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RIVAL SONS, dimanche 5 février 2017, La Laiterie – Grande Salle, Strasbourg (67)

Attention, concert au caractère historique. Et en quoi cette prestation de Rival Sons serait-elle majeure en ce dimanche 5 février 2017 à Strasbourg ? Ils joueront ailleurs après. À Paris de surcroît ! C’est vrai, mais la veille les Californiens étaient à Birmingham et partageaient la dernière scène de Black Sabbath. Un groupe en chasse un autre, un peu comme un flambeau qui se transmet et qui perpétue la flamme d’une musique issue du blues rock…

 

Pour ouvrir cette tournée européenne baptisée Teatro Fiasco Touré, les Californiens sont épaulés de Howie Pyro et de Derrick C. Brown. Le premier, un temps membre du cultissime Danzig, est un DJ qui meuble ce début de soirée à l’aide de disques old school puisant dans le psycho surf, le rockabilly ou encore le rock’n’roll. Musique d’ambiance mais également bande-son pour un visuel érotique, car sur l’écran qui trône au fond de la scène, une vieille pellicule noir et blanc offre le défilé de femmes effectuant des strip-teases, accompagnées de serpents et jouant avec des flammes qui courent sur leur corps luisant… Sacrée mise en bouche.

À 19h30, Jay Buchanan entre une heure avant le début du show. C’est le chanteur himself qui introduit le second personnage, Derrick C. Brown. Ovation. L’homme s’avance sur le devant de la scène ; costume noir et l’air sérieux, semblable à un pasteur prompt à faire un sermon. Cet aède des temps modernes est une découverte. S’installant un temps au clavier pour mettre en mélodie son texte, on comprend vite qu’il s’agit d’un playback sciemment raté. Voilà Derrick C. Brown, un poète mais surtout un comédien et un performer qui réussit le tour de passe-passe de communiquer avec une foule pas toujours encline à maîtriser l’anglais. Peu importe, pendant une large demi-heure, armé d’un baladeur mp3, il met en musique des titres piochés dans son ouvrage Uh-Oh, tantôt des poèmes, tantôt des histoires courtes. Certains tiennent de la saillie et le terme n’est pas galvaudé quand l’homme derrière le micro narre une entreprise sexuelle. Mots « fleuris », cris évocateurs, soupirs salaces et diction saccadée font sourire une salle presque pleine. Brown ne manque pas d’humour et conclue même avec un poème à demi-chanté sur un beat électro. Une bizarrerie de plus dans ce théâtre aux allures burlesques. Passée cette parenthèse débridée, Howie Pyro nous distille de nouveau sa musique rétro de années 50-60. Une seconde fois, des images de femmes s’effeuillant habillent le grand écran.

 

20h30 pétantes, noir. Ennio Morricone et le thème Du Bon, la Brute et le Truand traversent La Laiterie. La bannière des Rival Sons s’élève lentement jusqu’à la dernière note introductive. Le groupe prend place et attaque bille en tête avec Hollow Bones part 1, un premier titre qui donne le ton: du blues rock hargneux. Une remarquable entrée en matière qui se conclue par une guitare aux antipodes du genre, rapprochant le véloce et classieux Scott Holiday (lunettes de soleil, costume et chaussures vernies, SVP) d’un Jack White, les Gibson Firebird customisées en plus. Les morceaux suivants sont également extraits du dernier album en date, la très black-keysienne Tied up et Thundering voices, dont le riff trituré par un octaver rappelle les White Stripes. Sensationnel.

De son côté, Jay Buchanan place d’emblée la barre très haut. Visuellement et techniquement parlant. Renvoyant prématurément ses boots au vestiaire (le reste du concert se fera donc pieds nus !), il est pourvu d’une chatoyante veste à fleurs, d’immenses bagues s’accrochant inlassablement au micro et d’un large décolleté laissant apparaître de nombreux colliers. Le frontman a les yeux fermés et multiple les gestes en direction du ciel, comme investi d’une mission solennelle… Sa prestation est à couper le souffle tant l’homme s’économise peu. Sa puissance vocale est indéniable, mais sa justesse est encore plus mémorable. Crier est un art.

 

Avec Electric man et Secret, vient le temps d’exploiter les pépites explosives de l’album Great Western Valkyrie. Michael Miley est survolté derrière sa batterie. Pressure and time lui offre le loisir de lancer ses baguettes mais elles atterrissent, hasardeuses, à ses abords et non dans ses mains. Le frappeur au chapeau melon en rigole. Quelques moulinets pour épater la galerie et c’est reparti. Ni vu ni connu.

 

Entre jams (Holiday se régale avec sa bague-bottleneck et slide à tout-va) et échanges chaleureux avec le public, le groupe est à l’aise et explique qu’il a vécu quelque chose d’émouvant la veille au soir, avec la fin de la tournée The End de la bande à Ozzy. Une page s’est (définitivement ???) tournée mais Rival Sons entretient la nostalgie avec sa setlist. Sur Belle Starr, tout semble indiquer – même le clavier tenu par l’ultra-barbu Todd E. Ögren-Brooks – que l’ombre du Led Zep plane au-dessus de la capitale alsacienne.

 

La formation de Long Beach remonte le temps et offre une plongée grandiose dans un hard rock au firmament avec You want to, Tell me something ou la balade Face of light, qui permet à certains couples de se câliner. Quant ce n’est pas Buchanan qui déploie sa force vocale tel un jeune Steve Tyler, c’est Holiday qui renvoie clairement à Joe Perry. Toujours dans cette veine, Torture lorgne aussi en territoire funky tant la basse de David Beste et les fûts de Miley déposent un groove irrésistible et décuplé par des choeurs chaleureux lors du refrain.

Indubitablement, le groupe joue avec les émotions, sachant alterner les temps forts susmentionnés et ceux qui font vibrer la corde sensible, notamment grâce à la suave Fade out ou encore la déchirante Where I’ve been qui est dédiée à un ami disparu. Riche en tremolos, l’organe de Buchanan berce et déploie une tristesse infinie à cet instant précis.

Chauffé à blanc, le public est prêt à encaisser Open my eyes. Brûlant comme des braises, le single repris par l’assemblée se termine dans un solo batterie éruptif. Détenteur d’un feu sacré, le groupe conclue le show sur sa lancée. D’abord avec le titre aux accents psyché-soul Hollow bones part 2. Dans une transe quasi-chamanique (souvenez-vous les pieds-nus, les bagues, les colliers de perles …), renforcée par une guitare errante au gré des glissés distordus et des beats musclés décochés par la section rythmique, Buchanan se loge dans la peau d’un Robert Plant. Et d’une voix pénétrante, entonne les derniers vers a capella. Un somptueux frisson traverse alors la Grande Salle. La bien-nommée Keep on swinging achève une soirée durant laquelle la Laiterie s’est remuée au rythme d’un blues rock détonant.

 

Après 1h40 de concert sans faute note, certains se congratulent d’être là et d’avoir assisté à un grand moment. Le Teatro Fiasco Touré débute par un succès. On approche de minuit en ce dimanche pluvieux lorsque les musiciens s’apprêtant à partir se plient au jeu des autographes, des photos et des poignées de main. Demain, c’est Paris qui aura le privilège d’accueillir les généreux Rival Sons, fils désormais adoubés par Black Sabbath. Le roi est mort, vive le roi !

 

  • Benoît GILBERT

Crédits photos : Benoît GILBERT

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