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EUROCKEENNES 2018, Vendredi 06 juillet, Belfort (90)

Eurockéennes – Ambiance

Vendredi 6 juillet 2018.

La météo se montrant davantage conciliante, l’équipe de Sensation Rock se mue l’espace d’une mi-temps en supporters de football sous le chapiteau, qui transmettait la seconde mi-temps – la première était visible depuis le camping, avec la belle qualification de l’équipe de France pour les demi-finales de la coupe du monde. C’est aussi l’occasion de remercier et de féliciter toute l’équipe technique pour leur capacité à permettre à des milliers de festivaliers de vivre de belles émotions, et de débuter cette journée de la plus meilleure des façons.

 

C’est d’abord avec le shoegaze de Our Girl que débute vraiment cette deuxième journée sur le site du festival, avec de belles guitares saturées mais mélodiques, où la comparaison avec Sonic Youth sonne comme une évidence. Les deux jeunes filles et le garçon semblent à l’aise sur la scène, dévoilant en tout six titres joués dont le particulièrement réussi I really like it. Une prestation achevée un peu avant l’horaire annoncé, suscitant des commentaires contrastés notamment sur la caractère monotone et répétitif de l’ensemble – comme un clin d’œil, le dernier titre joué fut Boring, mais l’ensemble a plutôt comblé notre équipe.

 

Eurockéennes – Nakhane

18h30, la Loggia se réveille. C’est Nakhane qui est le premier à défiler sur ses planches aujourd’hui, proposant pendant 45 minutes un show feutré, mariant electro, soul, popmusic et transpirant de sensualité. Dans son top rouge écarlate, l’éphèbe sud-africain aux yeux amandes se trémousse langoureusement lorsqu’il ne capte pas son auditoire avec sa voix chaleureuse. Comme dit plus haut, le show est court mais avec sa formation Nakhane offre une prestation d’excellente facture bâtie autour de son album onirique You will not die ; encore une fois les Eurocks ont tapé juste !

 

Au moment où PihPoh, le rappeur belfortain, en finit avec son set, l’heure est de retrouver les Nothing But Thieves sur la grande scène. La première partie du concert est quelque peu délicate : le public, assez peu nombreux, semble peu réceptif à la musique de ce(t) (encore) jeune groupe britannique. Mais l’enthousiasme du chanteur, ses coups de patte dans les ballons à destination du public, ses petits mots en faveur des supporters de l’équipe de France – le thème fédérateur de la soirée ! – et la pugnacité du groupe finissent par faire mouche, les musiciens font une seconde partie de set remarquable et enthousiasmant, portée par les puissants singles Particles ou Amsterdam.

 

La programmation serrée et l’espace entre les scènes amène à faire des choix : au moment où les Insecure Men reprennent le flambeau sur la Loggia, le rappeur Rilès sévit sous le chapiteau et dans la demi-heure qui suit c’est Beth Ditto et sa carte blanche qui prendront d’assaut la plage… Bref, picorons. Insecure Men c’est d’abord une horde de musiciens qui s’installent bien lentement sur scène, permettant entre autre au guitariste slide de siroter sa bière… Saul Adamczewski – ex-Fat White Family – arbore une casquette serbe (ambiance quand tu nous tiens…) lance finalement le spectacle.

A nouveau la langueur est de mise. La pop indé des Britanniques prend des airs de plage bordée de palmiers en carton-pâte. C’est délibérément kitsch, grâce aux instrus cheap quidélivrent des sonorités désuètes. Bref, c’est cool, dommage que la Plage soit confisquée au même moment par l’ex-chanteuse de Gossip.

 

Cette dernière, habituée du festival en solo ou avec son illustre groupe (mémorable concert sous le chapiteau en 2008 avec un final pas piqué des hannetons, au cours duquel la diva punk a jeté une multitude de nourriture – pizzas et fruits – avant un long bain de foule en sous-vêtements !), est sans doute l’artiste anglo-saxonne s’exprimant le mieux en français.

C’est surtout l’occasion d’entendre des titres de ce groupe majeur, bien que le résultat soit jugé un peu décevant par rapport à l’attente suscitée, mais suffisant pour transformer la plage en un dancefloor géant densément occupé notamment lorsque retentissent les titres qui ont fait la renommée des Gossip.

 

La véritable grosse claque est venue de la grande scène, vers 21h00, heure à laquelle sont apparus les membres du super groupe Prophets of Rage. Composés de membres de Rage Against The Machine, de Public Ennemy ou de Cypress Hill, l’entrée avec une sirène et des poings levés avec un son d’une rare puissance laisse entrevoir un spectacle ébouriffant et monstrueux. La grande scène est bondée, sautillant avec Jump around, gesticulant sur Legalize Me, chaque morceau étant pleinement savouré.

Tom Morello, exceptionnel guitariste, ne manque pas de saluer le public et de réveiller les consciences en écrivant sur sa guitare « Armons les sans-abri » ou « F… Trump ». Difficile de croire que trois semaines plus tôt, il était opéré de l’avant bras gauche! Le public a basculé dans une folie totale au cours des derniers titres des Rage : Bulls on Parade, Freedom et surtout le cultissime Killing In The Name, point d’orgue d’un spectacle dantesque et inoubliable. Make America Rage Again!

 

Un moment de repos après un tel concert  semble mérité, avant de poursuivre la soirée avec au choix Faka ou Leon Bridges. Toutefois, la multitude de tee-shirts NIN croisés sur le site laisse clairement entrevoir que l’autre grosse attente de la soirée est la performance de la bande de Trent Reznor, pour ce qui est leur seule date en France de l’année. Dès leur entrée sur scène, le son est absolument démentiel, servi par un jeu de lumières remarquables : au travers de l’épais manteau de fumée qui habille toute la scène, deux hommes tournent spot à l’épaule autour des musiciens, tout comme les caméramen. C’est une image noir et blanc, vive, heurtée, fidèle à un film apocalyptique qui est retransmise sur les grands écrans pour le public qui n’a pas souhaité descendre au bas de la butte (et pourtant, il y avait de la place devant…).

Evidemment, c’est le frontman qui est le plus mis sous les feux des projecteurs, mais sans concession ce dernier se livre corps et âme durant tout le concert flirtant avec le chaos sonore. Les titres tout en puissance sont puisés dans un large répertoire, alliant les débuts, comme March of The Pigs, ou un passé très récent comme Less Than dans une version survitaminée. La puissance semble nous habiter, même lorsque nous nous éloignons de cette grande scène et que le titre de Bowie, I’m afraid of Americans, revisité en tout point, devient une véritable sucrerie dont se délectent les milliers de fans. 13 ans après son dernier passage au Malsaucy, Nine Inch Nails semble n’avoir rien perdu de sa présence, de sa puissance et de sa brillance.

 

Ce moment d’histoire colle parfaitement à l’actualité de cette soirée, puisque les mythiques FFF reviennent au Malsaucy pour rejouer sous le même chapiteau, là où en 1997 fut enregistrée leur formidable prestation, la bien nommée Vivants. C’est d’ailleurs par cette question « Est-ce que vous êtes vivants ? » que débute la récréation, cette question étant renouvelée régulièrement.

Dès le premier titre, Le pire et le meilleur, rien ne semble avoir changé : la même énergie, la présence scénique de Marco Prince, la puissance des cuivres, l’absence de temps mort. Les échanges constants avec le public, la joie d’être présent et de rappeler la force de l’engagement, comme sur le toujours d’actualité Assez de haine. La prestation est très solide, en dépit de quelques (rares) remarques entendues ici ou là sur le caractère réchauffé du set, qui certes ne présente aucune grosse surprise mais permet à beaucoup de croiser un groupe qui compte dans l’histoire récente du rock français. Ni nostalgie, ni condescendance, mais beaucoup de plaisir.

 

Les festivaliers avaient dès lors le choix entre la seconde partie du set de The Black Madonna, set donné sur la plage par la DJ de Chicago, Marea Stamper. Avec une scénographie rappelant des vitraux d’église, on assiste à une grand’messe au cours de laquelle les basses sont légions et remplacent les orgues liturgiques. La prêtresse de Chicago réussit à mettre en transe une foule fièvreuse et bien résolue à profiter de cette nuit plus clémente que la précédente.

Autre possibilité et au caractère exclusif, l’unique date française de Ritchie Hawtin avec un dispositif vidéo assez sensationnel. Bref, les amateurs de musique électro ont été sacrément gâtés en ce deuxième jour d’Eurocks. Il est près de trois heures du matin, et contrairement aux footballeurs, c’est un véritable bonheur que d’assister à de telles prolongations…

 

–Benoît GILBERT, Julien LAGALICE

-Crédits photos : Benoît GILBERT, Eric (Nothing But Thieves, NIN, Our Girl)

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