus impatients, il faudra donc attendre le 25 Octobre pour écouter l’intégralité des nouveaux morceaux d’un album dont les premiers sons annoncent un opus plus Boogie et avec un chouilla’ de gain en moins que son prédécesseur. Une constance, le changement de studio et de mix entre chaque galette rendant distinguable pour l’averti chacun des albums du groupe depuis ses débuts, le constat est flagrant encore une fois après l’écoute des premières tracks.

Au sortir de ce concert, la seule question qui peut encore se poser reste de savoir si le groupe pourra conserver intact le cycle de vie de son produit sur le long terme. Continuer dans la durée et délivrer chaque soir la baffe, une prestation de haute voltige qui se compare à une séance de sport intensif pour tous les participants. On ne doutera pas des conditions physiques pour les vingt prochaines années et on ne peut que souhaiter d’une belle fin d’artiste, la plus tardive possible évidemment à la Molière ou plutôt à la Lemmy aux boys de Warrnambool…

En attendant, on se donnerait pas rendez-vous l’année prochaine du côté de Clisson ?

La setlist :

  1. Raise the Flag
  2. Too Much, Too Young, Too Fast
  3. Burnout the Nitro
  4. Back in the Game
  5. Girls in Black
  6. Bottom of the Well
  7. Breakin’ Outta Hell
  8. It’s All for Rock ‘n’ Roll
  9. Boneshaker
  10. Live It Up
  11. Stand Up for Rock ‘n’ Roll
  12. Rappel :
  13. Ready to Rock
  14. Runnin’ Wild
  15. Hellfire

-texte et photos: Olivier OLLAND

 

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