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FIL BO RIVA, If You’re Right, It’s Alright (EP)

Éviter les préjugés. Voilà une règle à graver quelque part, peut être sur des tablettes… En effet, armé d’un nom de scène qui fleure plus la world music qu’autre chose, Fil Bo Riva nous gratifie – et le verbe n’est pas galvaudé – de  5 titres de folk tous azimuts à écouter impérativement !

FBR c’est d’abord une voix, oui une voix démentielle qui mériterait à elle seule un article, c’est pour dire. Suivez donc l’injonction en toute quiétude, vous ne serez pas déçu(e) du voyage. Pour ceux qui auraient encore un doute, voici la chronique du poignant If you’re right, it’s alright.

Présentons rapidement le personnage. Baroudeur ayant profité de l’ouverture des frontières européennes, Fil Bo Riva, de son vrai nom Filippo Bonamici a séjourné dans quelques grandes villes du Vieux Continent. Rome, Dublin, Madrid, Munich et Berlin lui ont permis de dégoter des petits boulots et de faire ses études. Après ces années formatrices, il se tourne enfin vers la musique, en tant qu’autodidacte. Fort de ses pérégrinations, le Romain finit par poser ses valises chez Pias pour réaliser la précieuse galette.

Et cette voix alors ?

Un organe de crooner chevronné dans le corps d’un jeune bellâtre ! Filippo est un self-made-man, autrement dit, il chante avec ses tripes et sans ménagement. Sa voix est brute et rugueuse en toute occasion. S’offre à nous un chant instinctif, primaire et en cela il fait écho à son pendant féminin, Beth Ditto, dont les interprétations sur scène sont radicales, tout style musical mis à part bien sûr. Des similitudes avec George Ezra sont possibles, mais avec un côté ténébreux et plus roots. Par exemple, de multiples petites interjections ont leur place sur ces 5 extraits au même titre que sa prose tourmentée. Le zéro fioriture n’est pas loin ; bien joué la prod’. Rarement doublée – hormis sur le second couplet de Killer queen – la voix chaleureuse est résolument râpeuse et plaintive. Quelques chœurs s’immiscent ici et là, de façon maligne, afin de parfaire l’ambiance sur l’ensemble de l’album.

La tessiture de voix et certaines intonations rappellent Benjamin Clementine, notamment dans le dernier titre, The Falling. Ici même, le bel organe de l’Italien s’échappe dans les aigus, histoire de révéler l’étendue de sa palette vocale.

Enfin, comment ne pas évoquer Tom Waits, tant les lamentations rocailleuses et abrasives font penser à cet artiste majeur (notamment sur Greeningsless). Ce timbre semble celui d’un possédé à certains moments tant l’interprétation paraît furieuse (refrains sur l’excellente entrée en matière Like eye did). Bref, des décennies de bourlingue, d’alcool et de fumée auraient eu également raison de cette voix… Non, Filippo ne compte que 24 printemps à son actif !

Quid de la musique ?

FBR propose une folk débridée. Tantôt bluesy, tantôt rock, voire soul, le Romain chante ses peines et exorcise phonographiquement ses malheurs affectifs. Comme toute complainte, Fil y va crescendo, titre après titre. Et c’est une constante est à noter : le dépouillement introductif laisse rapidement place à une interprétation intense et sans concession. Il expose sans retenue ses émotions et n’hésite pas à jouer avec, quitte à proposer des fins souvent délicates, sonnant comme un renoncement, comme une défaite. (The Falling, Like eye did).

La part belle est globalement confiée à des guitares acoustiques ou électriques insufflant des riffs simples et des arpèges cristallins dépouillés. Les grattes sont parfois même évanescentes et minimalistes, au point de remémorer la pop mélancolique des XX (Killer queen). Cette tristesse viscérale traverse de part en part ce mini-album, des premières notes de Like eye did jusqu’au point d’orgue de The Falling.

À cela, s’ajoutent des sonorités et des univers musicaux variés: des claquements de langue (on pense encore à Tom Waits), une basse robuste, grande complice d’une batterie simple mais gonflée à bloc viennent compléter une orchestration plus rock (le pont de Greeningless).

Avec Franzis, la pop music se profile : les paroles désabusées sont contrebalancées par une section rythmique et une guitare pleines de swing, invitant à la danse. (You come down to me please me / And you leave me / Teasing other men).

Enfin, sur The falling, un piano remplace les fidèles 6-cordes des morceaux précédents afin d’accompagner la voix caverneuse du prodige. L’ambiance est très cabaret, à la croisée d’un Benjamin Clementine et de Tom Waits.

À l’instar de la voix, la production a gardé intactes les prises de son, avec toutes les imperfections possibles. Sur l’intro de Greeningless, les cordes nylon sont sèchement attaquées, voire écrasées offrant un caractère intimiste et vagabond à la chanson. Cet esprit folk old school se retrouvent également avec certaines notes qui frisent sur la fin du même morceau, tandis que des slides parasites sont présents sur Killer queen. C’est un choix artistique qui garantit un caractère authentique à l’enregistrement ; on imagine une session sauvage, proche du bootleg.

Avec ses faux airs de brun ténébreux, tel un Jeff Buckley ressuscité, Fil Bo Riva nous offre un EP admirable et automnal. If you’re right, it ‘s alright est un manifeste brut de décoffrage, aux frontières de la folk rageuse, nourrie par une douloureuse rupture, et d’un profond blues. L’homme apparaît fragile et tempétueux tant le chant est radical et bouleversant. Une alchimie parfaite pour un premier essai réussi.

Pris sous l’aile de la maison de production allemande Pias, souhaitons au « latin lover » que ce partenariat soit profitable et qu’il lui offrira la renommée qu’il mérite. Car force est de conclure qu’aujourd’hui son audience demeure très confidentielle. Une aberration pour un artiste au potentiel impressionnant. Un diamant brut.

 

  • Benoît GILBERT

Artiste : Fil Bo Riva

Album : If You’re Right, It’s Alright (EP)

Label / Distribution : [PIAS]

Date de sortie : 23 septembre 2016

Genre : folk rock

Catégorie : Album rock

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