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DUCHESS SAYS

Avis de tempête sur le Marché Gare à Lyon ce mercredi 23 novembre. Sous l’égide de Devo, flanqués de leur dernier assaut Sciences Nouvelles, les canadiens de Duchess Says ont renversé la salle au cours d’un de ces concerts dont vous ne sortez pas indemnes. On a pu discuter avec Annie-Claude juste avant que celle-ci ne transforme le Marché-Gare en terrain de jeu.

C’est votre dernière date en France, après Nantes, Paris et Metz. Comment les as-tu vécues ?

Très intensément ! A Nantes, on a joué dans une université, donc c’était plutôt un défoulement collectif, je pense que les gens ne connaissaient même pas notre groupe. Paris était très déjanté et le concert de Metz a eu lieu dans une église, ce qui correspondait bien à notre projet de la Church of Budgerigars. Cela faisait trois fois (pour trois tournées) qu’on annulait Nantes. La première, à cause d’une tempête en rentrant sur scène ; puis parce que j’avais attrapé la grippe. La ville était donc entourée d’un espèce de “sort” et on était un peu superstitieux d’y retourner.

Entre cette tournée et la dernière, vous avez construit votre propre studio d’enregistrement…

Dans le fond, parce que ça coûte cher d’aller en studio, et aussi parce que ça nous permet d’y aller à notre rythme, quand on veut. On peut prendre notre temps et expérimenter.

Est-ce que l’expérience de la scène a influencé cet album ?

Pas vraiment. Je dirais plutôt que l’on fait des compositions qui se transforment ensuite avec le live, mais on n’y pense pas dès le départ. En les faisant en live, les tonalités sont trop lentes alors on les accélère, on les modifie au fur et à mesure.

Tu es souvent décrite comme une performeuse, c’est un statut qui te colle à la peau. Est-ce un talent que tu t’es découvert sur la scène musicale ou qui t’incarnait auparavant ?

C’est marrant car je ne pense pas à cela. Je ne me définis ni comme performeuse, ni comme chanteuse. Je m’amuse juste, je fais ça depuis que je suis petite. Je suis enfant unique et quand j’étais jeune, je m’ennuyais, donc je faisais des niaiseries avec une caméra vidéo. Là, je me retrouve à faire des niaiseries sur de la musique. Le côté performance, c’est juste une extrapolation de ces niaiseries. Je ne me porte pas de jugement à moi-même et je me permets de faire n’importe quoi.

Tu as eu des modèles ?

Avec le temps, j’ai laissé tombé les modèles, je ne veux pas suivre ni m’imposer d’esthétique : une esthétique trop précise encadre et limite.

Ce nouvel album s’appelle Sciences Nouvelles. Est-ce une façon de concevoir la musique comme une science pour lui donner sa légitimité ? Ou au contraire, de voir ça comme l’envers de la science, une rupture de rationalité ?

C’est plus au niveau de l’expérimentation, c’est comme avoir créé un laboratoire pour dénaturer notre propre son. Notre musique est instinctive, non réfléchie ; elle fait sens, mais ce n’est pas banalisé.

Le magazine Gonzaï vous a décrit comme du “glam shooté à la codéine”… Pourtant, on ne peut pas dire que vous êtes soporifiques sur scène ! Quelle substance vous décrirait mieux ?

Le glam ne nous représente pas vraiment : c’est une attitude qui ne nous correspond pas, on est plus minimalistes. Quant à la codéine, ça endort… ce sont deux termes un peu à côté de la plaque. Mais la dopamine nous irait, comme thérapie, défouloir, canalisation. Quand on ne fait pas de show, c’est notre équilibre mental qui ne va pas !

En terme d’influences, qu’est-ce qui a nourri cet album ?

On avait envie de prendre pour modèle un diagramme scientifique avec des hypothèses et de l’imager, comme pour Talk In Shaps… C’est le visuel qui nous a conduit, un visuel à mettre en musique. Il y a aussi eu des passages de films. Ainsi que les Talkings Heads, qu’on a beaucoup écouté, et Suicide, la no-wave. J’ai trouvé une vieille revue des années 90 dans laquelle il y avait des illustrations avec lesquelles on a fait le visuel de l’album. En faisant des recherches, on a découvert que l’auteur s’appelle Istvan Orosz, il vient de l’Europe de l’Est. Toute son esthétique a inspiré notre album. Je trouvais ça drôle d’avoir acheté une vieille revue, de l’avoir laissée traîner, de voir cette image-là sans l’aimer et finalement, à force de la voir, de comprendre que c’est ça qui nous correspond. Et les lettres dessus correspondent à la Church of Budgerigars.

Vous avez illustré le clip d’ I Repeat Myself avec des passages VHS. Cela m’a fait penser à l’esthétique de récupération d’un groupe comme Technical Kidman.

Cette chanson-là était plus pop, donc on ne voulait pas de vidéo léchée. Il faut toujours qu’il y ait une espèce de contradiction, une perspective. Je faisais des films quand j’étais jeune donc ça me rappelle quelque chose, j’ai l’impression de faire du neuf avec du vieux, mais qu’en même temps c’est toujours la même chose, ça se répète. Ce serait plutôt Sonic Youth et ses caméras / clips cheap qui nous aurait influencé là-dessus.

Quand tu écris en français, textes et morceaux sont beaucoup plus bruts. Comment est-ce que tu choisis la langue dans laquelle tu vas écrire ?

C’est vraiment la sonorité. Comme sur Travaillez, je ne me suis pas dit “je vais écrire un texte en français” ; ça sort comme ça, c’est spontané, il faut que les sonorités percent et deviennent des mots.

Il y a cette chanson qui s’appelle Poubelle, dans laquelle vous jouez sur des poubelles justement…

C’est inspiré de Pussy Galore, de Boss Hog, dans l’idée de faire quelque chose de vraiment lo-fi.

Et qu’est ce que tu mettrais à la poubelle dans les musiques actuelles ?

Je mettrais tout ce qui est fake. Tous ceux qui font de la musique pour des raisons superficielles.

Vous avez intégré dans Sciences Nouvelles des titres présents dans le split avec Le Prince Harry, dont Travaillez. Travailler, sur la version split, se finit par un “r” ; et sur la version de l’album, par un “z”. pourquoi ce changement ?

En fait, on a fait deux versions, avec des changements dans la longueur. Le but était juste de distinguer la version split et la version album.

Un peu de brainstorming pour finir. Pourrais-tu faire correspondre une humeur avec chacun des titres suivants ? :

Inertia : la solitude

Travaillez : l’ennui

I Repeat Myself : le désespoir

Talk In Shapes : l’espérance

Negative Thoughts : la déception

 

 

Crédits photos : Gilles Garrigos

 

Merci à Annie-Claude pour son enthousiasme et son humilité, au Marché Gare pour l’accueil et à  Dom pour la dopamine.

 

 

 

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