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BRIAN JONESTOWN MASSACRE, Don’t Get Lost

Affaires judiciaires obligent, revenons quelques semaines en arrière pour couvrir un procès qui a failli être éclipsé par d’autres événements : la sortie du dernier BJM, Don’t get lost. Morceaux choisis d’une audience tonitruante. (…)

-Le Juge : Faites entrer l’accusé. Vous êtes Anton Newcombe, un des membres fondateurs du groupe Brian Jonestown Massacre.

-Anton Newcombe : Pardon ?! Unique fondateur des BJM. Également compositeur, parolier, multi-instrumentiste, producteur. …

-Le Juge : Oui oui, on vous connaît ; votre nom n’est pas inconnu. Vous avez 49 ans. Vous êtes accusé par ce tribunal musical de produire seul de la musique jusqu’à plus soif sous l’appellation « BJM » et cela au risque de vous répéter. Preuve en est ce seizième opus, Don’t get lost, réalisé dans votre désormais repère allemand, le Cobra Studio pour ne pas le citer, et sorti peu de temps après Third world pyramid, le 28 octobre 2016, soyons précis. Alors, que plaidez-vous ? D’ailleurs, où est votre avocat ?

-Anton Newcombe : Non coupable. Et je souhaite me défendre seul. On n’est jamais si bien servi que par soi-même dans ce bas-monde.

-Le Juge : Soit. Veuillez développer vos arguments.

Anton Newcombe : Bon. On m’accuse de composer trop vite et de laisser trop peu de temps à mes disques afin de mûrir et d’être appréciés à leur juste valeur. Cela m’importe peu ! Je suis un insatiable, un insoumis aux règles d’une industrie qui ne m’a jamais pris au sérieux. On me reproche d’employer toujours les mêmes recettes ? Oui et alors, est-ce un délit ? Il y a un public pour la musique psyché surf et il faut le nourrir. Dans ce disque, je suis fier d’Open minds now close, Resist much obey little ou la western et groovy Fact 67, des titres entêtants aux contours psychotropes et sonnant comme aux premiers jours du groupe. Avec un tambourin de surcroît.

Néanmoins et depuis dix ans, j’ai introduit des machines dans mon oeuvre ; des boucles parcourent les morceaux précités. J’en veux pour preuve Throbbing gristle : dans cette autre chanson à la mi-temps du disque, un tonnerre sonore se répète inlassablement grâce au bruit une guitare pluggée sans ménagement et gonflée à bloc par des effets. Chose inconcevable à mes débuts. Idem pour Groove is in the heart qui m’est clairement inspirée pour son aspect patchwork par Tomorrow never knows des Beatles. J’expérimente, voilà tout.

 

Une fois n’est pas coutume, j’ai convié nombre d’artistes à la création de ce LP; je n’étais pas seul contrairement à ce qu’avancent mes détracteurs. J’ai beau savoir jouer de plus de 80 instruments, s’il vous plaît, j’ai laissé Pete Fraser exceller au saxophone sur Geldenes herz menz. Par ailleurs, les membres du BJM ont eu voix au chapitre: les guitaristes Ricky Maymi et Ryan Van Kriedt, le batteur Dan Allaire et le bassiste Collin Hegna ont amené davantage de groove à cet ensemble très shoegaze. Tim Burgess du groupe The Charlatans a même eu accès au micro sur Fact 67. C’est pour dire.

 

Cette réunion de talents a abouti par exemple à One slow breath, une ritournelle downtempo introspective et synthétique. Oui c’est hypnotique M. le Juge, oui c’est minimaliste et le titre dure plus de 7 minutes, mais ça ne sonne pas comme du BJM d’antan… J’ai gagné en sérénité et je m’en expliquerai plus loin. De même, Charmed I’m sure est une berceuse soutenue par un orgue dézingué, ni plus ni moins. Une berceuse ! Et que dites-vous des titres suivants, à savoir Geldenes herz menz, Acid 2 me is no worse than war et Ich bin klang ? Avez-vous écouté l’album dans son entièreté ? La première tend vers un univers électro jazzy des plus cristallins ; une resucée ? Je ne crois pas ! Les suivantes flirtent, il est vrai, avec l’acid music et les dancefloors, mais qui aujourd’hui ose clôturer son album avec une chanson enfantine, dissonante et déclamée en allemande?

 

Enfin, je souhaite finir ma plaidoirie en beauté. En marge de morceaux purement instrumentaux et de quelques-uns chantés par moi-même, ma femme, Tess Parks, me remplace sur plus d’un titre. Prenez par exemple Dropping bombs on the run. Derrière ce morceau au titre radical, mon âme sœur offre toute la délicatesse et la lumière nécessaires à mon œuvre que vous jugez monolithique. Au pire, je ne singe que ma proche personne. Qu’on me laisse créer mes chansons. (…)

 

-Le Procureur : Deux charges pèsent sur cet individu, M. le Juge. Premièrement, capable de composer plus vite que ne dégainent les chroniqueurs, voici un homme qui pousse au délit de plagiat les critiques rock ! Vous avez à peine apprécié Third world pyramid, que ce boulimique musical vous assène le coup de grâce avec un nouvel album de 14 pistes aux titres farfelus. Seize disques en 25 ans de carrière. 16, M. le Président, vous vous rendez compte ? Et je passe sur les EPs et autres collaborations avec des artistes variés, dont Madame Parks.

Cette production frénétique devient plus limpide si l’on s’appuie sur les propos passés de M. Newcombe. En effet, il déclara dans le rockumentaire Dig !, je le cite, « vouloir révolutionner le monde de la musique ». Des mots lourds de sens et datant de 2004 ! Un acte prémédité, mené par un Don Quichotte parti à l’assaut de l’industrie musicale. Cet homme a sciemment orchestré le naufrage de ce secteur économique, déjà affaibli, sous un raz-de-marée de productions hétéroclites afin de créer une révolution (sonore) permanente. Je vous propose donc la peine suivante M. le Juge: lui retirer de façon définitive et dans les plus brefs délais ses instruments. Prenez soin de tout confisquer, jusqu’aux percussions les plus insolites : il serait encore capable de réaliser un disque avec ! Mettez également sous séquestre sa/ses console(s) d’enregistrement, on ne sait jamais. (…)

 

-Le Juge : Le tribunal, après en avoir délibéré de façon contradictoire et après avoir réécouté votre discographie (longue comme un bras), vous déclare Anton Newcombe non coupable de l’ensemble des faits présentés. Votre argumentaire est solide et avez vous-même reconnu certains points qui vous étaient reprochés. Toutefois, nous vous demandons de laisser passer une période de deux ans afin de permettre aux auditeurs de BJM de souffler, de s’approprier les nouveaux albums et de se souvenir ce que sont l’impatience et le désir induits par la sortie future d’un nouvel album. Vous pouvez rejoindre votre studio.

Affaire suivante, M. Ty Segall …

 

  • Benoît GILBERT

Artiste : BRIAN JONESTOWN MASSACRE
Album : Don’t get lost
Label/distribution : ‘A’ Recordings
Date de sortie : 24/02/2017
Genre : rock psychédélique / surf pop
Catégorie : Album rock

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