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PALEO FESTIVAL, mercredi 19 juillet 2017, Plaine de l’Asse, Nyon (Suisse)

Deuxième journée en Romandie ; le temps est lourd, voire menaçant. Finalement, rien d’étonnant : Arcade Fire est annoncé ce soir… A chaque passage aux Eurocks, les Canadiens furent accompagnés de pluie. En sera-t-il de même à Nyon ? Suspens…

Coincé dans de mémorables bouchons entre Lausanne Sud et Nyon, j’arrive avec une bonne heure de retard sur mon planning. Juste à temps tout de même pour Midnight Oil qui attaque bille en tête avec la percutante Redneck wonderland et ses sonorités électro, coincées entre le Pop de U2 et Earthling de Bowie. Dès le début, Peter Garrett nous gratifie de ses grands gestes heurtés, emprunts de spasmes, et de sa voix démentielle. Quelques instants plus loin, le géant chauve se munie d’un harmonica afin d’introduire la très prisée Blue sky mine. Malgré la lourdeur de l’atmosphère, le groupe propose pendant une heure et demi un show musclé, ballotant le public entre passages puissants (Only the strong), plus reposés (Shakers and movers) dansants (Truganini) et acoustiques (Luritja way, Kosciusko, Arctic world). Activiste dans l’âme, l’ex-ministre australien de l’environnement n’en a pas fini avec ses chevaux de bataille laissant apparaître un t-shirt au message politique après avoir évacué sa chemise. Puis lors d’un interlude, il profite encore de la tribune pour évoquer les ravages de la pollution notamment sur la faune. Quasi-possédé, il interprète à genou Warakurna avec sa voix démesurément exagérée et les bras tendus vers la foule, avant d’effectuer un aller-retour au contact de tous ceux agglutinés contre la crash barrière. Le public suisse apprécie et ne peut se retenir quelques instants plus tard de fredonner à tue-tête les chœurs introductifs de The dead heart. Ravi certes, mais totalement exalté lorsque démarre l’indémodable Beds are burning. Pour beaucoup, la messe est dite et pourtant, le groupe propose une dernière secousse pour la route avec Dreamworld. Pour ceux qui doutaient de cette tournée mondiale, le constat s’impose : Midnight Oil est toujours debout !

Au même moment, Radio Elvis prend place sous le chapiteau du Détour. Pas facile d’assurer face à un groupe culte. Preuve en est, le lieu est à demi-rempli. Cela étant dit, le trio français en pleine ascension est bien décidé à séduire avec ses mélodies sucrées et ses poésies mélancoliques issues de son album Les conquêtes. Le concert débute tout en langueur avec Par les ruines. Le titre est lent et délicat, peut être trop pour un après-midi déjà gagné par un air accablant. Le concert est toutefois plaisant et s’intensifie rapidement lorsque le chanteur Pierre Guénard se fait aussi guitariste. Prêtant main lourde à mon homologue Manu Ralambo, les mélodies se complexifient, le son s’épaissit. La route montre un groupe plus dynamique, tout comme la suivante Solarium introduite par une boucle de clavier tenace. Nombre des titres, tels Au loin les pyramides ou Demande à la poussière, sont à la croisée des chemins, hésitant encore entre pop rythmée, voire débridée, et lyrisme attristé. Plus loin Bleu nuit/Synesthésie et Les moissons finissent par conquérir un public helvète désormais plus abondant.

Un crochet par le Club Tent permet de découvrir Hyperculte. Ce duo genevois, réunissant une batteuse et un contrebassiste, est un projet étonnant qui permet de bannir ce préjugé vouant ad vitam aeternam la contrebasse à la « musique classique » ! Jouant de boucles enregistrées, les deux musiciens entonnent des litanies barrées qui entournent. L’instant semble même virer à la transe collective. En somme, une excellente découverte ; la prestation de cette doublette est rejouissante mais à regret, il faut partir pour ne pas rater Temples.

Alors que le ciel se fait toujours plus sombre, il est l’heure d’assister au concert des Temples. Avec son rock psychédélique, ce quatuor anglais échevelé, et à l’élégance de mise (mention spéciale pour le trépidant bassiste), catapulte dès les premières notes Nyon 40 ans en arrière, quasiment à l’heure de sa première édition ! À grands renforts de delays et de chœurs envoutants (A question isn’t answered) le groupe fait mouche. Misant sur cette recette simple, Certainty, Keep in the dark ou Strange or be forgotten nous maintiennent abusivement à l’âge d’or du rock planant. Au-delà des sons vintage produits par des claviers rétro, d’une basse hypnotique ou des pédales fuzz, il y a aussi le charismatique James Edward Bagshaw. Avec une allure de Syd Barrett post-Floyd, le chanteur à la voix aigue et nasillarde (voisine de celle de James Walsh, le leader de Starsailor) magnétise les Arches (Mesmerize) en chantonnant des mélodies aériennes insouciantes, qui transportent l’assistance jusqu’au terme avec Shelter song.

Nouveau temps fort aujourd’hui, le concert des Pixies. La foule est dense mais pas compacte comme la veille pour les Red Hot. N’empêche, les aficionados sont servis ce soir avec le marathon entamé par la bande de Frank Black. En 90 minutes, les Lutins ont seulement interprété 32 titres ! Facile avec des chansons oscillant entre 1 minute 20 secondes et 3 minutes diront certains. N’empêche, les mélodies mordantes et les cris hardcore du frontman un brin rondouillard, au cœur des morceaux les explosifs, sont toujours au rendez-vous. Les cultes Wave of mutilation, Monkey gone to heaven, Caribou et U-mass sont enchaînés d’entrée de jeu. Avec Bel esprit, Classic masher, All I think about now et Head carrier, le groupe assure toujours la promo du benjamin discographique qui soufflera prochainement sa première bougie. Offrant la part belle à Doolittle – avec 12 morceaux proposés – l’ensemble de l’œuvre des Américains est balayé, exception faite d’Indie Cindy… La carte de visite Where is my mind est aussi de la partie mais reléguée à la fin. Même si elle est parfois un chouia en retard lors des chœurs, la nouvelle bassiste Paz Lenchantin (nouvelle depuis 2013… ) assure. On croirait entendre Kim Deal ; un doux mirage. Menée à une cadence folle, cette énorme session se referme dans un opaque nuage de fumée qui occulte toute vision de la scène. Un sentiment étrange qui se greffe à une autre impression, celle d’être face à un groupe se tenant à bonne distance. Aucune interaction concédée au public, si ce n’est un vague geste de la main pour seul au-revoir. Idem lorsqu’une canette volante non identifiée manque de peu le leader : ce dernier demeure placide ; un petit coup de serviette et c’est reparti ! Avec une prestation efficace mais quasi-statique – le plus mobile étant Santiago qui évolue dans une zone de 3m2 au plus – , la Grande Scène semble surdimensionnée pour des Lutins.

Sans transition, évoquons le concert de Julien Doré : les mots me manquent ; les photos aussi. Belle opportunité finalement pour une déambulation nocturne. Immense de jour, le site se révèle grandiose la nuit. Les lumières, les couleurs sont légions. Quartier des Alpes, une déco façon métal rouillé et dotée de flambeaux renvoie singulièrement au Hellfest. Plus haut dans le Village du Monde, il y a certes le Dôme qui accueille les performations, mais à ses côtés, plusieurs installations réalisées avec des fanions multicolores, semblables à des temples précolombiens égayent l’extrémité du festival. Il y a aussi le simili-volcan qui trône entre le chapiteau du Dôme et la scène du Détour et qui permet à ceux qui font son ascension d’avoir une vue panoramique sur le site.

La compagnie menée par Win Butler déboule à 23h30. A contrario des Pixies, l’espace semble saturé en individus avec Arcade Fire. Comme lors des Eurocks, cette joyeuse bande assure un show rythmé, mené de main de maître, au cours duquel les talentueux musiciens donnent tous de la voix, permutent les instruments et le géant chef d’orchestre aux souliers rouges ne cesse de prendre de la hauteur en montant sa marche afin de se détacher de la nuée. Ce soir encore, il ne peut s’empêcher de chiper quelques secondes le reflex d’un photographe afin de shooter à sa manière le Paléo. (…) Etonnamment, passée l’introductive Everything now, la setlist diverge durant trois titres. Here comes the night est alors suivi de Chemistry et Electric blue, deux morceaux plus electro et dansants piochés dans le dernier album fraichement débarqué. Passé ce remaniement de courte durée, la suite est identique en tout point au concert donné au Malsaucy, hormis le renvoi de Rebellion – chanson très plébiscitée par les fans de la première heure – au terme du concert. Alors que la classique Wake up clôture le show, la pluie s’invite de plus en plus sur la Plaine de l’Asse, …

Minuit, l’ambiance se feutre sous un chapiteau désormais paré d’une armature lumineuse violette. Her est à la manœuvre. Avec son répertoire de soul sensuelle made in France, le groupe régale ceux qui ont dit non à la fanfare canadienne sur la Grande Scène. Un raisonnement qui se tient au vu de la prestation saisissante proposée par les Rennais. Ce soir, le bassiste se démène comme un diable alors que les guitaristes semblent un temps croiser le fer au gré des motifs riches en cocottes funky. Derrière son micro, le chanteur à la veste cramoisie offre une voix chaleureuse, semblable à certains endroits à celle d’un crooner, notamment sur Five minutes, ou lors de la remarquable reprise chaloupée de A change is gonna come de Sam Cooke. Du velours pour finir. (…)

Je quitte le Paléo avec un sourire aux lèvres. Face à la sécheresse, choisissez Arcade Fire ! Et pour le mondial 2022 au Qatar, interprétez Wake up en lieu et place des hymnes officiels. Rafraîchissement garanti !

-Benoît GILBERT

-Crédit photo : Benoît GILBERT

 

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