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EUROCKEENNES 2017, vendredi 7 juillet, Belfort (90)

Vendredi 07 juillet, 15h05, le soleil est accablant comme dans L’Etranger de Camus. Notre après-midi démarre dans un peu moins d’une heure avec l’interview d’Elin Larsson, la chanteuse de Blues Pills. Le site semble s’être remis de cette première journée ; les stands de restauration sont encore fermés. Sur la Green Room, La Femme effectue ses balances avec le single Sur la planche 2013

 

16h00-16h15 : interview au bord de l’étang de la Véronne. (voir l’interview d’Elin Larsson) ; ci-jointe quelques photos incitatives.

Passé cette entrevue, nous attendons une heure et demie afin d’attaquer avec Tash Sultana. Seule sur scène, l’égérie du DIY entame son show avec un titre délicat. Elle joue puis enregistre avec son pédalier tour à tour une guitare cristalline, une ligne de basse, un motif à la wahwah avant de fait du beat box. Les ¾ d’heure proposés sont un patchwork de motifs sonores et d’ambiances : ici la pop côtoie un solo crasseux de métalleux des années 80, lui-même suivi par une flûte des Andes, un ukulélé, … Bref, à part une grosse tranche de pastèque en cet après-midi suffoquant et désormais menaçant, il n’y a pas plus frais que cette jeune artiste arborant effrontément lunettes solaires et casquette retournée sur cette scène démesurée.

Annoncés par le DJ, All Them Witches reprennent le flambeau sur la Loggia. Après une introduction lente et calme – en somme un leurre – les natifs de Nashville hypnotisent la foule réunie avec leur stoner rock. Le chanteur et bassiste Charles M. Parks Jr affiche un look de méchant à la Mad Max. Le batteur pourvu de grandes chaussettes de foot dépareillées assène des beats massifs, tandis que la fuzz crasseuse du guitariste se répand. Si quelques gouttes éparses étaient tombées lors du show précédent, présageant d’un arrosage en bonne et due forme, il n’en est désormais plus rien. Le soleil fait à nouveau parler de lui et baigne la scène à l’entrée du site. Aux riffs ultra répétitifs se greffe ponctuellement un clavier aux sonorités lancinantes. Tapi dans l’ombre des amplificateurs, Dorian Sorriaux, le guitariste des Blues Pills, apprécie également le moment. Dans le dernier quart d’heure, l’ampli du gratteux rend l’âme. « C’est le premier concert de notre tournée, ça devait arrivait », annonce avec un sourire de façade le leader. Ni une ni deux, un remplaçant fait son entrée et the show must go on. Le groupe s’en tire bien mais le retard accusé génère un chevauchement avec la prestation des Idles. Nous devons nous replier en direction de la Grande Scène.

C’est avec un pur son punk-rock qu’apparait le groupe Idles sur ladite scène, vers 19h00. Le groupe a un look de vacancier et s’exprimant dans un français plus que satisfaisant. Toutefois, la foule réunie est bien plus clairsemée en cette fin d’après midi que la veille. La faute peut être à la légère averse ou la forte concurrence du hip-hop à la Plage ? N’empêche, le groupe est de joyeuse humeur et enchaine les titres, réveillant par moment les fantômes des Sex Pistols avec un son brut et direct. Alors que Mark Bowen, le guitariste à la moustache gauloise, nous met le tournis avec ses gesticulations permanentes, Joseph Talbot, le chanteur, régale la foule d’une voix pas toujours très juste et par le partage d’une bouteille de bourbon qui ravit le premier rang. La version live de Divide conquer fut particulièrement efficace, avant que le titre Queens (et ses « Yeh Yeh Yeh ») ne clôture la solide prestation du groupe originaire de Bristol.

19h45 : Devendra Banhart VS Blues Pills. Nous faisons comme la veille usage de notre faculté d’ubiquité ! La circulation sur le site plus fluide permet de rejoindre assez rapidement la Green Room pour voir le Californien, l’un des meilleurs ambassadeurs du folk-psychédélique (tendance hippie), présent pour la première fois à Belfort. Les musiciens sont en effet de véritables représentants de la cool attitude, et la douceur des mélodies permet de passer un agréable moment, notamment pour une jeune festivalière invitée par Devendra à monter sur scène afin d’interpréter avec lui la chanson de son choix ou de sa composition. La bonne idée ne se concrétise pas, entre incompréhensions réciproques et ou timidité de l’invitée ; c’est toutefois avec le sourire que le set se prolonge, avec des titres du dernier opus comme Fancy man, avant une fin de concert plus tourné vers le funk. L’atout des Eurockéennes (diversité des genres musicaux et offre abondante) peut devenir assez vite un handicap (nécessité de se déplacer régulièrement), ce qui fait qu’il faudra bientôt migrer pour assister à l’un des moments les plus attendus de la soirée, le retour de Hubert Félix Thiéfaine.

Et pourtant à quelques centaines de mètres de là, Blues Pills enchante également son auditoire d’entrée de jeu avec le single Lady in gold. Elin Larsson est survoltée. Pourvue d’une combinaison de velours noir, sa prestation comprend des sauts, de la gym tonic, des headbangings, etc. Bref, l’égérie de la formation franco-américan-suédoise est en grande forme et séduit le public eurockéen avec sa voix de soulm music. Derrière cette sensualité de façade se dresse une véritable show woman abritant une voix soul délicieuse. Son guitariste au regard calme et placide est ultra polyvalent, passant des rythmés boosté à la wahwah aux soli psyché qu’il semble tisser de sa main droite. Les titres comme Black smoke engendre un pogo avant de s’étirer dans un long moment psyché, tout comme l’onirique Little sun. De même, Somebody to love est interprétée de façon magistrale. En fermant les yeux, on se croit reparti à l’âge d’or du Jefferson Airplane. Devil man est une nouvelle occasion pour Elin de pousser la note et de larges cris qui hérisser le poil. Le groupe se sauve sous une ovation nourrie.

20h45, la foule est dense pour écouter et voir l’artiste culte franc comtois. Après un dernier passage en 2012, il est aujourd’hui accompagné de l’orchestre Victor Hugo de Besançon. En remontant le fleuve permet de voir que la symbiose est parfaite entre deux univers musicaux que tout oppose en apparence, mais qui donne encore aux titres de l’album Stratégie de l’inespoir davantage de gravité et de profondeur (comme sur Angelus). Artiste engagé, évoquant la politique, le fanatisme totalitaire (Karaganda), la folie du nucléaire (Alligators 427) et les multiples désordres de notre temps, Thiéfaine prouve qu’il reste un artiste exigeant et éveilleur de nos consciences depuis quarante ans. Sa popularité intacte a atteint de nouveaux sommets par le final permettant au public de reprendre à tue tête la fille du coupeur de joints, hymne intemporel de notre artiste régional. Une belle performance collective alliant précision, passion et émotion.

Aux antipodes du site et du genre, la Loggia vibre à nouveau au rythme du métal décalé des revenants de Psykup. Au programme, des motifs funky, des chemises de vacanciers et un débardeur à palmiers (peut être empruntés aux Idles ?) côtoient la brutalité et les pilonnages réglementaires. Le groupe toulousain joue avec un public déchaîné et évoque même une ancienne gloire du football sochalien, Faruk Hadzibegic. Les joyeuses bousculades et les sauts sur place nous renverraient presque dans la tribune Nord du Stade Bonal ! Bref, ça groove et ça slamme sur la petite scène des Eurocks.

21h45, c’est la Plage qui nous attend avec le show des prometteurs et excitants Parcels, une des grandes révélations musicales de cette année, produit par le mythique label Kitsune. Titres très funky, grosse ligne de basse, on navigue entre Nile Rodgers avec Daft Punk ou les Bee Gees, et les Australiens transforment très rapidement la plage en un immense dance floor à ciel ouvert, le tube Overnight se chargeant de convaincre les derniers (et rares) récalcitrants. Les jeunes musiciens sont très heureux d’être là, souriants, remerciant le public à de nombreuses reprises. Un show enthousiasmant pour ce concert de retro-pop funky (où même les vêtements donnent l’illusion d’un voyage dans le temps) mené avec une belle maîtrise par ce jeune groupe qui sans nulle doute va continuer à faire parler de lui.

La parenthèse enchantée Parcels refermée, l’enchaînement sans transition se fait avec Gojira. Sur la Green Room, ça groove moins mais ça dérouille avec le groupe le plus bourrin de cette édition 2017 ! Formation qui n’est pas peu fière d’être invitée pour la troisième fois aux Eurockéennes. Du coup, la bande emmenée par Joe Duplantier nous sort le grand jeu : wall of death, jet de fumées, puis de flammes histoire de réchauffer (un peu plus) l’atmosphère, feu d’artifice, son énorme,… Bref tout y passe de façon à faire trembler le sol sur un large périmètre. Quitte à faire de l’ombre à Gracy Hopkins sur la Plage voisine. Faisant appel à des titres anciens comme à les plus récents issus de Magma, le groupe bouscule le public et s’amuse sans aucun doute. Le frontman se permet même d’échanger son poste avec Mario, son frère et accessoirement batteur. L’ambiance est telle qu’un premier homme en fauteuil roulant par en slam au-dessus de la foule. On se croirait au Hellfest !

Sans doute le grand rendez vous rock de la journée, arrive le concert d’Editors pour une de leurs rares dates de l’été en France. Dans un décor post-industriel très sombre, c’est vêtus de noir que les musiciens pénètrent sur la Grande Scène peu après 23h30. Un titre inédit pour commencer, avant l’imparable Sugar accompagné d’un jet de flammes ; il n’en fallait pas plus pour enflammer la place, avec des fans heureux d’entendre en live les joyaux de l’album The Back Room (Munich, Blood) ou de An end has a start (comme le sublime Smokers outside the hospital doors). Les musiciens au jeu si élaboré et précis s’en donnent à cœur joie, avec ou sans guitares (pour des titres plus électros), saluant à de nombreuses reprises, pouces levés, le public tombé sous le charme. Des titres récents (comme Marching Orders) prolongent le plaisir de voir jouer ce groupe extraordinaire avant une version étirée époustouflante de Papillon, titre parfait pour clôturer un spectacle stupéfiant de bout en bout. Mains sur les épaules, le groupe tout sourire salue longuement les spectateurs venus en grand nombre : les guitares anglaises ont amené émotion et bonheur sur le site belfortain. Une contagion à laquelle il fut impossible de résister : c’est sans doute ça « l’effet papillon ».

A peine remis de nos émotions, direction la Green Room pour assister au concert du groupe La Femme, groupe dont la réputation scénique n’est plus à faire et qui avait déjà enthousiasmé les Franc-Comtois lors du dernier festival Détonation. Dès les premiers morceaux, comme Sphynx, accompagné par une danseuse mystérieuse et envoutante allégorie de la sirène moderne, le groupe fantasque et talentueux déploie les titres qui prennent vraiment tout leur sens sur scène, comme Mycose ou Où va le monde. Accompagné de DJ Pone, une ambiance plus hip hop se dévoile, avec toujours des guitares, mais peut-être pas avec l’explosion attendue et le caractère festif que l’on pouvait espérer. L’ensemble a été toutefois de fort belle tenue et le groupe a une nouvelle fois répondu présent.

C’est enfin avec l’électro savante et raffinée de Moderat que la journée se termine peu à peu. A noter l’intérêt autant musical que graphique, sorte de groupe total créant un visuel magnifique et particulièrement soigné. A consommer sans modération.

 

-Benoît GILBERT, Julien LAGALICE

-Crédit photos : Eric (Sauf Psyup : Benoît GILBERT)

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