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INTERVIEW: NADA SURF

Sensation Rock: Quelle est la signification de « The Stars Are Indifferent To Astronomy”?

Matthew Caws: C’est une expression de mon père. Il est prof de philo. C’est quelque chose qu’il dit en classe de temps en temps pour illustrer le fait que l’homme n’est pas si important qu’il croit. La longue version c’est : « Un oiseau ne sait pas qu’on l’appelle un oiseau. Un chien ne sait pas qu’on l’appelle un chien. Et les étoiles ne savent pas qu’on leur a donné des noms et ça leur est égale ». Pour moi, ça en dit beaucoup sur l’humilité qu’il nous manque fasse à la nature. J’ai vu un titre fantôme caché derrière celui-là : “Le changement de climat est indifférent à notre opinion”. Aux Etats-Unis encore récemment beaucoup de gens ne croyaient pas que le climat changeait et que l’homme était impliqué là dedans. Et ces personnes ne vont pas être sauvés par leurs croyances. On est si sûr de nous maintenant avec toutes les technologies qui nous supportent et illustrent notre vie et nous amusent. On perd le rapport avec la réalité.

L’album est résolument rock, à l’image de High/Low ou de The Proximity Effect. Est-ce un retour aux sources ? Une remise en question ? Surtout qu’il a mis 4 ans à venir…

Ce n’est pas une remise en question mais un retour à notre ancienne façon d’enregistrer. On ne pensait pas beaucoup, on jouait les chansons devant les micros et voilà. Les autres albums – dont je suis fier – ont un petit problème. J’écris assez rapidement mais dans le studio on se ralentissait exprès, puisqu’il fallait être mature mais après on tournait, on jouait ces chansons comme je les avais écrites, donc assez rapidement. En fait, on aime quand ça envoie. On voulait avec ce disque enregistrer quelque chose qui serait sur scène comme en studio. Avant, je finissais d’écrire les chansons en studio. Là je me suis dit: “C’est bon, on va être sérieux, on va faire nos devoirs”. Et c’est pour ça que l’album a été enregistré rapidement. Les prises basiques guitare-basse-batterie ont été enregistrées en 4-5 jours. C’est pour ça que ça peut te faire un peu penser à notre ancien style.

Mais ça dépend aussi de la personne avec qui vous travailler. C’est lui qui vous pousse, le producteur…

Chris Shaw nous a beaucoup aidé. Il est très rapide. Il a fait des disques avec Public Enemy, Wilco, Bob Dylan. Quand tu travailles avec Dylan, il faut que les micros soient allumés, qu’ils sonnent bien, qu’il soit prêts à enregistrer. Si Dylan pose sa guitare et se lève pour aller jouer du piano, tu ne peux pas le faire attendre. Chris travaille comme ça, comme on voulait un disque qui garde l’énergie de la salle de répèt’, le son qu’il trouvait immédiatement était excitant. Et ça frappe dur dès la première prise. Et c’est pour ça que The Stars Are Indifferent To Astronomy sonne si spontané.

Depuis vos débuts, l’enfance et l’adolescence sont présents dans vos productions. C’est une source inépuisable d’inspiration pour vous ? Une sorte de nostalgie ?

Je ne sais pas ce que c’est. Pas nécessairement de la nostalgie. D’une certaine manière c’est la seule vie que je connaisse. J’ai été certainement adolescent jusqu’à l’âge de 30 ans (rires). Et puis je suis dans un groupe de rock. Ce n’est pas vraiment une carrière qui te permet de mûrir. C’est un peu aussi la seule vie que je connaisse, mais aussi, s’il y a de la nostalgie, ce n’est pas nouveau. Quand j’avais 25 ans, j’étais nostalgique de mes 22 ans.

Un EP acoustique, The Dulcitone Files, accompagnait la sortie de The Stars Are Indifferent To Astronomy. Envisagez-vous un jour de faire une tournée ou un album complètement acoustique ?

On a fait un petit peu des tournées acoustiques. En Espagne notamment. C’était sympa. Mais j’aime beaucoup jouer comme ça, à la radio ou chez les disquaires. On s’entend mieux chanter. Mais je sais pas si on va faire un disque.

Dans le cas présent, j’ai fait ça car il nous fallait des faces B. J’étais en Angleterre. J’étais tout seul. Je ne connaissais personne. Il y avait un pub pas loin de chez moi et un flyer qui disait « Wedsneday Night –Cambridge Songwriter Night ». Je ne voulais pas y aller et rester à la maison. J’ai fait un effort. Je suis allé au bar. J’ai parlé au gars qui organisait le concert. Il me dit quel groupe ? Nada Surf ? Je crois qu’on a joué avec vous en Allemagne. Prend ma guitare, tu joues dans 5 minutes. Et le mec avait un lapsteel, un son très western. Il était très bon, ce mec ! On discute encore après et il me dit qu’il a un studio dans une petite église abandonnée à 30 km. Un studio incroyable. On a fait ce Dulcitone Files en quatre après-midi, à l’arrache mais relax.

Dans 4 ans, ce sera les 20 ans de High/Low ? Est-ce que vous envisagez de faire quelque chose de spécial, une tournée unplugged, un album acoustique, enfin quelque chose qui serait différent d’une simple réédition d’album ?

C’est pas mal comme idée. L’année prochaine c’est aussi les 10 ans de Let Go. Je réfléchis mais je me dis pourquoi pas 15 ans. On va attendre.

La chanson Jules And Jim devait figurer sur la B.O d’un des Twilight. Pourquoi ça ne s’est pas fait ?

On nous l’avait commandé. Je l’ai écrit. L’enregistrement, l’arrangement et le feeling n’était pas aussi bon que celui du disque. Ils n’en ont pas voulu. Et honnêtement, je suis assez content qu’ils ne l’aient pas pris. Car j’aime ce morceau et je voulais l’avoir sur le disque. En plus cette histoire est assez personnelle. J’étais dans un triangle émotionnel, j’avais beaucoup de sympathie pour nous trois, pour ce mec et cette fille et on était tout simplement trop humain, je m’identifiais en eux. D’où le refrain de la chanson « I am Jules and Jim. I am Catherine ».

On parlait de triangle, de trois personnes. Pourtant maintenant sur scène vous êtes cinq. Est-ce uniquement pour la tournée ou va-t-on voir le groupe s’étoffer ?

En fait, on est au moins quatre maintenant. Je n’aime pas jouer sans ces deux gars-là mais au moins Doug Gillard à la guitare. Ce n’est plus comme avant, je ne prend plus autant de plaisir à jouer à trois. J’ai adoré cette époque, ce côté punk, mais maintenant qu’on a pris l’habitude de jouer à deux guitares, je ne me vois pas revenir en arrière. J’ai goûté à un autre repas, je veux l’autre repas maintenant.

Vous tournez beaucoup. Où avez-vous ressenti le meilleur accueil ?

C’est souvent dans les pays où on n’est pas joué depuis longtemps. Par exemple, le mois dernier, on était au Brésil, on n’y était pas allé depuis huit ans. Le public était extra, ils avaient des pancartes avec les titres des chansons. L’Irlande, l’Espagne, la France ou la Suisse aussi, c’est incroyablement fort. J’adore jouer au Japon aussi. Mais même aux Etats-Unis, dans des villes qu’on ne visite pas beaucoup, comme Austin aux Texas, c’est génial. En fait, je n’ai pas de réponse.

Vous avez maintenant six albums à votre actif. Si tu devais les classer par ordre de préférence?

Ah.. En premier, je dirais Let Go. Ensuite The Stars… Enfin c’est normal de dire que ton dernier disque est un des meilleurs. Mais sincèrement, j’adore le dernier.

Let Go est important parce qu’il a fait exploser votre popularité. C’est celui que le public aime le plus…

Oui, c’est celui que le public aime le plus. Mais pour moi c’est aussi synonyme d’une période spéciale où on n’avait plus de carrière, plus de maison de disques et comme The Proximity Effect était bloqué.. J’avais trois ans à ne rien faire, je bossais chez le disquaire du coin et j’écrivais quand ça me parlait, je vivais, c’était une période de luxe et d’exploration musicale qui me tient très à cœur.

Et puis High/Low est un album qui n’est connu que pour une chanson. Tu le classes plus vers la fin, tu en a marre de cet album ?

Ce n’est pas ça. Je ne l’aime pas autant que les autres. Il y a certaines chansons que j’aime beaucoup mais c’est à partir de Let Go que je me retrouve plus dans la musique. High/Low est un album où on se cherchait et le groupe n’était pas encore formé. Quand Ira est arrivé, les chansons ont été écrites et arrangés sans lui.

Sur tous vos albums, il y a toujours une chanson qui contraste avec les autres.Ici c’est When I Was Young. Sur Lucky, See These Bones. Sur The Proximoty Effect, 80 Windows. C’est un titre sur lequel tu as travaillé beaucoup plus?

C’est vrai sur When I Was Young. J’ai écrit le refrain il y sept ans. Sur Lucky, il y a Are You Lightning? Huit ans pour celle là. C’est une question au début et c’est le temps pour trouver la réponse. Toutes ces chansons sont les plus lentes sur le disque. Pour When I Was Young, Doug m’a aidé pour les arrangements. Mais c’est aussi les chansons les plus lentes. Mais je ne pourrais pas en faire que des comme ça. J’aime quand ça envoie. Sinon, on s’ennuierait (sourire).

Interview par Bob et – F.

Retranscription par – F.

Remerciements à Lucie Courvoisier.

© – copyright – 2012

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