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INTERVIEW : Jean-Paul Roland, Directeur des Eurockéennes ( Partie 2 )

Deuxième partie de notre entretien passionnant avec Jean-Paul Roland qui nous dévoile cette fois une partie des coulisses du festival !(  Retrouvez le début de l’interview ici )

SR : Nous avons assisté à la conférence de restitution de l’étude sociologique des publics des Eurockéennes. On a donc observé qu’on ne pouvait tirer que des tendances et qu’il était complexe des les définir. Alors comment arrivez-vous à communiquez auprès de ces multiples publics ?

J : Lorsque tu dis communication, tu parles de promotion, concrètement ?

SR :Oui

J : Si tu veux, il y a une partie de la promotion qui est généraliste, c’est à dire qu’a un moment donné, on va dire « bientôt on va vous annoncer les dates des Eurocks  ». Donc là, il y a déjà des gens qui veulent savoir quand ça se passe pour réserver leur week-end. C’est une communication générale de lancement.
Ensuite, on a une communication qui va être liée aux premiers noms annoncés, dans ces premiers noms il y a un choix que l’on fait et qui est une sorte de résumé de la tendance. On va retrouver des grands groupes, mais aussi des moins connus. Ensuite, il y a des gens qui vont se partager cela de façon un peu ciblée. Après, on ne va pas se demander comment on va parler aux collégiens qui ne sont jamais venus par exemple. Mais ça fait partie un petit peu de l’ensemble, on ne va pas découper forcement notre communication mais par contre, comme on sait que l’on a une grande proportion du public qui n’est jamais venue, on fait en sorte de faire une explication de texte à chaque fois. C’est ce que je dis aux gens de la communication, lorsqu’on parle du Malsaucy il faut un peu expliquer ce que c’est, comment on y accède, dire qu’il y a quatre scènes par exemple. Parce que tu aurais tendance à te dire quand tu as 30 ans que c’est bon tout le monde connaît. Or, on a quand même un renouvellement de public assez important, d’après ce que j’ai compris, on en a à peu prés deux tiers qui change tout les deux ou trois ans, donc c’est quand même énorme. Il faut qu’on se dise aussi qu’il y a de nouvelles habitudes. Ce n’est pas la même consommation. Si on prend les gens dans les années 90, ils venaient aux Eurockéennes et à la limite si il manquait un peu de toilettes, ils s’en foutaient. Maintenant, si il y a une plainte tu l’as en directe. Donc ça c’est aussi la relation qu’on a avec le public. C’est aussi, comme je disais tout à l’heure, l”histoire de l’expérience. On essaye plutôt que ce soit de bonnes expériences, que ce soit quand même pas trop galère ( rires ), même si tout arrive. Donc il faut aussi qu’on soit attentif à la fois à l’affiche qu’on propose mais aussi aux principes généraux. C’est à dire des gens comme vous ,mais aussi le plus jeune qui vient pour la première fois et qui est accompagné de sa maman.

SR : Oui et ça se fait de plus en plus, parfois des gens de 12 ou 13 ans.

J : Oui voilà, on sait qu’on a un public qui est, je dirais pas familiale, mais plus accompagné. Ils viennent avec quelqu’un même si nous on considère que c’est pas un endroit fait pour les enfants. C’est à dire qu’ils ne peuvent pas non plus venir tout seuls. Mais après, ils ont très envie de venir, on le voit, on a de plus en plus de collégiens et les choses de passent plutôt bien. Puis après, il y a une politique d’achat différente. Il y a les anciens qui vont acheter les quatre jours et ceux qui vont venir un jour parce qu’il vont venir avec leurs enfants et le copain de leur fils ou de leur fille. […] En tout cas voilà, l’histoire se fabrique à la fois comme un festival généraliste avec aussi des particularités, il y a pas trop de variété, voire pas du tout, à part Juliette Armanet cette année.

SR : Justement, ça ne fait pas un peu « bobo », dans le sens où personne ne la connaissait avant les Victoire de la Musique ?

J : Ah oui mais nous on l’avait programmé avant !Après tu sais, on ne va pas non plus se dire, comme les gens aiment en masse on ne le fait pas. Les Eurockéennes ça a jamais été cet esprit la, ce côté exclusif. Puis après, il y a une réalité aussi, on fait un festival qui est sur une économie de 30 000 personnes, c’est pas générique la programmation, on est dans une économie qui fait que. Après, bien entendu, tout ce qui est programmé est accepté et justifié. On va pas faire des choses qu’on n’aime pas simplement pour vendre du ticket.[…] Ce que je veux dire c’est que c’est pas une science exacte, c’est pas parce que tu mets beaucoup d’argent que… Je vais prendre l’exemple de mes collègues des Vieilles Charrues. Je pense que le groupe qu’ils vont payer le plus cher, sans rentrer dans la confidence, c’est Depech Mode et pourtant c’est le jour qui n’est pas complet. Il y a peut être d’autres choses, mais c’est pas une science exacte. C’est pas parce que tu payes un gros cachet que forcément il y aura du monde, ça marche pas comme ça. C’est dans une globalité que ça fonctionne, dans un esprit, ça marche si ça colle avec ce que les gens ont envie de voir, et puis il y a plein d’autres paramètres. C’est pas : on me donne un budget, on va prendre les groupes et plus je vais aligner les cachets plus les gens viendront. Si ça marchait comme ça, le métier serait assez facile. Il faudrait juste trouver l’argent.

SR : Justement, comment se déroule l’évolution des choses par rapport à votre financement ? C’est vrai que la part du public diminue sans cesse, est ce que c’est une course pour vous à chaque fois pour vous financer, trouver les partenaires, les mécènes,… ?

J : Disons qu’il faut se lever tôt le matin hein ! Non mais c’est que je veux dire, c’est que les Eurockéennes, c’est un festival qui a été inventé par la collectivité. Le contexte actuel général des collectivités fait que bien entendu les dotations baissent et que maintenant la part des collectivités locales pour l’essentielle est autour de 8 %. C’est vraiment pas beaucoup, ce qui fait qu’effectivement l’objectif c’est quand même les sponsors et les mécènes. Une des particularités des Eurockéennes, c’est d’avoir développé assez tôt le mécénat culturel. Cette réussite du mécénat culturel se traduit par à peu près 130 entreprises et environ 1,3 millions de dons, ce qui est quand même conséquent. Mais ça ne signifie non pas qu’on ai touché le jackpot, mais que notre lien avec notre territoire est fort. La plupart des mécènes sont du coin, c’est à à la fois des grandes boites mais aussi des PME. Donc tout ça nous fait dire qu’il y a un attachement du milieu économique local vers notre affaire. Après, la plus grande part des recettes c’est la billetterie. Le coût du billet, même si il a tendance à augmenter légèrement, reste tout de même plafonné. Ne serait-ce que parce qu’il faut que ça reste un festival ouvert à tous. Donc il faut qu’à un moment donné on ne soit pas obligé de demander un devis pour aller aux Eurockéennes, comme par exemple on peut le faire en Angleterre ou le prix des billets de festival est très très élevé. Et puis après, il y a aussi un climat général de la Bourgnogne Franche-Cmté d’où vient la bonne majorité de notre public et qui n’est pas un secteur forcement très florissant, il y a du chômage etc. C’est beaucoup de paramètres qui rentrent en ligne de compte pour pouvoir faire ça, donc ça veut dire qu’effectivement, il faut proposer aussi des choses aux sponsors. Ce n’est pas seulement telle marque nous donne un chèque et on les met sur les banderoles. On les invite à participer à l’expérience. Alors ça tombe bien, parce que bien entendu, ils sont aussi malins que nous et ils ont bien compris que c’est pas parce qu’il marque leur nom, que derrière il vont être retenus. C’est plutôt par rapport à la manière dont ils participent. On demande à nos sponsors, la SNCF par exemple, de faire un train spécial TGV petits prix où nous on va mettre de la musique pendant le voyage. Ou alors on sait par avance qu’il y a des partenaires qui vont offrir des tickets pour la grande roue qu’on va poser. Donc tout ça se retrouve dans une sorte d’énergie collective où tout le monde participe. En y participant, ils vont prendre en charge des coûts d’organisation, ou plutôt participer à des frais que l’on ne peut pas assumer seul. Mais ça peut être aussi l’accessibilité des personnes en situation de handicap.

SR : À ce propos, pour en revenir notamment à l’étude d’Emmanuel Negrier, on a remarqué qu’une partie du public ( les moins expérimentés et les plus âgés des festivaliers ) un peu réfractaire à la présence des marques. Est ce que vous arriver à garder de la marge de manœuvre pour faire participer les sponsors dans l’expérience et limiter ce phénomène ?

JPR : D’abord, il faut savoir que la part du mécénat est beaucoup plus importante que le sponsoring qui reste limité dans un festival comme les Eurockéennes. Déjà parce qu’il y a des exclusivités sur les secteurs. Une fois que vous avez fait une marque de bière et de soda, une banque, une marque de téléphonie et un hypermarché, vous avez fait à peu prés le tour.
Le mécénat c’est un don désintéressé sur lequel il y a une certaine règle d’apparition, et de l’autre coté il y a le sponsor qui lui est là pour faire un développement de marque. On est pas tout à fait dans les mêmes choses. Après, je pense qu’on arrive à faire cohabiter les deux à la fois dans notre système. D’ailleurs, certains qui étaient sponsors sont devenus mécènes parce que l’esprit du mécénat les intéressait davantage.
Par exemple, l’année dernière, Arte a fait une expérience dans laquelle tu te faisais filmer en 360 comme une sorte de clip un peu événementiel. Ils ont eu énormément de monde, donc après, c’est aussi aux marques qui travaillent avec des agences d’être au plus près du festival.. Ils l’analyse et ils essayent de proposer quelque chose. Par exemple, ce serait peut être un peu curieux d’essayer d’y vendre des bagnoles à 100 000euros. Enfin ,peut être que ça marcherait mais on est moins là dessus quoi. Après, effectivement, on est quand même attentif puisque, dans notre équipe, quand quelqu’un va proposer une marque en sponsoring, on en parle déjà ensemble pour se demander si la marque correspond à nos valeurs. On se demande aussi ce qu’elle va montrer, on a souvent interdit des battlers, c’est à dire ceux qu’on peut retrouver à la fête foraine ou la foire et qui crient «  Venez dans notre stand », on a dit non, pas ça. Il y a des règles. On a marqué dans des contrats ce qu’on peut faire et ne pas faire. Après je pense aussi qu’on a beaucoup de partenaires qui permettent à de nombreux festivaliers d’accéder gratuitement au festival, par exemple en faisant gagner des places à travers des jeux concours.

Sr : D’ailleurs, nous on fait souvent des concours avec SensationRock et c’est vrai qu’on a environ 2000 inscrits chaque année. Parmi les gens qui participent il y a très peu de bourguignons, c’est fou ça.

JPR : C’est vrai. Ce qu’il faut savoir, c’est que la Bourgogne c’est quand même assez grand et que si tu prend s Dijon ça va, mais si tu prends Nevers… Tu vois, il y a aussi un côté de la Bourgogne qui est presque plus tourné vers Paris que vers le nord de la Franche-Comté. Après, il y a une histoire entre le territoire de Belfort et l’Alsace. Il y a eu quand même des liens assez forts même si on a pas forcement le même accent, en tout cas, on le voit dans les déplacements professionnels par exemple. Peut être qu’effectivement ,on est plus proche de Mulhouse que de Nevers, mais bon c’est aussi une question de géographie.

En revanche, d’après les études qu’on a fait, on reste un festival qui a une part d’extra-régionaux très importante par rapport à d’autres. C’est ce que Emmanuel Negrier à souligné dans son étude déjà en 2013, et ça s’est réaffirmé l’année dernière.

Sinon, ce que je peux rajouter globalement, c’est que je pense que toute notre énergie est de conserver l’esprit des Eurockéennes, en faire une grosse fête ouverte à tous. Pour nous, la trentième ça va être ça.

Sr : Oui et la grande roue !

JPR : C’est vrai que c’est marrant, parce que la grande roue ça fait partie des choses qu’on voulait faire depuis un moment. Le fait de voir le Malsaucy et de l’admirer de haut c’est quand même pas mal ! Parce qu’on peut voir des images sur le site ou alors faut se payer un vol en hélicoptère mais c’est un peu compliqué parce qu’on a pas le droit de passer au dessus, à moins d’être dans l’hélicoptère de la gendarmerie. Donc c’est un peu cette affaire là, c’est également les spectacles pyrotechniques. C’est de rendre hommage à ce site qui fait partie de la distinction des Eurockéennes parce que je pense qui si on avait été ailleurs, ce serait pas tout à fait la même chose.

SR : La roue sera payante ?

JPR : Si tu veux, pour des raisons de sécurité on est obligé de la faire payante, mais il va y avoir quand même pas mal de possibilités de gagner des billets gratuits. Donc normalement on va dire qu’il y aura un mix !

SR : D’accord. Et bien merci beaucoup !

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