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LAST TRAIN, The Big Picture

2019, l’époque est à la musique déversée par camions citerne dans la danaïde toile. Les bons disques sont peu nombreux. Les petites perles, rares. Les chefs d’œuvres, une idée du passé ; une nostalgie. La faute à l’infobésité musicale qui noie l’auditeur, l’incitant à zapper d’un artiste à l’autre, sans remords, car n’ayant pas payé. Et sans avoir écouté un album – tout un concept pour beaucoup – jusqu’à  son terme. Mais cette situation, terne, peut être marquée d’une pierre blanche en ce vendredi 13 septembre. Le second album des Last Train paraît enfin, The Big Picture. Un chef d’œuvre, ni plus ni moins. Et cela jusqu’à sa dernière seconde !

 

The big picture ou comment attaquer l’Everest par sa façade nord, …

Si 2018 se pose telle une année quasi-blanche pour le quatuor côté scène, elle fut celle de l’enregistrement. Du dépaysement. De la prise de risque. 6 mois à peaufiner 57 minutes de musique réparties sur 10 morceaux, dont l’éponyme dépasse de peu les 10 minutes. La folie des grandeurs, diront certains. Et pourquoi pas ?! C’est mieux que d’être le sempiternel « album de la maturité ».

 

De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ! Ces jeunes gens n’en manquent pas. Ils ont clairement décidé de faire fi du sacro-saint format radio. Voire de le plastiquer en élevant sciemment le titre The big picture, au rang de single, de clip même quelques jours avant la parution du disque. Du culot certes, mais aujourd’hui plus personne ne rechigne à diffuser sur la bande FM Bohemian rhapsody in extenso, c’est-à-dire jusqu’aux dernières vibrations du gong…

 

Alors faisons comme eux, cassons les codes et entamons cette chronique album par la fin… The big picture !  Que dire de ce dernier extrait? Qu’il mériterait une chronique pour lui tout seul. Parler de morceau de bravoure, de pièce maîtresse dans la discographie d’une formation, et caetera. Oui. Toutefois, ce sont là des constats bien minces face au travail abattu par Last Train. Ce titre downtempo au riff suave, aux refrains classieux, s’emballe à la mi-temps, comme parcouru par des spasmes, des décharges électriques bienvenues qui assaillent l’auditeur et qui portent très haut l’intensité de l’instant musical. Sublime, voilà peut être le mot juste. Sublime également la présence de l’Orchestre Symphonique de Mulhouse qui assure un caractère épique à cette apogée sonore.

Dire que c’est un chef d’œuvre n’est en rien galvaudé.

En janvier dernier, Jean-Noël Scherrer nous expliquait lors d’une interview à quel point l’enregistrement délocalisé en Norvège, dans les remarquables Ocean Sound Recordings, avait impacté sur les morceaux. (interview ci-jointe). La durée « hors norme » des titres était annoncée, un peu comme un premier coup de butoir. De même, les structures atypiques (citons Disappointed) ou le caractère atmosphérique (le pont sur On our knees) effleurés sur Weathering (par exemple avec Jane) étaient désormais assumés sur cet album. Une option risquée mais aux résultats excellents.

 

 

… entre élégance artistique et onirisme aventureux.

The big picture n’est ni un album qui fait table du passé ni le bis repetita de Weathering. Des permanences avec son prédécesseur sont bien là, telle la pugnacité du groupe qui répond présent dès le premier titre, All alone. Des titres rugueux à l’amorce stoner (Disappointed), grâce à sa basse dévoreuse, et à son évolution vers un long final instrumental peut dans une certaine mesure se rapprocher de Way out. Derrière les consoles, on retrouve aussi Rémi Gettliffe déjà présent pour le premier effort, artisan du son aussi des Dirty Deep, The Wooden Wolf, … Bref, on travaille en famille.

Cependant des nouveautés éclatent en plein jour. Si le premier album lorgnait en direction d’un rock bluesy, traversé par une voix rageuse, des nébuleuses saturées, désormais l’horizon s’est nettement dégagé (A step further down) avec de nombreuses mélodies arpégées, en guitares claires et un organe bien plus posé (Tired since 1994, Scars, The idea of someone, …). C’est un rivage pop qui se dessine – dès la jaquette d’ailleurs, très 60’s, comme surannée -, renvoyant à Radiohead et leur album The Bends, voire Knives out (sur Amnesiac). Oui une pop sauvage, fiévreuse (On our knees) et sans compromission baigne ce nouvel opuscule de A à Z. De même, les assauts ultra lents et saturés (par exemple I only bet on myself), l’acoustique Tired since 1994 se rapprochent davantage de Muse, période Origin of Symmetry (notamment lorsque le monstre de M. Bellamy se plaisait à jammer avec insouciance sur scène).

 

Last Train dévoile des paysages et des univers sonores immenses pendant près d’une heure avec The big picture. Insaisissable mirage à couper le souffle, au combien attractif et vers lequel on revient inlassablement, cet album tient du grandiose, conjuguant parfaitement la sérénité aux heurts abrasifs. Cent fois bravo.

-Benoît GILBERT

 

Artiste : LAST TRAIN

Album : The Big Picture

Label / Distribution : Deaf Rock Records

Date de sortie : 13 septembre 2019

Genre : rock

Catégorie : album rock

 

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