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THE GROWLERS, City Club

Désireux de sortir des sentiers battus, The Growlers ont réalisé avec City club un album plus sombre que les cinq galettes précédentes. Le résultat est intéressant et lorgne vers le noctambulisme. Cependant, cet opus est également discutable, tant la patte du producteur, Julian Casablancas, est omniprésente. Quand des néo-hippies rencontrent le revival new yorkais, ça sonne comme du Strokes, mais avec une touche de soleil.

La chanson éponyme ouvre l’album sur un riff tout droit sorti d’un dancefloor enfumé, façon Studio 54. La voix de Brooks Nielsen est éraillée et saturée ; sa signature vocale. Quelques interventions de guitares évoquent la surf music. Néanmoins, dès le premier refrain, un constat s’impose : on dirait du Strokes, avec ce côté très heurté dans l’enchaînement des accords. City Club n’en demeure pas moins efficace mais cette similitude est incontestable. Passons.

La piste suivante, I’ll be around débute sur un rythme semblable à une déambulation, toutes claves et les guitares syncopées dehors. L’ambiance est entraînante, tout comme le refrain dominé par des chœurs s’opposant aux interventions nonchalantes de Nielsen. Passé les deux tiers du titre, le clavier de Kyle Straka s’installe et sonne très Pink Floyd. L’impression d’être en plein périple au milieu de la nuit, avec le groupe dans les rues de la Grosse Pomme, entre deux prises de son, est palpable.

Avec un beat électro tenace, un clavier évanescent et un bourdon en guise de basse, Vacant lot est un titre tout aussi noctambule. Une ambiance revival et psychotique, charriée par les voix de bourlingueurs placées en stéréo, rappelle le Nightclubbing d’Iggy Pop (à apprécier pleinement au casque et en vadrouille !). Yeux hagards et atmosphère hasardeuse, voire glauque émanent de ce titre bien inspiré et stupéfiant. Perdu dans un terrain vague, le refrain ressemble à une descente pleine d’angoisse et douloureuse, telles des montagnes russes (Way down in the valley of the mud / It opens and closes / Before you can get back up).

Le triste périple se poursuit jusqu’au petit matin avec Night ride. Le thème musical rappelle la disco avec une batterie qui claque et sa basse exubérante. Le refrain se pare de coton avec les notes distillées par le guitariste Matt Taylor; une boule à facettes semble étinceler au ralenti la salle. Ce léger flirt avec la surf pop s’oppose aux paroles évoquant l’absence et la peine qui en découle (Tomorrow night ‘ll go on without you / ’Till dawn and no one will care). Serait-ce une référence au départ récent du batteur Scott Montoya ?

Dope on a rope s’apparente à une ritournelle hallucinatoire. Ici, la basse ronronne et guide l’auditeur à travers le dédale de guitares égrainant des arpèges étourdissants. L’ambiance tutoie singulièrement le Reptila des Strokes : prérefrain, intonation, traitement de la voix, accélération de la boîte à rythme, tout y est. Bref, une resucée efficace car entêtante, et cela avec la bénédiction de Casablancas, s’il vous plaît.

When you were made débute avec une guitare acoustique et enjouée. On penserait même à du Pete Doherty jusqu’à ce qu’un clavier lourdingue, disons-le clairement, s’installe. La mélancolie suinte mais la mayonnaise ne prend pas. La chanson semble interminable ; dommage. Premier coup dans l’eau.

S’appuyant sur un rythme très jungle, Rubber & Bone se pose comme un nouveau titre électro pop. Les instruments sont ponctuels et bardés d’effets, tout comme la voix quelque peu fatiguée. À l’instar d’I’ll be around, cet extrait se veut dansant mais peine dans son entreprise. La débauche de sons synthétiques, saturés et le manque de véritables riffs n’arrangent rien.

The daisy chain s’affirme comme la chanson aigre-douce de l’album. Tranchant radicalement avec les autres, cette pop song, dominée par un clavier rappelant Metronomy et des vibes, semble être un rayon de soleil, néanmoins les lyrics ne sont pas à la fête (Don’t wanna make them feel my pain / I don’t wanna push them all the way).

World unglued est le titre surf music. Fans de la première heure, ce morceau est pour vous ! Oui vous qui avez été patients et n’avez pas jeté ce disque gorgé de reniements. Vous avez tenu jusqu’à la neuvième piste, à vous l’ambiance ensoleillée et les guitares californiennes …

Après cet instant de récréation chez les hippies, come back sur la côté Est des Etats-Unis avec Neverending line et Too many times. Basse rutilante, guitare faussement rageuse, on reprend la formule du producteur et on fait du Strokes. Sur le second titre, le grand gourou prête sa voix pour un couplet. Cette dernière est toutefois très effacée et sous mixée (fausse modestie ?) et le groupe se laisse aller à vau-l’eau à partir du pont. L’auditeur a droit à du remplissage de piètre qualité, à base de claviers baveux et ringards.

Blood of a mutt apparaît telle une complainte. La chanson est lente, voire traînante tout comme la voix du chanteur. La guitare est sommaire jusqu’au solo franchement cradingue. Un morceau décevant et finalement superflu. Tout le navire The Growlers semble s’être perdu en cette fin d’album. Bravo capitaine Julian !

L’opus se referme avec Speed living, un titre où le saxo redonne un cap à l’équipage. L’aspect surf music (le son de la guitare notamment sur le pont) côtoie une ambiance très Bowie. La voix éraillée et limitée de Nielsen semble fournir les derniers efforts.

City Club est un disque qui se laisse écouter, et même apprécier, du moins pour la première moitié. Plus noir que ses prédécesseurs, cet album crépusculaire est traversé par une insomnie volontaire (Night ride). Toutefois, deux bémols sont à noter. Premièrement, 13 chansons inégales, c’est trop ! Pis, certaines tirent en longueur. Bref, de la concision n’aurait pas fait de mal. Deuxièmement, la mainmise de Casablancas est indéniable. Obligeant les Grogneurs à faire un grand écart musical. Le son surf music et psyché  – encore présent sur Chinese Fountain (2014)  – s’est profondément dilué. L’esthétique low-fi a dégagé au profit d’une production plus sophistiquée, plus puissante, avec des basses importantes, éclatantes, etc. Bref, un son East coast, artificiellement revival et garage pour des Californiens loufoques, ça sonne faux. Cela au risque de déplaire aux fans qui sanctifieront les 5 premières productions et jetteront l’anathème sur ce dernier né, trop mainstream. Ces brebis égarées pourront toujours se repaître auprès des fidèles Allah Las ou du fantasque Devendra Banhart ayant sorti également il y a peu son dernier opus, Ape in pink marble

 

  • Benoît GILBERT

 

Artiste : The Growlers

Album : City Club

Label / Distribution : Cult Records

Date de sortie : 30 septembre 2016

Genre : surf rock

Catégorie : Album rock 

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