Logo Sensation Rock

INTERVIEW : GENERAL ELEKTRIKS

Le 30 septembre dernier, General Elektriks se produisait au festival Détonation de Besançon. La question d’insérer du VJing dans le spectacle de cette tournée s’était posée. Mais en cinéphile passionné, le claviériste Hervé “RV” Salters préfère retranscrire de l’image directement par sa musique. Nous avons rencontré General Elektriks à quelques heures de son concert lors du festival Détonation.

 

Sensation Rock : Le temps qui s’écoule entre tes albums est assez long, notamment entre les deux derniers. On sait que tu as également d’autres projets à côté. Dans la période, prends-tu un recul ponctué de décisions (d’arrêter) et de retrouver une envie ?

Hervé Salters : Oui. Il est important pour moi que General Elektriks parte toujours d’une envie. Je ne veux pas entrer dans un cycle d’habitudes à faire un disque parce que je viendrais de finir une tournée après laquelle je ferais un nouveau disque et ainsi de suite. Il ne faut pas que ce soit la routine. A la fin de la tournée Parker Street (l’avant-dernier album) j’étais épuisé, j’avais besoin d’un break. Et puis je n’avais plus spécialement l’envie. Je suis alors parti faire d’autres choses jusqu’à ce que l’envie revienne en espérant qu’elle revienne. Elle m’est revenue au bout de deux ans. J’avais fait des musiques de film et de séries, plus le projet Burning House avec Chief Xcel Blackalicious qui est un grand copain à moi de la région de San Francisco. Je me suis donné du temps pour le nouvel album car je ne voulais pas presser trop l’affaire. Je voulais pouvoir revenir vers les morceaux en les écoutant avec une oreille neuve, et finir tranquillement. Ça n’avait pas été le cas avec Parker Street conçu en quatre mois. Il est apparu telle une photo instantanée qui me représente à un moment et un endroit donné. Mais  avec le recul j’ai eu le sentiment de ne pas avoir complètement terminé le disque, c’est ce que j’ai voulu éviter avec le dernier album.

 

Assures-tu tes arrières à travers Burning House au cas où, par malheur, l’envie d’être sous General Elektriks ne revenait plus au prochain coup ?

Non, non. Avec Burning House il ne se passe rien de spécial pour l’heure. Xcel et moi parlons de refaire un album mais on en parle de manière décontractée, parce que nous sommes respectivement très pris. Moi je suis du genre à ne pas trop prévoir à l’avance et à cet instant, je me fais plaisir avec General Elektriks. J’ai d’ailleurs déjà commencé un prochain album, donc je vais continuer tant que je garde le goût.

 

General Elektriks a toujours été présenté comme un projet. Doit-il encore être considéré comme tel aujourd’hui ?

Oui c’est toujours un projet mais à géométrie variable. Lorsqu’il s’agit d’enregistrement de disque c’est plutôt un projet solo que je fais seul dans mon home-studio. Quand il s’agit de la scène, en revanche, c’est davantage un groupe, car ce sont les quatre musiciens qui d’ailleurs se joignent à moi depuis 2009 pour former le quintet General Elektriks.

 

L’équipe qui t’entoure apporte sa touche, ou bien es-tu le contremaître et les autres disposent ?

L’idée est justement qu’ils ne soient pas que des exécutants. je dis que le projet en scène devient un groupe parce que les gars ne sont pas simplement là pour m’accompagner, genre moi devant et eux quatre transparents derrière. Nous réarrangeons au contraire les morceaux tous ensemble. Je ne considère pas les versions des disques comme quelque chose qu’il faut respecter à 150 pourcents. J’aime que la scène soit différente que le studio. On crée la part scénique tous ensemble et chaque musicien s’investit autant que moi. Je leur laisse beaucoup de place pour s’exprimer, y compris dans l’improvisation. Un musicien s’éclate bien plus ainsi, et j’ai envie que tout le monde s’éclate. Dans nos concerts il y a forcément une structure, mais aussi des plages ouvertes. Et celles-ci sont les plus excitantes car on peut potentiellement se planter. Cela signifie qu’il y a un petit peu de danger et, à partir du moment où il y a du danger, il y a de l’excitation. Ca donne un piment essentiel aux live. En tout cas c’est le cas pour nous, même si je comprends les formations qui font des shows fantastiques en étant plus carrés, sans improvisation. Avec General Elektriks, on essaie de faire de chaque date un instant spécial où la musique est différente du soir d’avant et de celui d’après. Parce que les gens qui viennent nous voir sont différents également.

 

Le dernier album s’appelle To be a stranger : la traduction (Être un étranger – à partir du mot “étrange”) fait appel à une double lecture, non ?

Tu as raison. J’aime de manière générale que chacun apporte sa propre interprétation à ce que je fabrique, aussi bien musicalement que textuellement. “Stranger” est en effet lié à l’étrange. J’ai l’impression d’être une sorte d’ovni. Ma musique n’est pas très formatée et se veut assez personnelle car j’y mets des choses que j’aime bien comme le funk, la soul, le hip-hop, la pop, l’électro… Je mets tout dans un même sac, je secoue et ça donne du General Elektriks. En restant en marge des mouvements j’ai la sensation d’être un étranger musical, ce terme ne s’applique pas qu’à celui qui vient d’un autre pays. Cependant il est vrai que cette notion se tient aussi : techniquement, le titre a été déclenché par la sensation nostalgique de perte de racines, plus forte depuis que j’ai déménagé à Berlin. Je ressentais moins d’être un étranger lorsque je vivais à San Francisco pendant douze ans.

 

Pourtant Berlin, au contraire, est un condensé de pluralisme culturel sous une coupole d’électro ! Ca te ressemble au fond. Tu devrais y paraître presque ordinaire.

Oui et non. D’ailleurs je ne fais pas de l’électro, l’électro est l’un des éléments de ma musique. Et justement par rapport aux styles d’électro que tu peux entendre à Berlin je suis un ovni. (Sourire.) Ce qui se fait là-bas en la matière est très technoïde.

 

Chez toi l’électro sert-il de prisme ? Est-ce une articulation ?

C’est une des couleurs que j’aime dans la musique. Il y a eu un moment où des sonorités électroniques m’ont beaucoup marqué. L’électro fait partie des parfums que j’ai digéré dans mon ADN musical. Les gens appellent facilement “électro” la musique faite à base de clavier. Mais moi j’utilise des claviers qui sont pour la plupart anciens, vieux des années 60-70. Je ne comprends pas vraiment pourquoi on dit que je fais de l’électro…

 

Le morceau Migration Feathers fait office d’exemple où l’électronique est influente. Il semblerait que cette part rattrape les instruments qui tendraient à s’égarer, puis eux-mêmes cherchent à rejoindre l’électro. (Sourire.) C’est évocateur et libre à la fois.

Excellente image, et c’est la première fois que j’entends quelqu’un me dire ça, j’aime bien. Il y a effectivement dans ce morceau une espèce de joute entre l’ancien et le moderne. J’ai écouté beaucoup d’artistes légendaires, j’adore The Beatles, David Bowie ou Stevie Wonder entre autres. Mais je suis aussi attiré par mon présent et l’avenir. Je ne suis pas un passéiste, pas quelqu’un de mal à l’aise avec son époque. Alors je mélange des sons modernes avec des sons plus anciens.

 

  • Propos recueillis par Fred
Total
0
Shares
Related Posts